Zakir Hussain, légende des tablas, s'est éteint à 73 ans, le 15 décembre 2024, à San Francisco. Architecte visionnaire de la world music, il a illuminé par deux fois la scène du Festival de Beiteddine, au Liban, en 1999 avec Remember Shakti, puis en 2002 avec Tabla Beat Science.
Zakir Hussain, maître incontesté du tabla, a marqué l'histoire de la musique en bâtissant des ponts entre l'Orient et l'Occident. Né le 9 mars 1951 à Mumbai dans une famille de musiciens, fils du célèbre Alla Rakha, Zakir était prédestiné à une carrière exceptionnelle. Véritable enfant prodige, il donne son premier concert public dès l'âge de 7 ans, révélant un talent prodigieux qui ne cessera de s'épanouir.
C'est en 1970, lorsqu'il s'installe aux États-Unis, que Zakir Hussain entame réellement son ascension fulgurante sur la scène internationale. À un rythme effréné de plus de 150 concerts par an, il se produit aux quatre coins du monde, fascinant les publics par sa virtuosité époustouflante et son charisme. Son jeu de tabla, d'une précision et d'une vélocité stupéfiantes, transcende les frontières et les genres musicaux.
La rencontre de Zakir Hussain avec le guitariste John McLaughlin, en 1974, marque un tournant décisif dans sa carrière. Ensemble, ils créent Shakti, un groupe révolutionnaire qui fusionne avec une harmonie inédite le jazz-rock et la musique indienne. Cette collaboration historique ouvre de nouveaux horizons et inspire de nombreux musiciens à travers le monde. Shakti se reforme en 1997 sous le nom de Remember Shakti, poursuivant cette aventure musicale visionnaire.
Mais l'univers musical de Zakir Hussain ne se limite pas à Shakti. Il multiplie les collaborations prestigieuses avec des artistes de renommée internationale. Avec Mickey Hart, batteur du groupe Grateful Dead, il enregistre en 1991 l'album anet Drum qui révolutionne la world music en réunissant des percussionnistes de différentes cultures. Cet opus novateur remporte le premier Grammy Award de la catégorie World Music, consacrant le génie de Zakir Hussain.
Son album Making Music, sorti en 1987, en compagnie de Jan Garbarek, John McLaughlin et Hariprasad Chaurasia, reste à ce jour son opus le plus écouté avec plus de 34.000 auditeurs sur les plateformes. D'autres collaborations marquantes jalonnent sa discographie, comme Music of the Deserts en 1993, The Melody of Rhythm, avec Béla Fleck et Edgar Meyer, en 2009, ou encore Good Hope, avec Dave Holland et Chris Potter, en 2019.
Au-delà de ces projets d'envergure, Zakir Hussain n'a eu de cesse d'explorer de nouveaux territoires musicaux. On le retrouve ainsi aux côtés de grands noms comme Ravi Shankar, George Harrison, Van Morrison, Charles Lloyd ou encore Bill Laswell. Sa quête insatiable de rencontres et de défis l'a mené à se produire avec les plus grands orchestres symphoniques et à participer à de nombreux festivals de jazz et de world music.
Son éclectisme et sa virtuosité lui valent une pluie de récompenses prestigieuses. Zakir Hussain reçoit au cours de sa carrière pas moins de quatre Grammy Awards, dont trois lors de sa dernière année, en 2024. L'Inde le décore à trois reprises, avec les distinctions Padma Shri, en 1988, Padma Bhushan, en 2002, et Padma Vibhushan, en 2023, saluant sa contribution exceptionnelle à l'art et à la culture. En 1990, il reçoit le prestigieux Prix Sangeet Natak Akademi.
Mais c'est sur scène que Zakir Hussain donne la pleine mesure de son génie. Ses solos enflammés et ses improvisations vertigineuses plongent le public dans une transe jubilatoire. Son jeu, d'une incroyable variété de timbres et de rythmes, allie puissance tellurique et finesse éthérée. Chaque concert devient une expérience cathartique et transcendante, transportant l'auditoire dans des contrées musicales insoupçonnées.
Le monde entier lui rend hommage. Partout où il passe, il est accueilli comme une véritable divinité de la musique, adulé par des milliers de fans qui lui vouent une admiration sans bornes. Son aura dépasse le simple statut de musicien pour atteindre celui d'icône culturelle et spirituelle. Son humilité et sa générosité n'ont d'égal que son talent immense.
L'enseignement tient également une place centrale dans le parcours de Zakir Hussain. Il transmet son savoir avec passion, perpétuant l'héritage musical familial. Son école de tabla à Mumbai, où une place était symboliquement laissée vide en hommage à son père, Alla Rakha, a formé des générations de jeunes talents. Par son exemple et sa pédagogie, Zakir Hussain a contribué à faire rayonner l'art du tabla dans le monde entier.
Sur la scène internationale, Zakir Hussain a illuminé à deux reprises le prestigieux Festival de Beiteddine, au Liban. Le 28 juillet 1999, il se produit avec John McLaughlin dans le cadre du projet Remember Shakti, offrant au public un moment de grâce musicale inoubliable. Il revient le 19 juillet 2002 avec Tabla Beat Science, fédérant autour de lui des pointures comme Bill Laswell, Ustad Sultan Khan, Karsh Kale ou DJ Disk pour une performance électrisante mêlant world music et sonorités électroniques.
En plus de 50 ans de carrière, Zakir Hussain a révolutionné l'art du tabla et la musique indienne, lui donnant une dimension universelle. Son ouverture d'esprit, sa curiosité insatiable et son génie musical en ont fait un ambassadeur culturel inégalé, un trait d'union entre l'Orient et l'Occident, entre tradition et modernité. Zakir Hussain laisse derrière lui le souvenir impérissable d'un musicien hors norme, d'un être lumineux qui a dédié sa vie à la musique et à la fraternité entre les peuples.
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