Les bouleversements en cours au Liban et en Syrie nous laissent perplexes quant à l’avenir des deux pays sous des rapports divers. Au Liban, la mouvance du fascisme chiite essaye de gagner par la politique ce qu’elle a perdu par la guerre. L’enjeu des élections présidentielles est de nouveau à la tête des priorités alors que cette mouvance s’est employée à le bloquer depuis plus de deux ans. En réalité, ce qu’ils essayent de faire, c’est de reprendre le contrôle du processus politique et de restituer la dynamique qui leur avait permis de verrouiller les institutions et de les instrumentaliser au service de la politique de domination qu’elle poursuivait sans ambages. On ne peut pas se méprendre sur ses intentions et sur la nature des rapports qui la relient aux institutions. Les institutions ne sont que de faux-semblants instrumentés par la politique de subversion à double détente qui opère dans les interstices de la politique iranienne.
Nous sommes loin de la configuration de l’État de droit et des échéances constitutionnelles qu’on manipule au gré des intérêts de circonstances. Le jeu institutionnel n’est que prétexte et ne renvoie en aucun cas à la nécessité de redonner à l’État libanais une consistance propre et à l’État de droit sa prégnance. Somme toute, nous ne sommes pas dans une dynamique de paix qui nous permettrait d’aborder de manière frontale les questions épineuses de la concorde civile mise à rude épreuve, des réformes institutionnelles rendues impératives à la suite des disqualifications agrégées qui ont entamé la crédibilité de la vie politique libanaise, des crises multiples de gouvernance et des enjeux de la souveraineté nationale. La politique putschiste poursuit son cours et les Libanais sont dans l'impossibilité de renouer avec le dialogue qui devrait les aider à s'extraire des politiques de puissance régionales et de leurs effets délétères sur la souveraineté nationale et l'autonomisation du jeu politique.
Les mutations en cours en Syrie nous renvoient aux enjeux graves de la paix civile légués par le régime meurtrier et ses némésis, aux politiques régionales de puissance qui opèrent sur le champ syrien, à la résurgence des mouvances terroristes sunnites, à la possibilité de reconstruction d’un État dans un pays balloté par des conflits inter-ethniques aux ramifications inter-frontalières, par les effets délétères d’un État prédateur et factieux qui s’est structuré au croisement du terrorisme d’État, du pillage des ressources publiques et privées et de la patrimonialisation qui en découlaient, à l’impératif d’une justice de transition qui permettrait d’affronter l’héritage lourd d’une dictature meurtrière, aux aléas d’une guerre civile dans une société aux délitements multiples, où la propension au totalitarisme représentée par les mouvements islamistes foisonne.
Le réalisme dont fait preuve le chef du HTC est de bon augure dans la mesure où la recherche d’une solution négociée entre les diverses ailes de l’opposition syrienne, le renoncement aux diktats idéologiques et aux politiques impériales qui en dérivent, et la priorité accordée à la gouvernance économique et sociale dans une hypothétique phase de reconstruction peuvent conjointement mener à la normalisation d’un pays qui s’est délibérément mis au ban de la communauté internationale. Les démocraties occidentales, en prenant acte des déclarations d’intention, ont d’ores et déjà assorti leurs politiques de conditionnalité de priorités humanitaires, de politiques séquencées au rythme des droits de l'homme, de réformes de gouvernance et de démocratisation de la vie politique.
Dans les deux cas de figure, les observateurs des scènes politiques respectives ne peuvent aucunement omettre les incidences des guerres régionales en cours sur les restructurations politiques internes. La fin projetée de la politique de subversion iranienne, l’émergence en cours de la politique néo-impériale de la Turquie islamiste et de l'impérialisme islamiste qatari auront des impacts déterminants sur le dénouement des conflits en question et sur la viabilité de l’État-nation comme cadre structurant et régulateur. La binarité de l’oumma islamique et des États territoriaux est une notion essentielle pour comprendre la dialectique du jeu politique, la fluctuation de ses interstices et le caractère factice des souverainetés territoriales de la géopolitique islamique avec ses doubles marqueurs territoriaux et idéologiques. L’observation vigilante s’impose dans les deux cas pour ne pas se hasarder dans des supputations infondées.
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