À mi-chemin entre le début et la fin du délai prévu pour le cessez-le-feu de soixante jours, instauré le 27 novembre dernier, et en l’espace de trente-trois jours, près de 800 violations israéliennes de l’accord de trêve ont été signalées et plus de 30 personnes tuées par des frappes menées depuis cette date contre des villes et des villages libanais. Des chiffres qui, selon les observateurs, ne sont en aucun cas rassurants, puisqu’ils font craindre l’échec de l’accord de trêve entre le Hezbollah et Israël qui maintient une présence dans la bande frontalière, en attendant que l’armée démantèle l’infrastructure militaire du Hezb et se déploie dans toute la zone au sud du Litani.
Comment se présente la situation sur le terrain actuellement? Quels villages sont toujours contrôlés par l’armée israélienne? Quelles sont les perspectives à court et à moyen termes?
Victime d’une guerre dans laquelle il a été entraîné au nom d’une “unité des fronts”, imposée, avec le Hamas palestinien, le Liban a subi de lourds dommages et d’importantes pertes qui se sont ajoutées à une crise politique et économique sans précédent.
Bien que le cessez-le-feu en cours ait apporté une pause relative aux raids meurtriers et aux combats directs, on reste loin d’une véritable trêve. Plusieurs villages libanais continuent de faire face à des bombardements israéliens sporadiques. D’autres, notamment certaines localités stratégiques, restent sous le contrôle de l’armée israélienne, les termes de l’accord sur le cessez-le-feu n’ayant, à l’heure actuelle, toujours pas été appliqués. Quelles sont-elles?
“Les Israéliens se sont seulement retirés de Khiam (Marjayoun) et de la plaine de Marjayoun, mais n’ont pas abandonné les positions qu’ils occupaient à la veille du cessez-le-feu”, explique le général à la retraite Khalil Hélou.
Sur la totalité des villages où ils sont encore présents, nous retiendrons les principaux qui sont les suivants: Kfar Kila, Odeïssé, Rab el-Thalathine, Markaba, Houla, Mays el-Jabal, Mhaybib, Blida, Nabi Youchaa, Aïtaroun, Maroun el-Ras, Yaroun, Aïta el-Chaab, Ramiyé, Marwahine, El-Matmoura, Alma el-Chaab, Naqoura, de Chamaa jusqu’à la route reliant Tyr à Naqoura, une partie de Kfarchouba, les périphéries de Chebaa et la zone allant du versant est de Jabal el-Cheikh jusqu’aux abords de Aïn Aata.
L’armée israélienne n’est pas présente dans les villages de Aïn Ebel, Deir Mimas et de Rmeich, mais dans le périmètre de ces localités, essentiellement chrétiennes, où le Hezbollah n’a jamais eu de présence. Les forces israéliennes ont ainsi réussi à avancer en territoire libanais sur une profondeur allant de 2 à 8 km.
Au niveau de la frontière avec la Syrie, les Israéliens ont élargi aussi leurs zones de contrôle après la chute du régime de l’ancien président Bachar el-Assad, le 8 décembre dernier. Ils ont, selon le général Hélou, “dépassé le Golan, occupé la partie du ‘No Man’s Land’ qui séparait les deux armées israélienne et syrienne, se sont positionnés dans le mont Hermon et dans la partie sud de l’anti-Liban sur les deux versants (syrien et libanais)”. Ils se sont également rapprochés, d’après lui, de la région de Qatana en Syrie et se trouvent à 22 km du poste-frontière de Masnaa et à 25 km de Damas.
“Avec cette avancée en Syrie, rien n’empêche les Israéliens de progresser vers le nord, de contourner la Békaa, de la couper en deux et d’entrer en territoire libanais”, signale l’expert militaire qui précise que “les fondements de tous ces agissements israéliens sont d’ordre sécuritaire”. “En créant ainsi une profondeur tactique, l’État hébreu cherche à protéger ses positions au Golan et au Liban-Sud”, ajoute-t-il.
L’incursion à Wadi Houjeir
L’incursion israélienne d’il y a quelques jours à Wadi Houjeir s’explique, selon le général Hélou, de plusieurs manières, surtout qu’il s’agit d’un “axe d’avancée, envisagé durant la guerre”. En s’y introduisant, “les Israéliens auraient été à la recherche de dépôts d’armes et de positions de combat camouflées, que le Hezbollah aurait préparées en amont pour les accueillir par un déluge de feu”, suggère-t-il.
Une autre possibilité serait, selon lui, “une reconnaissance en vue de sonder la possibilité d’une éventuelle percée si le but non déclaré est de poursuivre leur avancée terrestre”.
Dans ce contexte, “c’est le comportement des autorités libanaises qui est navrant”, se désole-t-il, tout en s’interrogeant sur l’inertie du gouvernement qui n’entreprend aucune démarche en vue d’une véritable mise en vigueur de l’accord conclu.
Où en est le déploiement de l’armée libanaise à la frontière? Pour quelles raisons est-il “ralenti”? s’interroge-t-il. “Les responsables libanais se contentent de vagues déclarations et de tergiversations, alors que d’une part, les Israéliens continuent d’exécuter leur plan, celui de sécuriser leur frontière, et d’autre part, le Hezbollah tente de se réorganiser comme si l’accord n’existait pas”, s’insurge le général Hélou.
À la question de savoir si la formation pro-iranienne a encore les moyens de se “redresser”, l’expert militaire répond par l’affirmative. “Le Hezb a été sérieusement affaibli. Il essaie aujourd’hui de préserver ce qui lui reste en termes de potentiel militaire et de maintenir son influence sur les grandes décisions politiques au Liban. Il peut donc indubitablement se reconstituer, quand bien même les passages d’approvisionnement terrestres ont été coupés”, souligne-t-il. D’après lui, les voies maritimes (à travers le canal de Suez et la Méditerranée notamment) restent une option pour l’armement, même si le processus est difficile.
Quant au financement, il est rendu possible via, entre autres moyens, les valises diplomatiques iraniennes.
Avec des perspectives de désescalade incertaines, le Liban, déjà affaibli par des crises économiques internes et un gouvernement fragilisé, se trouve dans une position vulnérable face à la pression extérieure et aux défis internes.
D’aucuns redoutent un retour de la guerre. Alors que la diplomatie s’active en coulisses pour tenter de maintenir la trêve, l'incertitude demeure quant à l'évolution de la situation dans les semaines et les mois à venir.
Commentaires