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©Ici Beyrouth

Selon le vieil adage, “le Liban ne sera jamais le premier État arabe à faire la paix avec Israël, mais il ne sera pas le dernier”. Pourtant, depuis plusieurs décennies, cette possibilité semble avoir été reléguée aux calendes grecques, notamment en raison des décisions libanaises prises sous l'influence des Assad et du soutien iranien. En effet, depuis 1983, les Assad ont systématiquement veillé à ce que le sud du Liban reste un front actif contre Israël. Cependant, cela n’a jamais servi les intérêts du Liban, mais ceux de Damas, dont l’objectif principal était de maintenir un front extérieur tendu tout en conservant une ligne de front relativement calme au Golan, occupé par Israël. Plus de deux décennies après le retrait de l’armée israélienne du Liban, le Hezbollah a maintenu la pression militaire sur Israël non pas au nom des Libanais, mais au nom de ses maîtres à Damas et Téhéran. Le peuple libanais en a payé un lourd tribut.

La donne a désormais changé. Le Hezbollah est à genoux, Assad est hors-jeu et la roue a tourné pour Téhéran. Partant, les nouvelles dynamiques régionales placent Israël et le Liban dans une position où, pour la première fois, il n’y a plus d’obstacles majeurs à une éventuelle normalisation des relations. Le Liban, désormais libéré des ambitions géopolitiques de la famille Assad, pourrait enfin envisager une paix formelle avec Israël.

Il est important de noter qu’à la différence de la Syrie ou des Palestiniens, le Liban n’a pas de revendications territoriales directes contre Israël. La question des fermes de Chebaa est une anomalie frontalière et une revendication qui n’a émergé qu’au moment où le Hezbollah avait besoin d'un prétexte pour continuer sa “résistance” après le retrait israélien. En privé, Bachar el-Assad soutenait que ces fermes appartenaient à la Syrie. Quoi qu’il en soit, les dirigeants et négociateurs de bonne volonté peuvent concevoir un certain nombre de formules permettant de sauver la face pour empêcher que cette question ne soit un obstacle à la paix, comme la laisser en suspens ou la confier aux Casques bleus de l'ONU jusqu'à ce qu’un arbitrage international clarifie son statut.

Ainsi, les contours d'une paix israélo-libanaise ne sont pas si difficiles à imaginer. Ils pourraient reposer sur plusieurs principes fondamentaux: des engagements sécuritaires solides, une délimitation claire des frontières avec des mécanismes de conciliation des litiges frontaliers au fil du temps. Il serait essentiel également d’instaurer une reconnaissance mutuelle, mettant ainsi fin à la perception de l’autre comme un ennemi, ainsi qu’à l’interdiction des survols militaires non autorisés. L’ouverture de l'espace aérien aux vols commerciaux serait enfin un progrès tangible. Par ailleurs, la Finul pourrait rester en place jusqu'à ce que l’armée libanaise dispose des effectifs nécessaires pour sécuriser durablement le sud du pays.

Une question centrale demeure cependant: celle des réfugiés palestiniens, qui reste une grande préoccupation pour le Liban. Toutefois, depuis la Conférence de Madrid en 1990, il est reconnu que ce dossier doit être traité dans le cadre des négociations entre Israël et les Palestiniens, et non comme un sujet bilatéral entre le Liban et Israël.

Bien qu’une paix entre le Liban et Israël ne soit probablement pas plus chaleureuse que celles que l’Égypte ou la Jordanie ont établies avec Israël, notamment en raison des souffrances et des pertes vécues des deux côtés au fil des décennies de conflits, cela importe peu. Même une paix froide serait un progrès considérable, libérant les générations futures des deux côtés de la frontière du spectre de la violence.

Les bénéfices pour le Liban d’une telle paix semblent évidents. Une pareille avancée favoriserait la confiance et la sécurité, créant un environnement propice aux nouveaux investissements, au retour des fonds des expatriés, au développement du tourisme et à une croissance économique durable. L’aide internationale, notamment vers le sud du pays, serait également significative. En conséquence, Beyrouth aurait enfin l’opportunité de redevenir une ville attrayante et fonctionnelle, un centre névralgique du commerce et des échanges d’idées au Moyen-Orient et au-delà.

Bien que certains nationalistes arabes et les caciques du Hezbollah puissent encore s'opposer à un rapprochement avec Israël, leur pouvoir est en déclin. À mesure que leur influence s’amenuise, il leur sera de plus en plus difficile de proposer une alternative crédible pour le Liban. Leurs modèles ont échoué. Il ne fait aucun doute que l'accord sur la délimitation de la frontière maritime et le cessez-le-feu conclu en décembre ont montré que le Liban a bien plus à gagner de l'engagement diplomatique avec ses voisins que de l'hostilité, qui n’a fait que servir des intérêts étrangers, sans jamais répondre aux besoins du Liban. Le réalignement du pouvoir dans la région, couplé aux changements profonds des derniers mois, a ouvert une fenêtre inattendue pour la paix. Cependant, cette fenêtre pourrait se refermer rapidement si l’opportunité n’est pas saisie. Le Liban se trouve devant une occasion rare de prendre des décisions en son propre intérêt, qui pourraient assurer sa stabilité et son avenir. Ceux qui insistent pour attendre doivent se poser une question essentielle: attendre quoi exactement?

Une telle initiative pour la paix entre Israël et le Liban serait sans doute soutenue par Washington et les États arabes du Golfe. De plus, Téhéran et Damas ne sont plus dans une position où ils pourraient facilement saboter ce processus ou s'y opposer activement. Le peuple libanais, désireux de retrouver sa souveraineté, pourrait ainsi voir dans cette démarche un retour réaliste à un état stable et souverain. L’État libanais a désormais l’opportunité de prendre la décision souveraine ultime: faire la paix avec ses voisins.

 

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