Les Grammys et Beyoncé: une quête inachevée
La chanteuse Beyoncé pose avec ses trophées Grammy dans la salle de presse lors de la 59e édition des Grammy Awards, le 12 février 2017, à Los Angeles. ©Robyn Beck / AFP

Malgré ses 32 trophées, Beyoncé n’a jamais remporté le Grammy du meilleur album. Avec Cowboy Carter, elle est de nouveau en lice cette année, mais les défis restent les mêmes pour cette artiste iconique.

Si l’univers de la musique regorge d’histoires d’amour contrariées, celle entre Beyoncé et les Grammy Awards a atteint, au fil des années, une dimension légendaire. La reine de la pop, auteure d’une œuvre défiant les conventions, est l’artiste la plus primée de l’histoire de ces récompenses américaines avec 32 gramophones. Cependant, elle n’a jamais remporté le prix du meilleur album, malgré des distinctions dans des catégories secondaires.

Taylor Swift, Adele, Beck ou encore Harry Styles: les artistes blancs ayant décroché cette récompense ultime alimentent les accusations récurrentes de conservatisme à l’encontre de l’industrie musicale américaine.
Cette année, "Queen B" est encore une favorite grâce à Cowboy Carter, son album aux influences country.
Un Grammy du meilleur album, après cinq nominations infructueuses dans cette catégorie, représenterait un bouleversement "comparable à l’élection de Barack Obama", selon Birgitta Johnson, professeure d’histoire de la musique à l’Université de Caroline du Sud.

Un problème de "valeurs"

Les votants des Grammy Awards seraient moins sensibles aux projets collaboratifs, souligne Mme Johnson. Or, la collaboration est au cœur de l’ADN de l’ancienne chanteuse de Destiny’s Child, qui puise ses racines dans le rap et le r’n’b.
Cette culture musicale noire la désavantage, explique Lauron Kehrer, musicologue à la Western Michigan University. Elle rappelle notamment la défaite de Beyoncé face à Beck en 2015. Là où la chanteuse avait conçu un album collaboratif, Beck avait produit son opus de manière totalement autonome.
"Les valeurs des votants sont davantage alignées sur des genres dominés par les Blancs, comme le rock et l’indie alternative", déclare Kehrer.

Le manque de reconnaissance de Beyoncé reflète les "fractures" de l’industrie musicale, qui peine à assimiler les questions de diversité et d’identité de genre. Bien que les Grammys aient élargi le nombre de nominés dans les catégories majeures, cela a davantage fragmenté les votes, rendant encore plus rare la victoire des artistes non conventionnels et des personnes de couleur.

Une indépendance totale

Beyoncé semble pourtant peu affectée par ce rejet institutionnel. Entièrement indépendante, elle se concentre sur l’exploration musicale. Alors que son précédent album, Renaissance, regorgeait de sonorités dance et electro, Cowboy Carter s’affirme comme un projet hybride, mêlant country, Americana, pop et rap.
Avec 11 nominations cette année, Beyoncé prouve qu’elle ne peut être cataloguée. "Elle force les institutions à repenser leur vision des genres musicaux", observe Kehrer.

Au final, ce sont peut-être les Grammys qui ont davantage besoin de Beyoncé pour préserver une image inclusive et pertinente. En parallèle, son influence sur la jeune génération est incontestable. Des artistes comme Billie Eilish, qui mêlent les genres tout en abordant des thèmes tabous, s’inspirent directement de cette approche.
Pour les fans, cependant, une victoire de Beyoncé dans une catégorie majeure aurait une forte valeur symbolique, rappelant que les Grammys reflètent aussi les évolutions sociales et politiques.

Avec AFP

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