Autorité du contentieux: quid du sort de la circulaire 165?
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Dans une initiative pour le moins surprenante, survenue quelques jours avant son départ à la retraite, la juge Helena Iskandar, présidente de l’Autorité du contentieux au sein du ministère de la Justice, a déposé devant le Conseil d’État deux requêtes visant l’intervention de l’État libanais dans les recours en annulation des circulaires n°151 et n°165, introduits par des avocats. Dans ses conclusions, la magistrate a estimé que la position de l’État libanais était alignée sur celles des requérants et a plaidé pour l’annulation des deux circulaires et de tous leurs effets, les jugeant contraires aux lois en vigueur, notamment au Code de la monnaie et du crédit. Elle a justifié sa démarche par la nécessité de préserver l’ordre juridique et de protéger les fonds des déposants.

Contexte des circulaires 151 et 165

Le 19 avril 2023, l’ancien gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, avait promulgué la circulaire n°165, encadrant les opérations de compensation électronique des fonds en espèces. Cette circulaire définissait les fonds en espèces comme ceux transférés depuis l’étranger, reçus sous forme de billets en devises étrangères après le 17 novembre 2019, ou déposés sous forme de billets dans de nouveaux comptes en livres libanaises.

Quant à la circulaire n°151, publiée le 21 avril 2020, elle avait initialement fixé le taux de change des retraits en dollars à 3.900 livres libanaises. Ce taux avait été révisé à plusieurs reprises, atteignant 15.000 livres en février 2023. Cette mesure permettait aux déposants de retirer leurs fonds en dollars à un taux supérieur à celui du taux officiel de 1.500 livres, mais inférieur à celui du marché parallèle, avec un plafond fixé à 100 dollars par mois à l’époque.

Toutefois, la circulaire n°151 n’a plus d’existence légale, puisqu’elle a été annulée par le gouverneur par intérim, Wassim Mansouri, il y a plus d’un an, faute de reconduction. Partant, cette situation soulève des interrogations sur la recevabilité d’un recours visant l’annulation d’une circulaire déjà caduque, rendant toute procédure en ce sens juridiquement infondée.

Concernant la circulaire n°165, elle avait été instaurée pour faire face à la crise financière et monétaire résultant de l’incapacité des banques à rembourser les dépôts, en raison du défaut de paiement de l’État libanais sur ses dettes envers la BDL, qui assure le financement du secteur bancaire. Pourtant, depuis le début de la crise, l’État libanais n’a jamais reconnu sa responsabilité ni pris de mesures pour honorer ses engagements vis-à-vis de la banque centrale.

Dans ce contexte, la BDL avait introduit en avril 2023 une circulaire visant à réguler les transactions électroniques, en distinguant les fonds dits “frais” (fresh money) des fonds antérieurs au 17 novembre 2019. L’objectif était de limiter l’expansion de l’économie informelle et de renforcer la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, conformément aux recommandations du Groupe d’action financière (Gafi).

L’importance de la circulaire 165

Le rapport du Gafi publié en 2024, avant l’inscription du Liban sur la liste grise, avait mis en avant les efforts de la BDL pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, ainsi que pour réduire l’économie informelle. Partant, la mise en conformité de la BDL et du secteur bancaire avec les normes internationales a limité les effets négatifs de cette inscription.

C’est dans ce cadre que la circulaire n°165 a joué un rôle clé en réduisant les risques d’isolement du Liban vis-à-vis des banques correspondantes et en encadrant la masse monétaire en livres libanaises. En coordination avec le ministère des Finances, elle a également contribué à réguler les transactions en livres libanaises dans les opérations administratives et financières.

Une approche contrastée au sein du ministère de la Justice

Des sources indiquent que le juge Claude Ghanem, récemment nommé à la tête de l’Autorité du contentieux après le départ à la retraite de la juge Iskandar, adopte une approche plus pragmatique. Commissaire adjoint du gouvernement auprès du tribunal militaire, il mesure pleinement l’importance des actions mises en place par la BDL. Son approche tranche avec celle de la juge Iskandar, accusée par certains d’instrumentalisation politique du dossier de la BDL et des banques, et perçue comme proche de la procureure du Mont-Liban, la juge Ghada Aoun, qui prendra sa retraite le 25 mars prochain.

À l’heure actuelle, le juge Ghanem analyse les commentaires concernant la circulaire n°165 avant de statuer sur la suspension de la décision prise par son prédécesseur. Son analyse prend en compte les répercussions monétaires et bancaires de toute décision en la matière.

 

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