
Un nouvel appel à reprendre possession des villages où Israël maintient une présence a été lancé pour dimanche. Il y aurait eu quelque chose de très noble dans l’élan qui pousse les natifs du Liban-Sud vers leurs villages, s’il avait été spontané: une légitimité morale qui tirerait sa substance aussi bien de l’attachement à la terre que du devoir dû aux morts civils dont les corps sont toujours pris sous les décombres de maisons détruites. Mais il y a là aussi, instrumentalisé par le Hezbollah, quelque chose d’irréfléchi, à la fois de très fougueux et de très brouillon, dont l’histoire du Liban, ancienne et récente, nous a déjà donné des exemples.
Cette instrumentalisation a transparu dans le déchirant témoignage d’une femme blessée, filmée par un cameraman, qui a confié, le souffle coupé, que c’est sous la pression d’une “injonction religieuse” qu’elle s’est déplacée au Liban-Sud. “Sinon, je ne m’y serais pas rendue”, a-t-elle reconnu.
Les populations de ces villages, certes, les ont quittés précipitamment, sous les sommations du porte-parole de l’armée israélienne. Pour vaincre toute réticence, rappelons-nous comment le Premier ministre israélien leur avait dit que cette absence serait “temporaire” et qu’on leur signifierait quand ils pourraient retourner chez eux. Et voilà qu’ils constatent, photos à l’appui, que leurs chez-eux ne sont plus que des monceaux de débris, dans des villages piégés dont les souterrains ont été transformés en dépôts d’armes. Ce constat renforce la peur qu’ils ont ressentie, au moment de leur départ, que celui-ci pourrait être sans retour alors qu’Israël est accusé de vouloir établir un no man’s land frontalier.
En vis-à-vis, il y a l’acharnement d’une idéologie politico-religieuse propagée par le Hezbollah, dans laquelle il n’y a pas de place pour un Israël au Moyen-Orient: une idéologie en fonction de laquelle l’État hébreu est considéré comme “une entité artificielle qui doit être anéantie”, selon une expression venue de la bouche d’Ali Khamenei lui-même.
Or, face à un tel absolu, il n’y a de place que pour un autre absolu. Le Liban est pris en tenailles par deux idéologies antithétiques, la première refusant de décrire l’autre autrement que comme une “entité artificielle”, qui n’a pas sa place au Moyen-Orient, la seconde entraînant la société israélienne vers un nationalisme hostile à “la solution à deux États”.
Entre Israël et la Palestine, le combat pour l’espace vital est désormais absolu. En face, une radicalisation similaire s’opère et toute conciliation favorable à l’existence de l’État israélien est assimilée par l’islam militant incarné par l’axe pro-iranien à une “trahison”.
Pour en revenir au Liban, le Hezbollah a donc lancé un appel à un rassemblement populaire sur les routes qui conduisent aux villages du secteur oriental du Sud (Yaroun, Kfar Kila, Adaïssé, Rab el-Thalathine, Markaba, Houla, Maïs el-Jabal, Blida, Wazzani, Aïtaroun, etc.). Une fois de plus, une population civile va affronter l’armée israélienne, rien que parce qu’elle a reçu un ordre religieux (taklif charii) de le faire, pour servir les objectifs du Hezb. Que va-t-il se passer? Saura-t-on éviter ce qui s’est produit la semaine dernière, quand l’armée avait bloqué des routes et interdit aux habitants de passer, avant de céder, pour éviter le piège hezbollahi d’une confrontation avec les civils, avec le résultat que l'on sait: 24 morts, dont des pères et des mères, un militaire et plus d'une centaine de blessés, certains grièvement?
Aux responsables de ne pas attendre la dernière minute pour décider de la conduite à suivre, d'autant que le délai jusqu'au 18 février, accordé à l'armée israélienne pour évacuer le territoire libanais, est désormais légal, et qu'Israël peut s'en prévaloir. Qui va l’emporter? L’aventurisme d’un parti qui a déjà ruiné le pays ou la sagesse d’un État qui saura faire la part des choses et se montrer aussi bien soucieux de ménager les vies humaines que d’être intransigeant sur sa souveraineté? Saurons-nous éviter un drame qui tournera court, laissant un goût de gâchis inutile?
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