Liban: l'octroi des prêts logement peine à se concrétiser
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L’octroi des prêts logement au Liban demeure un défi majeur, dans un contexte où la livre libanaise a perdu 98% de sa valeur face au dollar depuis le début de la crise multidimensionnelle de 2019. Cette instabilité économique rend difficile la mise en place de mécanismes de financement adaptés aux besoins des citoyens.  

Pour encourager les jeunes diplômés à rester au Liban, il est impératif de leur offrir d’abord des opportunités d’emploi, puis des solutions viables pour accéder à la propriété. Or, aujourd’hui, le paysage du crédit immobilier reste flou, aucun plan sérieux de redressement des institutions publiques et privées n’ayant encore vu le jour.

En principe, trois entités sont en mesure d’octroyer des prêts logement au Liban: les banques commerciales, l’Établissement public de l’habitat (EPH) et la Banque de l’habitat (BDH).

Le désengagement des banques commerciales

Depuis le début de la crise en 2019, les banques commerciales ont cessé d’accorder des prêts à la consommation, et encore plus à l’immobilier, pour plusieurs raisons. Elles ont subi des pertes colossales estimées à environ 35 milliards de dollars, correspondant aux prêts en devises qu’elles avaient accordés à des particuliers et des entreprises du secteur privé et qui leur ont été remboursés sur la base du taux officiel de 1 507,5 livres pour un dollar. À ce jour, aucune loi n’a été adoptée pour les protéger contre de telles pertes.

De plus, elles ne disposent pas de dépôts bloqués en dollars frais résidents en quantité suffisante pour leur permettre d’accorder de nouveaux crédits en devises. Un banquier interrogé par Ici Beyrouth explique que son établissement accorde actuellement des crédits à la consommation sur une durée maximale d’un an, comme pour l’achat d’une voiture, mais exclut tout prêt immobilier. Ce type de financement nécessite des engagements à long terme, supérieurs à deux ans, et implique un risque financier plus élevé.

Pour garantir la viabilité de l’opération d’emprunt, il est essentiel que la durée des dépôts bancaires bloqués soit supérieure à celle des prêts accordés. Cette condition permet aux banques de s’assurer que les fonds déposés restent disponibles durant toute la période de remboursement, évitant ainsi un déséquilibre financier. À défaut, le retrait prématuré des dépôts pourrait compromettre la stabilité du système de crédit.

L’EPH: une institution à l’arrêt

Créé en 1999 pour remplacer la Caisse indépendante de l’habitat, l’Établissement public de l’habitat a cessé d’accepter de nouvelles demandes de prêts logement depuis 2018, faute de financement.

Son fonctionnement repose sur un partenariat avec les banques commerciales, qui lui fournissent les fonds nécessaires. L’EPH joue ainsi le rôle d’intermédiaire entre les établissements de crédit et les emprunteurs. Ces derniers peuvent rembourser le capital sur une période dépassant vingt ans, tandis que l’EPH prend en charge le paiement des intérêts auprès de la banque. Une fois le capital totalement remboursé, l’emprunteur s’acquitte progressivement des intérêts avancés par l’EPH selon un échéancier flexible qui lui convient.

Aujourd’hui, l’EPH, qui est une institution à l’arrêt, fait face à un problème particulier: de nombreux bénéficiaires de prêts demandent la mainlevée de leur hypothèque après avoir remboursé leur dette par anticipation, profitant de la dévaluation de la livre libanaise. Le nombre de dossiers en attente s’élève à 85.000, alors que seuls 35 employés – sur un effectif total de 160 – se présentent actuellement sur leur lieu de travail, selon le PDG de l’EPH, Rony Lahoud. Cette situation ralentit considérablement le traitement des demandes et complique davantage le fonctionnement de l’institution.

La BDH relancée grâce au Fonds arabe pour le développement

Après avoir suspendu l’octroi de crédits depuis 2019, la Banque de l’habitat a pu reprendre ses activités grâce à un financement du Fonds arabe pour le développement économique et social. Ce dernier lui a accordé un prêt de 165 millions de dollars, versé en plusieurs tranches.

Grâce à ce soutien, la BDH peut désormais accorder des prêts allant jusqu’à 50.000 dollars pour les ménages à revenu moyen et 40.000 dollars pour ceux à revenu limité. Toutefois, pour en bénéficier, l’emprunteur doit être en mesure d’apporter au moins 20% du prix du logement.

Les ménages à revenu moyen sont ceux dont le salaire se situe entre 1.500 et 2.000 dollars par mois, tandis que ceux à revenu limité gagnent entre 1.000 et 1.500 dollars.

Depuis la réactivation du programme, la plateforme en ligne de la BDH a attiré 26.000 visiteurs, parmi lesquels 10.000 ont présenté une demande de prêt. Cependant, seules 1.219 demandes ont été approuvées.

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