Défis majeurs dans un temps restreint pour le gouvernement Salam
©AFP

La formation du gouvernement de Nawaf Salam en seulement vingt-six jours de consultations est probablement la plus rapide des trois dernières décennies. En effet, le Premier ministre est parvenu à former un cabinet conforme aux critères qu’il avait définis en accord avec le président Joseph Aoun, à savoir une équipe de technocrates sans ministres affiliés directement aux partis politiques, mais plutôt de personnes proches des différentes forces politiques.

Certains partis avaient d’ailleurs proposé des noms pour les portefeuilles qui leur étaient attribués, mais M. Salam a fait le choix de ceux qu'il estimait les plus compétents.

Par ailleurs, les négociations avec le tandem Amal-Hezbollah ont été particulièrement complexes en raison des exigences du Hezb, qui avait initialement refusé de céder un ministre chiite. Cependant, il a fini par le faire face à la pression locale et internationale. M. Salam souhaitait surtout éviter une paralysie gouvernementale due au tiers de blocage ou une perte de légitimité à suite de la démission des ministres chiites.

Pour la première fois depuis 2008, le tandem Hezbollah-Amal n’a pas réussi à faire valoir ses conditions lors de la formation du cabinet. Le Hezbollah, en déni face aux changements locaux et régionaux, a été incapable d'imposer un gouvernement comme par le passé.

Le tandem continue de s’accrocher à l’axe de la Moumanaa mené par l'Iran, malgré la perte évidente de son influence au Liban après la défaite militaire du Hezb contre Israël, qui a coûté la vie à plusieurs de ses dirigeants et détruit une grande partie de son arsenal. En Syrie, la chute du régime de Bachar el-Assad et l’expulsion de l’Iran ont également réduit son influence, de même qu'en Irak.

Le Hezbollah espérait utiliser la formation du gouvernement comme levier de négociation pour l'Iran face à Washington, après l'arrivée de Donald Trump. Cependant, les États-Unis ont clairement rejeté toute participation du Hezbollah au gouvernement, notamment après l’échec de ce dernier à imposer son candidat à la présidence de la République et à faire nommer Najib Mikati pour former le cabinet.

Selon le Hezbollah, après un prétendu retournement de situation, Nawaf Salam a été désigné par l'opposition et les réformistes pour former le gouvernement. Dans les négociations avec M. Salam, le Hezbollah n'a pas réussi à préserver ce qu'il considérait comme des acquis obtenus dans l'accord de Doha, désormais obsolète, que le Premier ministre a délibérément choisi de ne pas prendre en compte.

Comme prévu, l’annonce de la formation du gouvernement Salam a été retardée jeudi dernier, notamment en raison de la visite de Morgan Ortagus à Beyrouth – sa première mission en tant qu’envoyée spéciale des États-Unis pour le Moyen-Orient.

Selon des informations de Washington, Mme Ortagus portait un message clair: les États-Unis ne toléreront plus l'influence illimitée du Hezbollah dans la formation du gouvernement. Si un gouvernement, dans lequel l'influence du Hezbollah est limitée et qui s'engage dans des réformes ainsi que dans la lutte contre la corruption, n'est pas formé, le Liban risque l'isolement international et un effondrement économique encore plus grave.

D’autres agences de presse ont relayé les déclarations d’un haut responsable américain: “Nous savons quelle vision nous avons pour l’avenir du Liban. C’est un nouveau jour. Le Hezbollah a été défait, et le nouveau gouvernement doit refléter cette réalité.” Mme Ortagus a ainsi transmis un message sans équivoque aux autorités libanaises, soulignant la position de l’administration Trump qui refuse toute influence iranienne dans les affaires libanaises.

Selon certaines sources, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a, de son côté, transmis à l'administration américaine des informations concernant la sécurité au Liban, selon lesquelles l’armée libanaise n’a toujours pas résolu la question de l’armement du Hezbollah, tout en précisant qu’il existe encore des centaines de dépôts d’armes dans le sud, la banlieue sud de Beyrouth et la plaine de la Békaa. Des informations prises très au sérieux par l’administration américaine.

Dans un souci de trouver des solutions, Netanyahou aurait proposé à Trump de fixer un court délai au Liban pour démanteler ces arsenaux. En cas d’échec, Israël lancerait une offensive plus sévère visant directement l’organisation militaire et politique du Hezbollah.

Un responsable américain affirme que le Liban a fait des progrès avec l'arrivée de Joseph Aoun et Nawaf Salam au pouvoir. Selon lui, le pays semble être sur la bonne voie et ne doit pas faire marche arrière.

Face à ce contexte délicat, le gouvernement Salam se retrouve confronté à des échéances critiques, à savoir la rédaction de la déclaration ministérielle, qui devrait exclure le fameux triptyque “armée, peuple, résistance” et toute légitimation d'une prétendue résistance; l'obtention de la confiance du Parlement; le désarmement progressif du Hezbollah, en commençant par le sud; l’échéance critique du 18 du mois; la mise en œuvre de réformes et l’audit juricomptable pour redresser le secteur bancaire et récupérer les fonds des déposants; la relance de l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth; la réintégration du Liban dans le giron arabe et la fin de son assujettissement à l'Iran afin de restaurer sa souveraineté sur la scène internationale.

Ces défis sont particulièrement complexes pour un gouvernement dont le mandat ne dépassera pas un an et trois mois, jusqu’aux prochaines élections législatives. Cependant, l'essentiel est de mettre le train sur les rails. Chaque ministre devra s'atteler avec diligence à ses dossiers prioritaires pour atteindre un maximum d’objectifs dans un minimum de temps.

Commentaires
  • Aucun commentaire