
Avec des moyens limités, tant en équipements qu’en personnel, les douanes libanaises et la Sûreté générale s’efforcent de contrôler les frontières poreuses entre le Liban et la Syrie. Selon certaines sources, près de 150 points de passage illégaux existeraient entre les deux pays, alors que le poste-frontière de Masnaa demeure le seul officiellement opérationnel.
Le trafic illégal de marchandises entre le Liban et la Syrie ne date pas d’hier. La situation ne s’est guère améliorée après l’effondrement du régime de Bachar el-Assad, malgré le soutien du Royaume-Uni au Liban pour le contrôle de ses frontières, notamment à travers la construction de tours de surveillance aux frontières nord et est du pays.
En Syrie, l’approvisionnement en produits de première nécessité (denrées alimentaires, carburant, ciment, etc.) reste fortement perturbé. Cette pénurie alimente une forte demande pour des produits souvent introduits illégalement, d’autant plus que la Syrie demeure soumise aux sanctions américaines.
Forte demande syrienne en dérivés pétroliers libanais
Le marché syrien est particulièrement demandeur de dérivés pétroliers, notamment en provenance du Liban. Le pays risque de se retrouver en rupture de stock dans un avenir proche. Actuellement, l’essence disponible dans les stations-service syriennes provient des installations de stockage rattachées aux raffineries de Banias et Homs, un stock datant d’avant la chute du régime Assad, raconte une source locale à Ici Beyrouth. Cette même source souligne la faible qualité de ce carburant, caractérisé par un indice d’octane bas, ce qui le rend nocif pour les moteurs des véhicules.
À l’inverse, l’essence en provenance du Liban affiche un indice d’octane de 85, ce qui en fait une alternative plus prisée par les Syriens en raison aussi de sa meilleure accessibilité logistique.
Depuis la chute du régime d’Assad, la Russie et l’Iran ont presque arrêté leur approvisionnement en carburant à destination de la Syrie. Face à cette pénurie, Damas a dû recourir à "des circuits illégaux" pour importer du carburant depuis le Liban, la Jordanie et la Turquie. En effet, la loi César imposée par les États-Unis maintient la Syrie sous un régime de sanctions, interdisant toute coopération commerciale entre Damas et les pays tiers.
Dans ce même contexte, il convient de souligner la présence de la milice kurde Qasad, qui contrôle plusieurs gisements pétroliers en Syrie, notamment à Deir ez-Zor et Hassaké. Cette situation complique l’acheminement et la distribution du carburant vers les autres provinces syriennes.
Petits et grands contrebandiers
Dans le contexte actuel en Syrie, il n'est pas surprenant de voir des individus postés le long des routes des provinces syriennes, vendant des bidons de dix litres d’essence ou de mazout. Ces petits contrebandiers réalisent des bénéfices modestes, tandis que les grands commerçants influents orchestrent un trafic à bien plus grande échelle, faisant passer clandestinement des citernes entières de carburant par des points de passage illégaux.
Selon Maroun Chammas, président de l’Association des sociétés importatrices de pétrole au Liban (Apic), près de quatre millions de litres d’essence et de mazout seraient acheminés chaque jour frauduleusement du Liban vers la Syrie. Ce trafic profite non seulement aux contrebandiers, mais aussi, indirectement, à l’État libanais, qui perçoit une TVA d’environ 1,8 à 1,9 dollar par bidon d’essence vendu et bénéficie des frais portuaires à l’arrivée des marchandises au port.
Pas de crise de carburant au Liban
"Il n’y aura ni crise ni pénurie de carburant, comme ce fut le cas il y a quelques années", affirme une source au sein de l’APIC, sous couvert d’anonymat. Selon elle, les crises de carburant de 2020 et 2021 étaient artificielles, provoquées par la politique de subvention étatique des prix des dérivés pétroliers. "Ce mécanisme encourageait aussi bien les consommateurs que les commerçants à spéculer sur les prix et à stocker du carburant dans un but lucratif", explique-t-elle.
Aujourd’hui, l’approvisionnement en carburant n’est plus un casse-tête quotidien pour les Libanais. Le secteur privé a diversifié ses sources d’importation, assurant un ravitaillement plus régulier grâce à des accords conclus avec différents fournisseurs et à l’ouverture du marché à la concurrence.
Un autre facteur clé a contribué à cette amélioration: la stabilisation du taux de change. La volatilité de la livre libanaise ayant diminué, l’achat de carburant en dollars est devenu plus prévisible, réduisant ainsi les spéculations et arbitrages économiques complexes.
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