Le gouvernement face à l'épreuve de la confiance: comment se positionnent les blocs parlementaires?
©Ici Beyrouth

Pour assoir sa légitimité, le nouveau gouvernement de Nawaf Salam devra franchir une nouvelle et dernière étape avant la prise effective de ses “pouvoirs”. Après sa formation le 8 février 2025 et l’élaboration de sa déclaration ministérielle lundi dernier, le cabinet aura un défi ultime à relever, celui de gagner la confiance du Parlement.

Ainsi et dans le cadre d’une séance plénière qui se tiendra les 25 et 26 février, les députés devront-ils se prononcer sur ce soutien. La décision qui en découlera pourrait bien marquer un tournant décisif dans la gestion des affaires publiques du Liban. Cette épreuve ne sera donc pas seulement déterminante pour l’avenir du gouvernement, mais pourrait également briser l’impasse institutionnelle qui perdure depuis (au moins) 2019.

Mais avant d’arriver à ce stade, la question qui taraude les esprits est celle de savoir quelles sont les orientations des principaux blocs parlementaires et comment ces derniers entendent se positionner par rapport au gouvernement.

Sur les trois principaux blocs chrétiens, deux semblent prêts à apporter leur soutien au cabinet de Nawaf Salam. Il s’agit des Forces libanaises (FL) et du parti Kataëb. “Nous faisons partie intégrante du gouvernement et avons participé de près à la rédaction de la déclaration ministérielle (par l'intermédiaire du ministre de l'Industrie, Joe Issa el-Khoury, ndlr.)”, affirme-t-on de source proche des FL. Même son de cloche du côté des Kataëb. Cependant, cet appui reste conditionnel, puisque les membres de ces deux blocs attendent de M. Salam des engagements clairs concernant certaines questions. “Nous accorderons certainement notre confiance au cabinet. Néanmoins, nous entendons soumettre quelques observations au sujet de dossiers bien spécifiques”, insiste-t-on de sources des FL et des Kataëb.

Le CPL: une hostilité probable

En ce qui concerne le Courant patriotique libre (CPL), rien n’est moins sûr. Dirigé par Gebran Bassil, le parti orange pourrait se montrer hostile au gouvernement Salam. Ne comptant actuellement aucun ministre au sein du nouveau cabinet, il n’exerce désormais plus aucune influence et aucun contrôle direct sur les décisions exécutives. D’ailleurs, le député du courant aouniste, Salim Aoun a d’ores et déjà annoncé que le CPL s’orientait vers un non-octroi de la confiance au gouvernement. Selon lui, “bien que le contenu de la déclaration ministérielle soit bon, l’expérience de la formation du gouvernement avec Nawaf Salam a, elle, été décevante”. Et d’ajouter: “Si les contacts entre les deux parties ont eu lieu, ils n’ont toutefois pas atteint le niveau attendu”, ce qui laisse présager une position défavorable lors du vote.

Le tandem chiite: une position pragmatique?

Si l’on tend à croire que le Hezbollah et le mouvement Amal puissent se montrer réticents quant à l’octroi de la confiance au nouveau gouvernement, le tandem chiite pourrait être amené à adopter une approche plus “mesurée”. Selon certaines sources, leurs positions seraient probablement influencées par l’alignement des réformes proposées dans la déclaration ministérielle avec leurs priorités politiques et leurs intérêts stratégiques. Il est donc difficile d’évaluer, à ce stade, leur soutien ou leur opposition, car ils pourraient ajuster leur décision en fonction des “garanties” obtenues.

Accordera, n’accordera pas sa confiance au gouvernement…

Pour le Courant du futur dont le retour sur la scène politique dépend étroitement d’un rétablissement des relations avec certaines parties prenantes, notamment les Forces libanaises, et d’une consolidation des relations avec la “nouvelle administration”, un vote en faveur de l’octroi de la confiance au gouvernement est plausible. Le 14 février dernier, le leader du parti, Saad Hariri, avait exprimé son soutien tant au président de la République, Joseph Aoun, qu’au Premier ministre, Nawaf Salam. Il avait également informé ses partisans que le Courant du futur aura sa place lors des prochaines échéances nationales, en faisant allusion aux élections législatives qui devraient avoir lieu en 2026.

Composante influente dans la politique libanaise, le Parti socialiste progressiste (PSP) dont les positions fluctuantes ont toujours joué un rôle clé dans l’équilibre parlementaire, pourrait apporter, selon les propos tenus par son ministre Bilal Abdallah, son soutien au gouvernement. Le PSP pourrait toutefois faire pression pour que certaines mesures, notamment en matière de décentralisation et de rétablissement de l’ordre économique et institutionnel, soient amplement élaborées, une position qui s'inscrit dans une volonté de soutenir un gouvernement capable de relever les défis actuels du pays.

En ce qui concerne les autres blocs parlementaires et à l’heure où certains mettent en avant leur volonté de renforcer un gouvernement qui, selon eux, pourrait offrir une sortie favorable à la crise actuelle, d’autres, au contraire, optent toujours pour une analyse plus approfondie de la déclaration ministérielle, avant de prendre une position définitive.

Dès lors, et si le gouvernement de Nawaf Salam parvient à rallier une majorité parlementaire, il pourra amorcer un tournant dans la politique libanaise et, peut-être, ouvrir la voie à une nouvelle ère de gouvernance. À l’inverse, un manque de soutien risquerait de plonger le pays dans une nouvelle phase d’incertitude et de blocage politique. Les débats à venir (le nombre des députés qui prendront la parole lors de cette séance étant élevé) promettent donc d’être déterminants pour l’avenir immédiat du Liban.

 

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