
Il ne fait plus de doute que les bouleversements dramatiques survenus sur la scène libanaise et régionale ont profondément modifié les rapports de force, rendant tout retour en arrière impensable. Le train du changement est désormais lancé à grande vitesse, et ceux qui aspirent à faire partie de cette dynamique de paix et de stabilité au Moyen-Orient doivent saisir cette occasion. Sinon, ils risquent de rater le train.
Le Liban semble avoir pris sa décision. Le président Joseph Aoun a tracé, avec une audace sans précédent, les contours de la nouvelle phase dans laquelle le pays est engagé, comme en témoigne son discours d’investiture.
Lorsque le gouvernement a obtenu la confiance du Parlement, le président a entamé sa tournée à l’étranger par une visite en Arabie saoudite, répondant à l’invitation du prince héritier, Mohammad ben Salmane, avant de participer au sommet arabe au Caire, mardi.
Quant au Hezbollah, ses positions restent ambiguës. Elles oscillent entre la défense de la résistance et de ses armes et l’adhésion à un État fort conformément à l’accord de Taëf, comme en témoignent les déclarations du député Mohammad Raad.
Le secrétaire général du Hezbollah, Naïm Kassem, affirme pour sa part que le parti avait accepté un cessez-le-feu avec Israël, n’ayant “aucun intérêt à poursuivre un combat sans perspective politique”. Selon lui, le Hezbollah est prêt à contribuer à l’édification d’un État fort et juste, garantissant l’égalité des citoyens en droits et en devoirs sous l’égide de Taëf.
Toutefois, des voix s’élèvent au sein de l’opposition, soulignant que le texte de l'accord de Taëf, de même que le discours présidentiel et le programme gouvernemental, ne mentionnent en aucun cas la résistance, mais insistent sur le monopole de l'État sur le port des armes.
Tous ces textes affirment mordicus que l’État détient le monopole exclusif des armes, en tant que seul garant de la protection nationale.
Les prises de position du président Aoun, lors de sa rencontre avec une délégation iranienne à Baabda, marquent un tournant dans la politique libanaise suivie jusque-là. “Cela fait des décennies que le Liban perd de grandes figures. Il est épuisé par les guerres des autres menées sur son territoire. Nous partageons les principes de la Constitution iranienne, qui soutient que la liberté, l’indépendance, l’intégrité territoriale et la sécurité d’un pays sont indivisibles. Aucun individu, groupe ou responsable ne peut porter atteinte à l’indépendance politique, économique, culturelle ou militaire du pays, ni compromettre son unité sous prétexte d’exercer une liberté”.
Ces propos surviennent en réponse à des actes jugés provocateurs, faisant transparaître l’influence iranienne, notamment le déploiement de drapeaux iraniens à l’aéroport de Beyrouth et à ses abords. Le président Aoun a été catégorique en affirmant que le Liban ne sera plus une boîte aux lettres ni un terrain de règlement de comptes pour les guerres d’autrui. Il a souligné que le pays ne pouvait plus supporter le poids de l’agenda iranien et devait se distancer des rivalités entre puissances en adhérant aux principes de la Déclaration de Baabda qui prône la neutralité du pays.
Un proche du Hezb attribue les positions ambivalentes de cette formation à la crainte des conséquences de cette nouvelle ère, marquée par le recul de l’influence iranienne. Le Hezb redoute de subir le même sort que les Forces libanaises après Taëf, lorsqu’elles avaient dû remettre leurs armes.
Des sources proches des Forces libanaises rappellent que leur désarmement n’était pas un choix volontaire, mais le résultat d’un coup de force syrien contre l’accord de Taëf, avec la complicité du Hezbollah.
Certains observateurs affirment que le discours de prestation de serment du président Aoun sert de feuille de route pour établir un État fort et souverain, où le respect des lois serait uniforme pour tous les citoyens. Le désarmement, dans cette perspective, n’est pas une démarche complexe, à condition que le Hezbollah accepte la proposition et fasse confiance à ses partenaires libanais.
Selon un expert militaire, le processus de désarmement pourrait être relativement simple si le Hezbollah acceptait cette transition en échange de garanties. Il assure que l’État n’aurait pas besoin de recourir à des opérations telles que les raids ou les poursuites; il lui suffirait de confisquer les armes visibles et celles interceptées par les forces de sécurité, tandis que le reste finirait par se détériorer avec le temps. Aucun dialogue ni conférence ne serait nécessaire pour élaborer une stratégie de défense intégrant les armes du Hezbollah. Si un dialogue devait avoir lieu, il porterait sur la modernisation et le développement de l’État, car la question du monopole des armes par l’État est déjà tranchée, conformément au discours d’investiture et à la déclaration ministérielle approuvée par les ministres du Hezbollah.
Des sources proches des Forces libanaises estiment que le Hezbollah devrait faire preuve du même courage qu’Abdullah Öcalan, chef du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui a appelé au démantèlement de son organisation militaire et à l’abandon des armes par toutes les factions kurdes en faveur d’une intégration politique et étatique. Pas de mini-États, ni de partition. En réalité, Öcalan a bien anticipé les changements en cours et a su saisir le moment pour s'engager dans cette direction.
Le changement touche également la Syrie, où le nouveau pouvoir sous Ahmad el-Chareh a expulsé l’Iran et ses alliés et interdit aux Palestiniens de porter des armes, refusant que la Syrie serve de base arrière pour des opérations contre Israël.
En Irak, une dynamique similaire se met en place, avec des efforts visant à maintenir une présence militaire américaine après la chute du régime de Bachar el-Assad pour relever les défis à venir.
Enfin, selon des sources diplomatiques occidentales, la récente passe d’armes qui a eu lieu à la Maison Blanche entre Donald Trump et le président ukrainien Volodymyr Zelensky laisse présager le recours à une forte pression pour mettre fin à la guerre en Ukraine, avant de se tourner vers la réalisation de la paix au Moyen-Orient avec une normalisation des relations avec Israël.
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