Yémen: un conflit propulsé par des puissances extérieures?
©Ici Beyrouth

Le Yémen, théâtre d'un conflit aux multiples dimensions, se trouve au cœur de rivalités géopolitiques qui dépassent ses frontières. Entre divisions internes profondes, ingérences régionales et l’implication de puissances étrangères, la situation est plus complexe que jamais. Si le pays lutte pour surmonter ses fractures Nord-Sud, il devient également un terrain de confrontation entre l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l'Iran. 

Les fractures internes du Yémen ne sont pas seulement un problème national; elles ont des implications majeures sur la stabilité régionale et la politique internationale. Ces divisions compliquent les efforts de paix, alimentent les rivalités géopolitiques et continuent d’affecter des millions de civils, pris au piège dans un conflit qui semble sans fin.

Influence saoudienne et émiratie accrue

L’Arabie saoudite, soucieuse de sécuriser sa frontière sud, a longtemps cherché à contrôler les dynamiques internes du Yémen. Depuis 2015, Riyad mène une coalition militaire pour soutenir le gouvernement reconnu internationalement contre les Houthis, qui contrôlent la capitale, Sanaa. De leur côté, les Émirats arabes unis soutiennent activement le Conseil de transition du Sud (CTS), cherchant à accroître leur influence stratégique sur les ports yéménites, notamment Aden et Socotra. Ces interventions se font dans un contexte où les intérêts régionaux divergent et parfois s'opposent.

Selon l’analyste Michael Knights, “le Yémen est un échiquier géopolitique où Riyad et Abou Dhabi jouent des stratégies divergentes, parfois même contradictoires”. Cette rivalité reflète une volonté de domination des ressources stratégiques du pays, en particulier les routes commerciales maritimes cruciales dans le golfe d’Aden et la mer Rouge, essentielles pour le commerce international. Toutefois, l’intensification de cette compétition géopolitique semble souvent se faire au détriment des civils yéménites, qui subissent les conséquences des bombardements et des embargos.

Ingérences iraniennes

Alors que l’Arabie saoudite et les Émirats cherchent à étendre leur influence, l’Iran profite des divisions internes pour appuyer indirectement les Houthis, leur fournissant des armes et une aide logistique. Cette implication iranienne a alimenté une rivalité croissante entre Riyad et Téhéran, transformant le Yémen en un véritable champ de bataille par procuration dans la lutte d’influence au Moyen-Orient.

D'après les travaux de Nadwa al-Dawsari, chercheuse au Middle East Institute, “les Houthis utilisent le soutien iranien comme un levier, mais leur stratégie reste fondamentalement ancrée dans les dynamiques locales et non pas dictée par Téhéran”. Cela suggère que bien que l’Iran joue un rôle clé, la rébellion houthie reste avant tout le produit de frustrations internes, liées notamment à des discriminations et à un sentiment d'isolement politique et économique au sein du pays.

Instabilité régionale durable

Les tensions internes du Yémen compliquent les initiatives diplomatiques. Les négociations menées sous l’égide de l’ONU peinent à aboutir en raison des intérêts divergents des acteurs locaux et internationaux. L’ONU a tenté de promouvoir une solution politique inclusive, mais ces efforts ont été freinés par des divisions profondes, à la fois entre le Nord et le Sud, mais aussi parmi les puissances régionales, qui n’hésitent pas à faire obstacle aux initiatives qui ne servent pas leurs intérêts stratégiques.

Comme le souligne l’analyste Helen Lackner, “tant que les divisions Nord-Sud perdureront, toute solution politique reste fragile et sujette à des effondrements récurrents”. Les combats pour le contrôle de territoires clés, comme le port d’Aden, illustrent bien cette dynamique. En effet, ces divisions entre le gouvernement central et le Conseil de transition du Sud alimentent une guerre interne parallèle, qui fragilise davantage la possibilité d’une paix durable.

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