Subversion en Syrie: cherchez les tentacules iraniens  
Les forces de sécurité loyales au gouvernement intérimaire syrien montent à l'arrière d'un véhicule circulant sur une route dans la ville de Lattaquié, à l'ouest de la Syrie, le 9 mars 2025. ©OMAR HAJ KADOUR / AFP

Les principales pièces du jeu sont mises en place… La très probable foire d’empoigne diplomatique ou, à défaut, militaire entre l’axe iranien et le camp occidental pointe bel et bien à l’horizon, tant sur la scène libanaise que sur l’échiquier régional.

Nombre d’indices significatifs de ce possible bras de fer ont émergé récemment dans un contexte explosif global, dont la dernière manifestation en date aura été, à la fin de la semaine dernière, la tentative de “contre-révolution” syrienne télécommandée, en toute vraisemblance, par les Pasdaran avec le soutien logistique, et peut-être même actif, du Hezbollah, comme l’a souligné dimanche une source officielle à Damas.

Evincé manu militari par le nouveau régime en place sur les bords du Barada, l’axe iranien tente d’étendre à nouveau ses tentacules pour essayer de regagner ne serait-ce qu’une partie du terrain qu’il a perdu dans l’espace vital stratégique que constituent pour lui la Syrie et le Liban. L’objectif recherché était sans doute de contrôler le littoral syrien à prédominance alaouite de manière à pouvoir assurer un ravitaillement militaire, éventuellement par voie maritime, et rétablir ainsi la liaison avec le Hezbollah à la frontière avec le Liban.

Cette contre-attaque, qui aurait été planifiée avec le concours d’anciens officiers du régime déchu d’Assad, serait le reflet d’une toute nouvelle volonté d’escalade iranienne dont la première manifestation explicite a été la mise à l’écart à Téhéran, au début du mois de mars, de celui qui est considéré comme le porte-étendard du courant pragmatique en Iran, le vice-président pour les affaires stratégiques, Mohammad Javad Zarif, qui a constamment prôné l’ouverture sur les États-Unis (ses deux fils détiennent la nationalité américaine) et qui, de ce fait, est combattu sans relâche par l’aile dure du pouvoir.

Autre indice du durcissement actuel des mollahs iraniens: l’obstination du Hezbollah à ne pas remettre à l’État libanais son arsenal militaire et à poursuivre ses efforts de réarmement et de réhabilitation de son infrastructure milicienne, en violation des trois résolutions-clés du Conseil de Sécurité, 1701, 1559 et 1680. Ce refus hezbollahi peut s’expliquer aujourd’hui par les derniers développements en Syrie: le parti de Dieu était, à n’en point douter, accroché à l’espoir d’un rétablissement prochain d’une zone d’influence iranienne sur le littoral syrien.

Cette tentative de redéploiement initiée par les Pasdaran doit être perçue à l’aune d’un paramètre hautement stratégique, catalyseur des ambitions hégémoniques de Téhéran: le développement du programme nucléaire. L’Agence internationale de l’énergie atomique soulignait dans un rapport rendu public le 8 février dernier que l’enrichissement de l’uranium iranien avait atteint un “niveau dangereux”, la République islamique ayant accru de façon “inquiétante” et à un rythme accéléré les stocks d’uranium enrichi à 60%, très proche de la barre des 90% permettant de produire rapidement une arme nucléaire.

Il n’en fallait pas tant pour que le président Donald Trump réaffirme, une fois de plus, à la fin de la semaine dernière, que “nous ne pouvons tolérer que l’Iran possède l’arme nucléaire”, précisant qu’il avait adressé à l’imam Ali Khamenei un message, l’invitant à négocier un accord sur son programme nucléaire. La démarche du président Trump a été rejetée, du moins publiquement, par le Guide suprême iranien, qui souligne que son pays “n’acceptera pas les demandes américaines”, ce qui a poussé la Maison Blanche à rétorquer par une courte phrase lourde de conséquences: “Il existe deux façons de traiter avec l’Iran, la voie militaire ou la conclusion d’un accord.” Un accord, à n’en point douter, aux conditions de Donald Trump qui ne manque pas de souligner à cet égard que le temps presse. “Quelque chose se produira avec l’Iran très prochainement”, a relevé le chef de la Maison Blanche, précisant que “nous sommes parvenus au dernier quart d’heure” dans le traitement du dossier iranien… De petites phrases qui reflètent un ultimatum à peine voilé.  

Dans un tel contexte, le coup de force contre le nouveau régime syrien ainsi que le clair refus du Hezbollah de se dessaisir de son arsenal militaire sont-ils le reflet d’une grande manœuvre préventive iranienne visant à regagner une partie du terrain perdu dans la perspective du bras de fer, diplomatique ou militaire, qui pointe à l’horizon avec les États-Unis et Israël? Sans doute… Mais dans l’immédiat, une constatation s’impose. Ceux qui ont choisi le littoral syrien pour manigancer et exécuter leur insurrection contre le pouvoir en place à Damas ont commis un crime inqualifiable: ils ont totalement négligé de prendre en considération les conséquences inéluctables et sanglantes que ne manquerait pas d’avoir sur la minorité alaouite leur action irresponsable, comme l’a d’ailleurs déploré ouvertement il y a quarante-huit heures une personnalité haut placée du clan Assad, qui était rentrée en conflit ces derniers temps avec l’ancien président.

On n’efface pas si rapidement les souvenirs cauchemardesques d’un demi-siècle de dictature et de répression meurtrière perpétrée sans foi ni loi par le régime déchu. Est-il donc réellement possible que les commanditaires de la subversion n’aient pas envisagé un seul instant l’éventualité d’une vaste mobilisation de la rue sunnite, entraînant des débordements vindicatifs et sanglants? Mais que valent, en réalité, pour ces marchands de mort, les vies de dizaines, voire de centaines, de civils innocents et impuissants face aux visées hégémoniques d’un pouvoir théocratique qui ne connaît aucune limite à son expansionnisme sectaire?

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