14 mars: vingt ans plus tard, retour sur un moment décisif
Des manifestants libanais se rassemblent sur la place des Martyrs, dans le centre de Beyrouth, le 14 mars 2005. Près d'un million de personnes ont déferlé dans le centre de Beyrouth pour exiger la fin de la domination militaire de la Syrie sur le Liban. ©Patrick Baz / AFP

Le 14 mars 2005, un raz-de-marée humain a submergé la place des Martyrs. Tous les Libanais, toutes confessions confondues, se sont rassemblés autour d’une seule cause: se soulever contre l’occupation syrienne au Liban, un mois après l’attentat qui a coûté la vie à l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. Une première dans l’histoire du Liban indépendant.

Aujourd’hui, la vingtième commémoration a un nouveau goût: le 8 décembre 2024, le régime Assad est tombé. Retour sur cette manifestation historique qui a marqué une charnière, tant sur le plan libanais qu’à l’échelle régionale.

La journée du 14 mars: un mouvement populaire unique en son genre

Les manifestants du 14 mars 2005 ont exprimé leur volonté de se débarrasser de leur appartenance communautaire et de promouvoir une citoyenneté transcommunautaire. Parmi les slogans brandis ce jour-là: “2005-Indépendance”, “le Liban d’abord”, “la vérité” sur l'assassinat de Rafic Hariri, “Ils s'en vont, souriez!” (à propos des Syriens, notamment les services de renseignement présents au Liban). 

C’est ainsi que le mouvement déclenché lors de cette journée a été baptisé “Révolution du cèdre”, exprimant un élan "libaniste" autour du symbole du cèdre.

Ce rassemblement avait été précédé d’un autre, tenu le 8 mars de la même année, organisé par les loyalistes pro-syriens. La scène locale s’est trouvée clivée en deux camps, le 8 et le 14 Mars: le premier inféodé à l’axe syro-iranien et le second revendiquant une appartenance nationale, un projet souverainiste.

Zoom out: un enchaînement de faits bouleversants

La journée du 14 mars n’est pas une manifestation ponctuelle, mais s’inscrit dans le prolongement d’une série d’évènements qui ont secoué le Liban durant l’année 2005.

Point culminant d’une mobilisation populaire quasi-quotidienne, durant plusieurs mois, contre la présence syrienne, ce mouvement a été suivi par le départ précipité, le 27 avril, des troupes syriennes après presque trente ans de présence en territoire libanais. Par ailleurs, crimes et attentats en série se sont succédé, terrorisant la société civile et la classe politique.

Sur le plan régional, on pourrait placer cette année dans une séquence qui, au fil des années, a conduit à l’affaiblissement du contrôle syrien, jusqu’à la chute du régime Assad.

Les premières mesures internationales visant à exercer une pression sur la Syrie remonteraient à l’année 2004. Le Congrès américain avait adopté le Syrian Accountabilty and Lebanese Sovereinty Act (SALSA), suivi du vote de la résolution onusienne 1559, en septembre de la même année. Ces deux textes appellent, entre autres, à la cessation de la tutelle syrienne sur le Liban. En l’occurrence, le Conseil de sécurité réaffirme, par la 1559, “son appel au strict respect de la souveraineté, de l'intégrité territoriale, de l'unité et de l'indépendance politique du Liban, sous l'autorité unique et exclusive du gouvernement libanais sur l’ensemble du territoire libanais”, exhortant “toutes les forces étrangères restantes à se retirer du Liban”.

Si l’année 2005 a vu se concrétiser ce retrait, l’année 2024 a connu l’effondrement de l’hégémonie Assad à Damas.

À vingt ans d’intervalle, un croisement d’intérêts internationaux, couplé d’une redistribution des rapports de force régionaux, a contribué à lancer une démarche de restructuration d’un Moyen-Orient multiconflictuel: un chantier toujours en cours.

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