
Une version modernisée du conte La Belle et la Bête illustrée par Jul a été annulée par l'Éducation nationale, qui juge son contenu trop adulte pour des élèves de CM2. L'auteur dénonce une décision politique de censure motivée par des prétextes fallacieux.
Le ministère de l'Éducation nationale a récemment annulé une commande de 800.000 livres illustrés destinés aux élèves de CM2, une décision qui a profondément heurté l'auteur Jul. Celui-ci, connu pour ses ouvrages sur Lucky Luke et Silex and the City, a dénoncé ce qu'il considère comme une “censure” motivée par des “prétextes fallacieux”.
Julien Berjeaux, de son vrai nom, avait été choisi pour illustrer une version modernisée du conte La Belle et la Bête, une réécriture de l'œuvre de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont. Ce projet faisait partie de l'initiative Un livre pour les vacances, un programme annuel qui offre à chaque élève de CM2 un livre revisité d'un classique de la littérature française. Cependant, la version proposée par Jul, qui intègre des éléments contemporains comme les téléphones portables et les réseaux sociaux, a suscité la désapprobation du ministère.
Dans l'ouvrage, l'auteur représente le père de la Belle, ivre, bouteille à la main, chantant Les Lacs du Connemara, un clin d'œil à la culture populaire. Des thématiques modernes telles que l'alcool et les réseaux sociaux, jugées inappropriées pour des enfants de 10 à 11 ans, sont également abordées. Dans une lettre datée de lundi, Caroline Pascal, directrice générale de l'enseignement scolaire, a expliqué que l'ouvrage “ne permet pas une lecture en autonomie” et pourrait susciter des questions auxquelles les élèves ne trouveraient pas de réponses adaptées.
La décision de retirer ce livre de la commande a été perçue par Jul comme une ingérence politique. Dans un communiqué, l’auteur a réfuté les arguments avancés par le ministère, affirmant que le livre était “espiègle, tendre et féerique”. Selon lui, la véritable raison de cette annulation réside dans le dégoût de certains acteurs du ministère face à une vision du conte plus proche du monde contemporain, avec des personnages moins stéréotypés et une représentation plus diversifiée. Jul a même suggéré qu’une possible remise en question des princesses blondes pour des figures méditerranéennes avait pu jouer un rôle dans cette décision.
Selon Jul, le paradoxe réside dans le fait que le cabinet de la ministre Elisabeth Borne semblait, au départ, apprécier l’ouvrage. La ministre elle-même avait écrit une préface louant “la touche malicieuse et le regard affûté de Jul”, soulignant que cette version apportait une "modernité nouvelle" au conte.
Le ministère, contacté par l'AFP, n’a pas encore réagi officiellement à cette polémique. Il a toutefois précisé que des “réserves” avaient été émises concernant les premières illustrations soumises en décembre dernier. Jul, de son côté, conteste cette version des faits et affirme que les critiques initiales avaient été prises en compte lors de la révision du livre.
L'annulation de ce projet intervient à la veille du lancement de l’impression, prévue pour 900.000 exemplaires. Le calendrier serré pourrait désormais empêcher la distribution d'un livre alternatif à temps pour les élèves de CM2 de 2025. Ce contretemps risque ainsi de perturber une opération qui, depuis son lancement en 2018, a toujours rencontré un grand succès.
L'initiative Un livre pour les vacances, créée pour offrir aux enfants un accès privilégié à la culture littéraire, se retrouve une fois de plus au cœur d'une controverse sur les limites de la censure et la modernisation des classiques.
Avec AFP
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