
L'auteure franco-libanaise Caroline Torbey dévoile, pour Ici Beyrouth, les coulisses de Ramdam au gymnase, sa première pièce qui combat le harcèlement scolaire par la sagesse libanaise. Première représentation le 12 avril au théâtre Le Monnot.
Le samedi 12 avril, le théâtre Le Monnot d'Achrafieh lèvera son rideau sur Ramdam au gymnase, une création originale et innovante qui aborde avec finesse la problématique du harcèlement scolaire. Cette pièce, première incursion de Caroline Torbey dans l'écriture dramatique, ne pouvait choisir sujet plus pertinent dans un monde où les réseaux sociaux amplifient souvent les blessures de l'adolescence.
L'histoire suit Yara, une jeune fille petite et chétive, qui rêve d'intégrer l'équipe de basketball de son collège malgré les moqueries incessantes de ses camarades. C'est auprès de son professeur de sport, Monsieur Abou Adal, qu'elle trouvera le soutien nécessaire. Ce dernier lui enseignera, à travers des histoires inspirées des proverbes libanais, que la vraie force réside dans la détermination et l'esprit.
La mise en scène signée Zalfa Chelhot, assistée par Berthe Abi Khalil, propose une approche novatrice en combinant théâtre traditionnel et animations multimédias créées par WeZank. Cette double réalité permet d'aborder avec justesse tant la cruauté du harcèlement que la sagesse réconfortante des proverbes libanais. Au plateau, cinq jeunes comédiens talentueux – Jana Mghames (Yara), Cyril Jabre (M. Abou Adal), Chloé Laoun, Mhamad Swed et Michelle Feghali – donnent vie à cette histoire à la fois grave et porteuse d'espoir. "La pièce propose des scènes visuelles fortes qui ont pour but d'impacter le spectateur et de le faire réfléchir sur l'effet à long terme du harcèlement sur la santé morale des victimes", précise l'auteure. "Le fait de visualiser une situation, un dialogue ou une gestuelle permet de marquer et d'imprimer dans la tête du public le message souhaité."
"Mon métier d'auteure m'emmène souvent dans les écoles et les universités", confie Caroline Torbey. Ces rencontres régulières avec les élèves libanais constituent pour elle une source inépuisable d'inspiration. Au fil de ces échanges, elle a été frappée par les nombreux témoignages concernant le harcèlement scolaire. "De nombreux étudiants m'ont confié être touchés par le harcèlement de la part de leurs camarades. Les professeurs me racontent également le cas de tel ou tel autre élève qui se fait harceler, voit ses notes dégringoler, s'isole et se renferme sur lui."
Face à cette souffrance souvent silencieuse, l'auteure a choisi le théâtre comme médium pour sensibiliser les jeunes. "Je pense que le théâtre est un très bon vecteur pour faire passer ce message puissant: celui que la différence doit être une force et non une faiblesse, celui que la tolérance est une valeur fondamentale qui doit être appliquée." Grande amatrice d'art dramatique, elle apprécie particulièrement la capacité du théâtre à "toucher directement aux sentiments du jeune spectateur pour éveiller sa conscience sur ce sujet grave". La forme théâtrale offre selon elle "un moyen d'expression, de communication et de divertissement incontestable grâce à son atout visuel", permettant de "raconter des histoires et surtout de transmettre des messages".
L'une des originalités de Ramdam au gymnase réside dans son utilisation du "franbanais", ce mélange de français et d'expressions libanaises qui caractérise le parler des jeunes franco-libanais. "Pour que la communication soit efficace, il faut parler la même langue", explique Caroline Torbey. "Inclure ces mots et expressions arabes que l'on ne peut pas traduire littéralement en langue française est très important à mes yeux car cela fait écho à l'une des valeurs principales de la francophonie, celle de la diversité culturelle et du partage d'expérience." Cette approche linguistique, loin d'être anecdotique, participe pleinement à l'efficacité du message. "En incluant ces expressions, le lecteur/spectateur se sent 'chez lui', il peut se figurer l'ambiance d'une situation, ressentir une émotion ou percevoir et comprendre un message beaucoup plus facilement et en profondeur." Cette inclusion du franbanais "donne une légèreté au texte" et permet d'établir une connexion immédiate avec le jeune public libanais.
La pièce intègre également des proverbes libanais, adaptés de la trilogie à succès de l'auteure, Dessine-moi un proverbe. Ces animations servent de fil conducteur entre les scènes. "Je suis convaincue que certains de ces conseils, de ces vérités d'expériences, de cet héritage culturel que sont les dictons sont très utiles pour réussir à surmonter les épreuves de la vie, notamment le harcèlement. C'est un bagage indispensable pour bien grandir."
L'originalité de Ramdam au gymnase tient aussi à son approche hybride qui mêle théâtre vivant et animations multimédias. "Combiner théâtre et multimédia est une approche particulière puisqu'elle implique de plonger dans une double réalité", analyse l'auteure. D'un côté, la réalité crue du harcèlement, incarnée par les acteurs sur scène; de l'autre, une réalité "plus aérienne, plus colorée, moins 'grave' et surtout, moralisatrice, celle des animations en couleurs". Ce choix esthétique n'est pas uniquement formel. Il répond à une nécessité pédagogique: "Puisque la pièce est dirigée vers un public jeune, le jonglage entre les deux médias va apporter de la légèreté face au sérieux du sujet qu'aborde le spectacle. Ramdam au gymnase est une pièce drôle et pleine d'espoir."
Derrière cette création se trouve une auteure aux origines métissées. De mère française d'origine vietnamo-allemande et de père libanais, Caroline Torbey incarne la francophonie qu'elle défend dans ses écrits. Résidant à Beyrouth, elle a remporté le Trophée des Français de l'Étranger en 2018 pour sa trilogie Dessine-moi un proverbe et le Concours de la nouvelle George Sand en 2020 avec Refuge. À la suite de l'explosion du port de Beyrouth, elle publie Éclat d'une vie (2021), puis Si j'avais un Cèdre (2022), sélectionné par la fondation Jan Michalski.
Ramdam au gymnase marque ainsi une nouvelle étape dans sa carrière d'écrivaine, avec l'ambition affichée de contribuer, à son échelle, à changer les mentalités. "La portée d'un tel projet est d'aspirer à changer les mentalités en commençant par celles de la jeunesse. Miser sur l'éducation et l'altruisme des enfants façonnera les adultes qui peupleront le Liban de demain."
Malgré la gravité du sujet abordé, Ramdam au gymnase se veut avant tout une pièce accessible, divertissante et porteuse d'espoir. "Cette pièce, je l'ai écrite pour que les enfants et les adolescents prennent conscience de l'impact du harcèlement sur leurs camarades et comprennent que la différence est une force, non une faiblesse", souligne Caroline Torbey. Produite par Josyane Boulos, cette création théâtrale attend désormais public, familles et groupes scolaires, pour sa première représentation le 12 avril à 11h30 au théâtre Le Monnot. Les billets sont disponibles à la librairie Antoine et en ligne. Des séances scolaires sont par ailleurs proposées en matinée au théâtre ou en tournée.
Commentaires