
Les thrillers psychologiques de Freida McFadden, grande révélation américaine, rencontrent un succès phénoménal dans l'Hexagone. Une percée commerciale qui laisse perplexe la critique française, partagée entre fascination et méfiance.
Pourquoi les «thrillers psychologiques» de la romancière américaine Freida McFadden se vendent-ils aussi bien ? En France, la critique littéraire cherche à comprendre, mais reste sceptique quant aux mérites de cette autrice.
La Femme de ménage a été le livre le plus vendu en France en 2024, avec plus de 600 000 exemplaires. Fin février 2025, il a dépassé le million d’exemplaires cumulés depuis sa sortie, discrète, en format poche, en octobre 2023.
La Prof, qui raconte une intrigue criminelle au sein d’un lycée du Massachusetts, est publié mercredi aux Éditions City, en même temps que la version poche de La Psy de la même autrice, chez J’ai lu.
Sous la plume des journalistes, pris de court par le bouche-à-oreille et les réseaux sociaux, la prise de distance est flagrante.
«Freida McFadden balaie la concurrence. Mais qu’est-ce que les lecteurs lui trouvent ?», se demande Le Nouvel Obs, d’ordinaire friand de littérature plus exigeante.
Réponse de l’hebdomadaire : «Les cliffhangers à gogo, mais aussi les invraisemblables retournements de situation. Chez elle, les méchants sont les gentils et les gentils sont les méchants (…) La formule a beau être systématique, elle fonctionne.»
«Personnage invisible»
Dans sa rubrique «Pourquoi ça marche», Libération estimait en décembre: «C’est d’une finesse de Stabilo, mais force est de constater que ça se dévore comme un fast-food, au premier ou au second degré.»
Pas un compliment chez ce quotidien de gauche. Il range Freida McFadden parmi la littérature de gare: «une lecture-fringale», d’après le critique maison, «ciblant clairement les voyageurs en partance».
Dans Le Figaro, choc des cultures : un juré du prix Renaudot et romancier publié chez Gallimard, Mohammed Aïssaoui, se livre à un «décryptage» du fameux best-seller.
Pour lui, l’Américaine exploite un sujet porteur : «Raconter une histoire du point de vue d’une employée de maison est génial: c’est un personnage invisible qui voit tous les travers de près!»
Superhôte d’Amélie Cordonnier, publié fin mars par Flammarion, et La Vie des gens libres de Marie-Ève Lacasse, sorti début avril au Seuil, s’inscrivent dans cette veine. On peut ajouter à la liste Propre, de la Chilienne Alia Trabucco Zeran, prix Femina du roman étranger 2024, chez Robert Laffont.
D’après sa traductrice française, Karine Forestier, on aurait tort de croire que le potentiel de Freida McFadden s’arrête à La Femme de ménage et ses trois suites, un peu moins réussies, Les Secrets de la femme de ménage, La femme de ménage voit tout (déjà parus) et La femme de ménage se marie (à paraître en mai en français).
«Je me fais avoir»
La Prof et La Psy, explique-t-elle à l’AFP, «sont différents. J’y ai retrouvé sa patte, l’alternance des points de vue, mais des ficelles qui ne sont pas les mêmes».
La Prof, disait samedi sur France Inter la directrice générale de J’ai lu, Hélène Fiamma, «est à titre très personnel mon préféré». Admirative, elle n’a jamais pu rencontrer cette autrice qui cultive le mystère.
L’Américaine porte non seulement un nom de plume, mais aussi une perruque sur toutes les photos. Tout juste sait-on qu’à 44 ans, elle exerce comme médecin spécialiste des lésions cérébrales, à temps partiel désormais, dans la région de Boston.
Hélène Fiamma voit en elle un génie de l’intrigue. «Cette auteure a un art de la narration, et notamment de ce qu’on appelle le twist, qui est absolument exceptionnel», décrit-elle. «Je me dis: bon, tu vas m’emmener là, je le sais très bien, c’est lui qui a fait le coup, etc. etc. Et à chaque fois… je me fais avoir».
La Femme de ménage est adapté au cinéma avec Sydney Sweeney dans le rôle-titre. Le film sort en France le 24 décembre et aux États-Unis le lendemain.
Par Hugues HONORÉ / AFP
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