Élections municipales à Batroun: un paysage politique en mutation
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Neuf ans après leur dernière tenue, et après une série de reports successifs, les élections municipales au Liban seront organisées à partir du 4 mai. Elles s’étaleront sur quatre dimanches consécutifs.

Les conditions dans lesquelles le scrutin de 2016 s’était déroulé ont entre-temps changé de manière radicale. L’influence politique du Hezbollah, groupe soutenu par l’Iran, a été sérieusement érodée après la liquidation d’une grande partie de sa direction et la destruction de son arsenal.

Parallèlement, la popularité de son allié chrétien, le Courant patriotique libre (CPL), a connu une forte chute, plusieurs députés ayant démissionné en raison de désaccords avec son chef, Gebran Bassil.

Dans le caza de Batroun – autrefois bastion du CPL, fondé par l’ancien président Michel Aoun –, l’incertitude règne désormais. Le CPL, qui avait largement dominé aux élections précédentes, peine à se maintenir à flot. Dans la ville de Batroun, il s’engagera aux municipales sur une liste commune avec les Forces libanaises (FL), dans ce qui apparaît comme une alliance rare entre ces deux rivaux chrétiens de longue date.

«On ne peut pas vraiment parler d’alliance», commente le député FL de Batroun, Ghayath Yazbeck, à Ici Beyrouth. «Il s’agit d’une décision pragmatique dont le but est d’éviter une bataille électorale, surtout qu’aucun des deux partis ne pourrait prétendre à une victoire nette seul. C’est davantage un partenariat».

M. Yazbeck ajoute que l’objectif principal est de favoriser le développement local: «C’est pourquoi la liste commune comprend de nouveaux visages – de jeunes candidats prometteurs qui apportent une nouvelle énergie».

En 2016, une alliance FL-CPL avait permis l’élection de Michel Aoun à la présidence de la République et assuré au CPL une victoire écrasante aux municipales à Batroun. Mais, selon M. Yazbeck, ce résultat ne correspondait pas à la popularité réelle du CPL, qu’il a jugée «surestimée».

«Nous leur avons laissé une grande marge dans de nombreuses municipalités, ce qui ne reflétait pas leur poids réel. Leur popularité a depuis décliné dans tout le caza, y compris dans la ville de Batroun», explique-t-il.

Batroun, autrefois une ville côtière paisible vivant de la pêche et de la récolte d’éponges, est devenu, depuis quelques années, un haut lieu touristique animé. Le développement commercial et touristique a grignoté une grande partie des terrains résidentiels, altérant le caractère de la ville.

M. Yazbeck met d’ailleurs en garde contre le tourisme excessif qui nuit à la qualité de vie locale. «Plus de 70% de la région a été commercialisée, ce qui la rend de plus en plus invivable. De nombreux habitants déménagent dans des zones plus calmes pour fuir le vacarme».

Lutter contre la surpopulation sera l’un des principaux défis du prochain conseil municipal. «De nouveaux projets seront lancés pour atténuer le problème», précise le député, soulignant la nécessité de trouver un équilibre entre l’activité commerciale et l’identité socioculturelle de la ville.

À Tannourine, le plus grand village du caza et fief traditionnel de l’ancien ministre et député Boutros Harb, le paysage politique se redessine également. La liste de Harb domine depuis longtemps les élections locales, malgré une forte concurrence du tandem CPL-FL qui étaient alliés en 2016.

Pour les élections de cette année, Boutros Harb s’allie aux FL et aux Kataëb dans tout le caza, sauf dans la ville de Batroun.

«Nos alliances sont claires aux niveaux des conseils municipaux et des fédérations de municipalités», explique Majd Harb, fils de Boutros Harb, à Ici Beyrouth. «Nous nous attelons à mettre en place des conseils municipaux, composés de jeunes, avec des projets qui reposent sur des objectifs à court, moyen et long terme», précise-t-il.

Majd Harb, avocat, souligne ainsi que la sélection des candidats à Tannourine repose sur une démarche locale. «Ce sont les habitants du village, et non les partis politiques, qui choisissent leurs représentants pour les six prochaines années», insiste-t-il.

Il souligne ensuite les difficultés financières des municipalités. «Nous sommes pleinement conscients des contraintes économiques. Une des solutions est de favoriser les partenariats public-privé pour stimuler le développement local», ajoute-t-il.

Bien qu’aucune liste d’opposition n’ait été annoncée à Tannourine avant la date limite de dépôt des candidatures, fixée au 30 avril, M. Harb exprimé le souhait d’éviter une confrontation électorale. «Même si nous respectons le processus démocratique, nous pensons que des tensions inutiles doivent être évitées, surtout que le CPL n’a pas une forte présence ici», relève-t-il.

Les choix des électeurs seront probablement influencés par des liens personnels et familiaux, ainsi que par la capacité des candidats à fournir des services. Néanmoins, les résultats donneront un aperçu du sentiment électoral général et aideront les partis à se préparer aux élections législatives de l’an prochain.

Ici Beyrouth est entré en contact avec des responsables du CPL pour les sonder au sujet de leurs projets pour les élections municipales, mais n’a reçu aucune réponse.

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