
Les négociations entre les États-Unis et le régime iranien butent sur les mêmes obstacles qui se répètent de manière indéfinie. L’équivoque est la clef d’interprétation, si l’on veut une formule lapidaire, qui nous aiderait à comprendre cette soi-disant diplomatie du mensonge qui se joue des espaces intercalaires qui séparent mensonge et vérité. En réalité, il n’y a rien de mystérieux, on est dans la mystification en plein et le jeu cynique d’une dystopie meurtrière aux abois et en quête de survie. Alors que le processus de délégitimation est à son paroxysme : le narratif islamique en lambeaux, la gouvernance en état de blocage et la politique expansionniste entièrement enrayée.
La négociation sur les modalités de gestion du nucléaire se trouve invalidée par des zones d’ombre, qui arrivent mal à dissimuler les desseins réels d’une politique impériale qui joue ses dernières cartes, alors que la stratégie d’ensemble est laminée de part en part. La pierre d’achoppement de cette pseudo-diplomatie tient davantage aux ambiguïtés de la démarche et des objectifs qu’elle cherche à défendre.
La démarche transactionnelle du président Trump ne suffit pas et ne peut pas faire l’économie d’une approche d’ensemble qui mettrait en relief les multiples facettes d’un conflit aux ramifications multiples. C’est un enjeu qui ne peut pas être réglé à coup de trocs commerciaux, d’investissements et de parts de marché tout en occultant la dimension éminemment stratégique et sécuritaire qui remet en cause des équilibres régionaux et internationaux. L’arrêt des négociations nous ramène aux prémisses, aux objectifs et aux modes opératoires qui doivent les structurer.
L’approche séquencée et les marchandages à la pièce ne peuvent aucunement remplacer les prédicats d’une approche d’ensemble. Le régime cherche à se dédouaner à peu de frais moyennant des court-circuitages propres à un marchand de tapis persan, où l’ombre est prise pour la proie. L’hypothèse des seuils d’enrichissement de l’uranium nous ramène à la case départ en 2015, alors que la donne stratégique et politique a profondément changé. Nous sommes dans une dynamique inédite qui ne peut plus s’accommoder des arrangements équivoques et d’une reconnaissance du fait accompli iranien.
La logique transactionnelle de Steven Witkoff devrait céder la place à la démarche de Marco Rubio et de Mike Waltz, qui vise à remettre les négociations sur d’autres rails et à redéfinir l’ordre des priorités: la fin de la militarisation du nucléaire est complémentaire à la destruction de la stratégie iranienne des «théâtres opérationnels intégrés» effectuée par Israël, à la poursuite de la politique des sanctions et à la protection des libertés publiques et privées en Iran. Toute concession à cet égard nous remet sur la voie des compromissions dont on ne voit pas l’utilité.
La démarche transactionnelle étriquée a fait fausse route en Ukraine et il en sera de même en Iran. Les négociations devraient entériner les défaites sur le terrain et non pas réhabiliter une dictature en déroute. La diplomatie ne peut pas neutraliser les acquis militaires et stratégiques au profit de transactions aléatoires et douteuses. Il est inconcevable d’engager des négociations avec le Hezbollah, le Hamas, les Houthis et de les réhabiliter au moment même où leurs politiques de subversion se poursuivent. Les différends au sein de l’administration américaine et avec Israël doivent se résorber au bénéfice d’un traité de fin de guerre, si l’on veut une paix véritable; sinon, la violence est là pour rester.
La situation politique en Iran, au Yémen et dans les pays du Proche-Orient atteste la véracité de ces constats. La normalisation diplomatique ne peut pas faire abstraction des enjeux politiques et géostratégiques régionaux et parler de négociations pour la paix. Les contresens sont suffisamment flagrants pour discréditer le bien-fondé d'une hypothèse de travail étriquée et basée sur le télescopage des faits.
La politique de répression au sein de l'Iran se conçoit sur la base du truisme propre à la politique étrangère du régime iranien: toute normalisation à l'extérieur favorise la libéralisation tant appréhendée d'une société civile iranienne réfractaire et en état de rébellion ouverte. L'instrumentalisation du Yémen dans la guerre des ombres que mène le régime iranien s'effectue à un prix prohibitif, ce qui explique le retournement abrupt des Houthis à la suite de la destruction des infrastructures portuaires et aéroportuaires. L’Irak a hâte de s'émanciper de la politique de vassalisation iranienne, de renégocier les engagements intercommunautaires et de regagner sa latitude opérationnelle sur le plan international. Les louvoiements du Hamas sont venus à terme, et la quête des faux fuyants n'est plus opérante. Israël n'est plus dans une logique de compromis après 1 an et 8 mois de combat. Toute négociation se fera dorénavant sur la base du nouveau rapport de force. La Syrie arrive difficilement à rompre ses amarres djihadistes et à normaliser son jeu interne avant de poursuivre son hypothétique restructuration. Le Hezbollah, à la suite de sa défaite, continue sa gesticulation creuse à l'endroit d'Israël et se réinvestit dans une nouvelle stratégie de subversion interne.
Cela dit, le parcours diplomatique est faussé et finira par s'épuiser et se faire rattraper par les dynamiques conflictuelles incandescentes. À défaut d'une clarification des enjeux, les négociations en cours feront long feu. La tournée régionale du président Trump devrait tester ces hypothèses de travail avant de reprendre des négociations aux prémisses aléatoires et peu propices à des démarches diplomatiques structurées.
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