
Au Liban, le mot «résistance» est depuis longtemps idéalisé – scandé dans les chansons, intégré aux slogans politiques, enveloppé dans le symbolisme de la fierté nationale. Pourtant, derrière cette notion idéalisée se cache une vérité sombre: le Liban est une nation prisonnière d’un état de conflit permanent, dont la souveraineté et l’avenir sont pris en otage par l’agenda du Hezbollah. Le prix de cette posture de guerre sans fin est élevé – et de plus en plus insupportable.
La soi-disant «résistance» contre Israël, menée par le Hezbollah, n’a plus rien à voir avec la libération ou la défense. Il s’agit désormais d’une posture stratégique servant la survie politique d’un seul parti et les intérêts régionaux de son parrain iranien. Et les conséquences pour le Liban, tant économiques que politiques, sont dévastatrices.
Une économie de guerre sans économie
Au cœur de la crise se trouve un effondrement économique d’une ampleur historique. Depuis 2019, la monnaie libanaise a perdu plus de 95% de sa valeur. La pauvreté touche désormais plus de 80% de la population. Des secteurs entiers – banque, éducation, santé – se sont effondrés. Et pourtant, le Hezbollah continue de consacrer des ressources aux arsenaux militaires, aux stocks de roquettes et aux structures étatiques parallèles.
Il ne s’agit pas de choix budgétaires, mais d’une priorité nationale qui place la «résistance» au-dessus de la reconstruction. Alors que d’autres pays de la région attirent les investissements étrangers, construisent des écosystèmes technologiques et sécurisent des partenariats énergétiques, le Liban reste un trou noir pour le capital. Qui investirait dans un pays dont la frontière sud peut s’embraser à tout moment? Où les infrastructures sont visées en représailles à des tirs de missiles? Où aucun accord de paix n’est même envisageable?
Le prix de l’absence de paix
Nulle part le coût de l’intransigeance du Hezbollah n’est plus visible que dans l’incapacité du Liban à avancer vers la paix avec Israël. Alors que des États arabes comme les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et même l’Arabie saoudite ont pris des mesures diplomatiques ou économiques vers la normalisation avec Israël, le Liban reste figé dans le temps, enchaîné à un récit de conflit qui sert une milice, non une nation.
Un accord de paix avec Israël ne mettrait pas seulement fin à la menace d’une guerre totale, mais débloquerait un potentiel économique immense. Le Liban pourrait profiter d’une exploration énergétique conjointe, du tourisme, du commerce et de projets d’infrastructures régionaux. Israël, avec son secteur technologique florissant et ses nouvelles réserves de gaz naturel, n’est plus seulement un ancien ennemi – c’est une opportunité économique.
Mais la présence du Hezbollah rend une telle perspective politiquement radioactive. Le groupe prospère dans l’hostilité envers Israël; la paix minerait sa raison d’être. Ainsi, le Liban est contraint de renoncer aux bénéfices stratégiques que ses voisins arabes commencent à récolter, au nom d’un mythe de résistance. Ce n’est pas du patriotisme – c’est de l’autosabotage.
Paralysie politique: une République détournée
Le drame plus profond est que l’influence du Hezbollah dépasse largement le domaine militaire. Son statut armé lui permet de paralyser le système politique libanais. Aucun président ne peut être élu, aucun gouvernement ne peut gouverner, aucune réforme ne peut passer sans son aval. Il détient un droit de veto de facto sur la prise de décision nationale, subordonnant la souveraineté libanaise aux calculs de Téhéran.
Cela a été particulièrement évident lors du vide présidentiel prolongé après le départ de Michel Aoun. Alors que le Liban s’enfonçait dans l’effondrement économique et institutionnel, le Hezbollah a insisté pour soutenir un candidat loyal à son axe, bloquant tout consensus et aggravant la crise nationale.
Même face à une tragédie, comme l’explosion du port de Beyrouth en 2020, le Hezbollah a veillé à ce que la justice soit entravée. Des juges ont été menacés, des enquêtes bloquées, la responsabilité enterrée. Ce n’est pas de la résistance – c’est l’érosion de l’État de droit.
Isolement régional
L’alignement du Liban sur l’agenda régional du Hezbollah l’a isolé de ses alliés historiques. Les pays du Golfe ont rappelé leurs ambassadeurs, réduit leur aide et expulsé des travailleurs libanais. L’Arabie saoudite, jadis un grand bienfaiteur, a publiquement condamné la domination du Hezbollah et coupé ses financements. Le monde arabe ne voit plus le Liban comme un partenaire, mais comme une antenne iranienne.
À l’inverse, les pays ayant pris des mesures vers la paix avec Israël ont obtenu des résultats concrets – investissements, partenariats et intégration dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Le Liban, quant à lui, est perçu comme un avant-poste instable de l’influence iranienne, plutôt qu’un État souverain poursuivant son intérêt national.
Même le soutien occidental est conditionnel. Si la communauté internationale fournit une aide humanitaire, l’assistance financière structurelle dépend de réformes – des réformes que le Hezbollah refuse, de peur qu’elles ne remettent en cause son pouvoir.
Le fardeau humain
Le plus grand coût, cependant, est supporté par les Libanais ordinaires. C’est l’étudiant qui émigre faute de perspectives. La famille qui endure les coupures de courant et l’insécurité alimentaire. Le fermier du sud dont les terres sont devenues une zone tampon militarisée. L’enfant qui grandit sans aucune notion de paix – seulement de sacrifice, de slogans et de peur.
Le Hezbollah affirme que la résistance garantit la dignité. Mais quelle dignité y a-t-il dans la faim? Dans la corruption? Dans une guerre sans fin? Le récit est devenu creux, sa promesse rompue. Ce qui reste, c’est une population piégée entre géopolitique régionale et autoritarisme local.
Vers une nouvelle vision nationale
Le Liban doit affronter une vérité aussi inconfortable qu’essentielle: la résistance est devenue un piège. Ce qui a pu être une nécessité défensive est désormais une stratégie politique qui bénéficie à un seul parti au détriment de toute une nation. La paix avec Israël n’est pas une capitulation. C’est une opportunité – pour la stabilité, la prospérité et la réintégration dans la communauté arabe et internationale.
Le Liban mérite mieux que la survie. Il mérite la souveraineté – sur ses frontières, ses politiques, son économie et son avenir. Cet avenir ne peut être bâti sur un conflit perpétuel. Il doit se construire sur la diplomatie, la responsabilité et l’unité nationale.
Le prix de l’absence de paix est trop élevé. Le Liban ne peut plus se le permettre.
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