L’éditorial - L’attaque contre le régime des mollahs: qui sème le vent…
©Ici Beyrouth

Cela devait se produire un jour ou l’autre, d’une façon ou d’une autre... Car les dirigeants de la République islamique iranienne ont incontestablement été trop loin dans leur soif de pouvoir, dans leurs comportements despotiques, dans leur stratégie expansionniste meurtrière à l’échelle du Moyen-Orient. L’ancien commandant (emblématique) de la Brigade de Jérusalem, le bras armé du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI), feu Qassem Soleimani, s’était vanté de contrôler quatre capitales arabes, poussant même l’arrogance jusqu’à prétendre avoir sous sa coupe la majorité du Parlement libanais.

Au lendemain de l’arrivée au pouvoir de l’ayatollah Khomeiny, en 1979, le CGRI (les Pasdaran) s’était fait le porte-étendard du projet d’exportation de la révolution islamique. Dans la pratique, cela s’était traduit par l’implantation progressive de proxys iraniens au Liban, d’abord, puis en Irak, au Yémen et, plus tard, à Gaza, donnant naissance à ce que le roi de Jordanie avait qualifié de «croissant chiite», avec comme épine dorsale le régime Assad.

Ce vaste déploiement stratégique s’accompagnait d’une posture nettement anti-occidentale et d’une attitude ouvertement belliqueuse à l’égard des pays du Golfe. Fondée sur la coercition et sur la répression de larges pans des sociétés locales, «l’exportation de la révolution» s’est transformée en une entreprise de déstabilisation systématique, axée sur l’idée folle de mettre sur pied des sociétés à vocation guerrière, sous le slogan fallacieux de «résistance».

Le pouvoir des mollahs ne s’est toutefois pas arrêté en si bon chemin. Dans le but de doter l’Iran du statut de «grande puissance régionale» reposant exclusivement sur la force militaro-sécuritaire, il s’est lancé, à la fin des années 1980, dans une course pour le développement d’un programme nucléaire, profitant, jusqu’en 1991, de l’aide d’un expert pakistanais.

En 2002, une source de l’opposition relevant du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) dévoilait l’existence de deux sites nucléaires secrets. Cela constituait un premier indice de la volonté de la République islamique de se doter de l’arme atomique.

Depuis, ce dossier, accompagné de la constitution d’un important arsenal de missiles balistiques, a été au centre d’un bras de fer et d’une bataille diplomatique internationale qui durent depuis plus de… vingt-cinq ans! Un quart de siècle au cours duquel le régime des mollahs n’a cessé de renforcer l’arsenal balistique et, surtout, l’infrastructure nucléaire. Jusqu’à parvenir ces derniers mois au seuil critique, permettant à court terme la construction d’une bombe atomique grâce à l’enrichissement effréné de l’uranium, atteignant récemment les 60%.

Ce programme nucléaire a constitué depuis fort longtemps une ligne rouge non seulement pour Israël, mais également pour les pays du Golfe et les puissances occidentales. Sa dimension militaire, qui se confirmait au fil des ans, a suscité d’autant plus d’appréhensions que cet arsenal stratégique était entre les mains d’un pouvoir autocratique. Celui-ci, mû par une idéologie théocratique rigide d’un autre âge, affichait une attitude belliqueuse sans retenue, pratiquait une politique expansionniste et manifestait, de surcroît, un comportement répressif et meurtrier envers toute opposition interne, notamment à l’égard des femmes et de la jeunesse iranienne.

Pendant plus d’un quart de siècle, la République islamique a dépensé, selon certaines estimations, non moins de 150 à 200 milliards de dollars sur son programme nucléaire et ses divers à-côtés. Pourtant, le pouvoir des mollahs n’ignorait certainement pas que toute aventure nucléaire dans cette partie du monde constitue bel et bien une ligne rouge, a fortiori lorsqu’un régime aussi belliqueux que celui en place à Téhéran y est impliqué. Les dirigeants iraniens ignoraient-ils que l’aviation israélienne avait détruit en 1981, au cours d’un raid-surprise, le réacteur irakien Osirak (près de Bagdad)?

En 2003, à la suite de fortes pressions exercées par les États-Unis et le Royaume uni, la Libye de Mouammar Kadhafi acceptait de démanteler son programme nucléaire. En septembre 2007, c’est le réacteur syrien d’Al-Kibar, construit grâce à l’aide de la Corée du Nord, qui était détruit par les bombardiers israéliens.

La République islamique n’a pas voulu tirer la conclusion qui s’imposait à la lumière de ces expériences passées, aveuglée qu’elle était par sa volonté de puissance à l’échelle régionale. Et, comme pour aller encore plus de l’avant dans sa politique expansionniste, elle a financé à coup de dizaines de milliards de dollars l’implantation de ses proxys dans la région. Les chiffres sur ce plan sont édifiants: 700 millions de dollars par an au Hezbollah, 350 millions par an au Hamas, plusieurs dizaines de millions aux Houthis, sans compter une aide au régime Assad estimée entre 30 et 50 milliards de dollars.    

La nation iranienne n’a pourtant pas besoin de placer autant de pions sur l’échiquier du Moyen-Orient pour faire entendre sa voix. Elle n’a pas besoin d’arsenal nucléaire ni de missiles balistiques pour s’imposer. Elle est héritière d’une très ancienne et prestigieuse civilisation. Son peuple, ses femmes, sa jeunesse, sa société civile ont démontré au cours des dernières années un haut degré de vitalité, d’audace, de maturité et d’avant-gardisme.

Ce n’est pas en réprimant sauvagement toute opposition interne, mais plutôt en misant sur les compétences de ses cadres supérieurs, de ses technocrates, de ses experts, de ses jeunes et de ses intellectuels que l’Iran pourra retrouver la place qui lui revient dans le concert des nations, au lieu de verser des centaines de milliards de dollars pour assouvir des ambitions qui s’avèrent stériles et destructrices. Lorsque l’on sème le vent, on ne peut s’étonner de récolter en définitive, et irrémédiablement, de violentes tempêtes dévastatrices.       

 

 

 

  

 

 

 

 

   

 

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