
Deux générations de danseurs se retrouvent au Festival d’Avignon autour d’un même artiste légendaire: Jacques Brel. La chorégraphe flamande Anne Teresa de Keersmaeker et le jeune interprète Solal Mariotte livrent une pièce sobre et habitée, portée par 24 chansons emblématiques, où se croisent danse contemporaine et breakdance, regards croisés et fascination commune. Brel est à découvrir jusqu’au 20 juillet.
Amsterdam, Quand on n'a que l'amour, Les Bourgeois... Au Festival d'Avignon, la figure de la danse contemporaine Anne Teresa de Keersmaeker et le breakdancer Solal Mariotte expriment leur «fascination» pour le chanteur Jacques Brel, dans un duo sobre et délicat.
Dans la pièce Brel, jusqu'au 20 juillet dans la Carrière de Boulbon, les deux danseurs partagent la scène pour la première fois. Deux générations qui évoluent tour à tour, côte à côte ou ensemble.
La chorégraphe belge flamande de 65 ans, habituée d'Avignon, est autrice d'une soixantaine de spectacles écrits sur des partitions très éclectiques, allant de Jean-Sébastien Bach, au blues, John Coltrane ou Miles Davis.
Le Français Solal Mariotte, 24 ans, d'abord formé au breakdance, a été élève de l'école bruxelloise P.A.R.T.S d'Anne Teresa de Keersmaeker, avant de rejoindre sa compagnie en 2023. Il chorégraphie également.
«On partage tous les deux une fascination pour Brel», a raconté à l'AFP la première, en amont de la première représentation dimanche soir.
Pour elle, le chanteur a fait partie de son histoire et de son apprentissage du français. Lui a découvert cette «bête de scène» sur YouTube et s'est imprégné de nombreuses archives, étudiant de près sa gestuelle. Ce qui l'a touché? Sa «frénésie, qui emporte, déporte, transporte».
Sur l'immense plateau noir, la chanson Le diable (ça va) fait l'ouverture, sans accompagnement. Un choix «qui fait sens aujourd'hui, dans le contexte géopolitique», glisse Solal Mariotte. Les paroles – «Les hommes s’amusent comme des fous / Au dangereux jeu de la guerre» - défilent au bas de la scène, tandis qu'un immense «ça va» est projeté sur le fond de la carrière.
Point de suspension
Suivent Sur la place, Quand on n'a que l'amour, La valse à mille temps, Les Flamandes, Ne me quitte pas, Le plat pays... Au total, 24 chansons choisies par le duo en fonction de thèmes qui leur «parlaient», racontent-ils, comme l'amour, la mort, l'amitié, l'identité, le couple ou la vieillesse.
Certains tubes, comme Madeleine, ont dû être éliminés. «Sinon, le spectacle durerait quatre heures !», précise Solal Mariotte.
En costumes gris anthracite et T-shirt, sous des projecteurs qui magnifient le lieu, les danseurs proposent là un solo, ici un duo, une superposition de logiques chorégraphiques. Les écritures s'enchevêtrent ou se rejoignent ponctuellement, comme sur Vesoul, avec un regard ou un point de suspension arrivant au même moment.
La danse est parfois réduite au minimum, avec des quarts de tour du buste et de simples déplacements en cercle, en spirale, ou le long de la scène. Solal Mariotte exécute, sous les applaudissements, des figures de breakdance, mais s'en émancipe aussi, chantant en écho quelques paroles.
Tous deux laissent une place au chanteur, qui apparait projeté sur le fond de la carrière ou sur le corps - un temps dénudé - de la chorégraphe belge.
Avec cette incarnation, le duo dit espérer non pas rendre un hommage, mais créer un moment de «partage» avec le public autour de Brel.
Par Karine PERRET / AFP
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