
Ils n’ont ni patinoire aux normes, ni championnat local. Mais sur les glaces du Canada, les Libanais du hockey prouvent que la passion peut faire fondre les frontières. Et peut-être même en tracer de nouvelles.
Les coudes levés, les lames affûtées et le cèdre brodé sur le torse, ils patinent pour bien plus qu’un score. À Montréal, les Libanais du hockey se battent dans une compétition à part, entre nations sans patinoire, mais non sans ambition.
Des crampons aux patins
Dans cette Challenger Series, organisée loin des circuits traditionnels, le Liban affronte Porto Rico, la Jamaïque croise la Grèce, et l’espoir glisse dans chaque virage.
Car ici, les joueurs ne viennent pas de Jounieh ou de Zahlé, mais de Laval, Ottawa ou Détroit. Ils sont Libanais de cœur, de sang, ou de mémoire. Et sur la glace, ils écrivent un récit où sport, diaspora et transmission s’entrelacent.
«J’ai chaussé mes premiers patins à Montréal, mais c’est le Liban que je représente», lance Ricardo Tabet, quadragénaire barbu qui, entre deux présences en défense, orchestre aussi l’équipe libanaise en coulisses. «Le hockey, c’est mon histoire d’intégration. Et maintenant, c’est notre levier pour bâtir quelque chose au pays.»
Patinoire imaginaire
Le Liban n’a peut-être pas (encore) d’arène, mais il a signé une performance remarquée lors de cette édition 2025. Battus d’entrée par la Grèce (8-11), les joueurs du Cèdre se sont ensuite repris avec panache en dominant la Jamaïque, tenante du titre, sur le score de 9-5. Une victoire éclatante, marquée par un quadruplé de Karl el-Mir et six passes décisives de Danny Akkouche.
Grâce à ce succès, le Liban décroche son billet pour la grande finale… où l’attend à nouveau la Grèce.
La finale tient toutes ses promesses: une rencontre intense, engagée, spectaculaire. Mais au terme d’un duel serré, le Liban s’incline 4-7 face à une équipe grecque solide, qui n’a connu qu’un seul revers durant toute la série. Les Libanais auront tout donné, mais cela n’aura pas suffi cette fois.
Le rêve n’est pas seulement porté par la diaspora. Du côté de la Fédération libanaise de hockey, on suit de près cette effervescence venue de l’étranger, dans l’espoir qu’elle ouvre la voie à une structure plus durable dans le pays.
Pour Wissam Salman, membre du conseil d’administration, cette dynamique dépasse le cadre sportif. «On a ici une diaspora qui vibre pour le Liban, et qui sait manier la rondelle. Pourquoi ne pas en faire une force?»
Une mission à long terme
Autour de la patinoire, les gradins s’animent comme à Bourj Hammoud un soir de finale. Drapeaux agités, chants criés à pleins poumons, et des familles venues encourager ces ambassadeurs d’un hockey sans frontières.
Le niveau est relevé, les charges franches, les escarmouches après le coup de sifflet presque inévitables. La victoire n’est pas un gadget. Mais le véritable trophée, chacun le sait, c’est la graine semée dans les esprits. Celle d’un sport méconnu au Liban, mais qui pourrait, un jour, y trouver racines.
Car au bout de la glace, c’est tout un projet qui se dessine. Comme le résume à Ici Beyrouth Charles el-Mir, président de la Fédération libanaise de hockey:
«Ces événements visent à promouvoir le hockey au Liban pour permettre la construction d’un complexe sportif multidisciplinaire, sous réserve d'une amélioration de la situation économique, politique et régionale.»
Les Libanais de la glace repartent avec une mission.
«Ce n’est pas qu’un tournoi, conclut Ricardo Tabet. C’est un message lancé à ceux qui croient que le hockey ne nous concerne pas. On existe. Et on est prêts.»
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