L’autre guerre du patrimoine sous-marin au Liban
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L’instabilité géopolitique de la région n’épargne pas les fonds marins, surtout ceux libanais. Les différends frontaliers avec Israël, notamment autour du bloc 9 au sud, concernent autant les gisements gaziers que les potentiels trésors culturels enfouis. 

Des découvertes dans des zones disputées soulèveraient immédiatement la question de leur propriété. Par ailleurs, le Liban n’a pas encore signé d’accord clair de délimitation maritime avec la Syrie au nord, ce qui pourrait un jour compliquer d’éventuelles opérations de sauvetage archéologique.

Dans l’ombre des grands enjeux géopolitiques, un autre danger guette: le pillage. Le marché noir des artefacts marins est florissant, alimenté par des plongeurs clandestins et parfois facilité par le manque de surveillance côtière. Certains objets issus d’épaves libanaises se retrouvent en vente sur des plateformes internationales, échappant à tout inventaire et privant la recherche de précieuses informations historiques.

Trésors engloutis, pillage invisible: l’autre guerre du patrimoine sous-marin au Liban

Le Liban, riche d’un littoral chargé d’histoire, abrite dans ses fonds marins des vestiges inestimables de civilisations anciennes. Mais ce trésor, loin d’être à l’abri, est aujourd’hui la cible d’un fléau silencieux: le pillage sous-marin.

Sur un site archéologique majeur à Tyr, l’ampleur des dégâts est visible à l’œil nu. Un mur antique massif a été partiellement détruit. Pourquoi?

«Parce que des individus viennent, souvent de nuit, avec des outils métalliques pour déplacer les blocs de pierre, persuadés qu’un trésor en or y est enfoui», s’indigne Ibrahim Noureddine, professeur de recherche adjoint à l’université Carleton et archéologue maritime.

Ce type de vandalisme n’est pas nouveau. Depuis plus d’une décennie, des institutions comme la Honor Frost Foundation ou la Direction générale des antiquités (DGA) tentent de contrer ce phénomène par la formation de jeunes archéologues et la sensibilisation à la protection du patrimoine. Mais la menace reste constante. «Ce qui rend la lutte encore plus difficile, c’est l’absence d’acteurs identifiables. Tout le monde peut être impliqué, et on ne sait jamais qui est derrière», déclare l’expert.

D’après lui, les indices émergent souvent par hasard: un pêcheur remonte dans ses filets une jarre ou une statuette. L’information circule de bouche à oreille, franchit les frontières et certaines pièces finissent sur le marché noir international.

«On a pu retracer des objets issus d’une même épave jusqu’en Espagne. Nous avons signalé l’affaire, mais ce genre de trafic implique des réseaux tentaculaires, une forme de mafia invisible», relate M. Noureddine.

«La mécanique est bien rodée. Le pêcheur vend à un premier intermédiaire, qui revend à un autre, jusqu’à ce que la trace se perde. Finalement, une statuette libanaise réapparaît dans une collection privée en Europe», se désole-t-il. Raison pour laquelle certaines découvertes sont gardées secrètes, par peur du pillage. Et pourtant, même les zones sous surveillance ne sont pas épargnées. À Tyr, le port antique jouxte une base militaire. Une protection en apparence, mais qui reste limitée.

«Les soldats ne peuvent pas surveiller la mer en permanence. Difficile de distinguer un simple nageur d’un pilleur. L’eau est peu profonde, les intrusions discrètes», indique l’expert. 

Comment protéger, alors? «La seule solution durable, c’est l’éducation. Il faut convaincre les gens que préserver un site, c’est enrichir leur communauté. Les touristes viendront, les cafés travailleront. Le patrimoine est un moteur économique et culturel», assure-t-il.

Ainsi, face à une guerre discrète mais persistante, la meilleure arme reste la conscience collective. Car l’histoire, une fois volée, ne se restitue jamais intacte. Et là, la question qui se pose est celle de savoir ce qu’il en est des textes de loi et de leur rôle dans la préservation du patrimoine. 

À suivre…

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