
L’Arabie saoudite et la géopolitique régionale : les ambitions diplomatiques de MBS
En Arabie saoudite, une série de manœuvres diplomatiques ont contribué à modifier le paysage géopolitique du Moyen-Orient, sous la conduite du prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS). Un des piliers de la politique régionale, le royaume cherche à redéfinir son rôle, en devenant un médiateur influent, en tissant de nouvelles alliances stratégiques et en normalisant ses relations avec des acteurs clés de la région. Ces ambitions s’inscrivent dans un cadre plus large, celui de la Vision 2030, établie par MBS. Un plan visant à diversifier l’économie du pays et à renforcer son influence internationale. Un pari réussi pour MBS ?
Les ambitions diplomatiques de MBS: un médiateur en devenir
L’une des grandes ambitions diplomatiques de MBS est de positionner l’Arabie saoudite comme un acteur clé et un médiateur dans les conflits du Moyen-Orient. Depuis sa prise de pouvoir, en 2017, le prince héritier cherche à occuper une place centrale dans la gestion des crises régionales, notamment dans les dossiers liés au Yémen, à la Syrie, et à l’Irak. Il s’efforce ainsi de renforcer la place du royaume en tant qu’interlocuteur incontournable pour les puissances mondiales et régionales.
Le conflit au Yémen, qui oppose la coalition menée par l’Arabie saoudite aux Houthis, soutenus par l’Iran, a longtemps été un point de friction dans la politique régionale. Cependant, MBS a multiplié les efforts pour négocier des solutions diplomatiques, notamment en facilitant des pourparlers entre les différentes factions yéménites. Alors que la guerre dans ce pays soit loin d’être terminée, les Saoudiens ont récemment tenté de prendre des mesures pour amorcer une désescalade, notamment en permettant des pourparlers indirects avec les Houthis, et en essayant d’engager une série de discussions pour une paix durable dans le pays.
Sous la direction de MBS, l’Arabie saoudite a également cherché à redéfinir ses alliances traditionnelles. Alors que le royaume a été historiquement un adversaire de l’État d’Israël, la diplomatie saoudienne s’est ouverte à une forme de rapprochement, notamment avec la normalisation des relations entre Israël et plusieurs pays arabes. Ce processus a été facilité par les accords d’Abraham en 2020, entre Israël et les Émirats arabes unis d'une part et entre Israël et Bahreïn d'autre part, suivis par le Maroc. Ils avaient été conclus sous l’égide des États-Unis.
Bien que Riyad n’ait pas encore franchi le pas de la normalisation en raison de la conjoncture actuelle, le prince héritier a clairement exprimé son intérêt pour une relation plus souple avec l’Etat hébreu, notamment pour contrer l’influence de l’Iran et renforcer la coopération économique et technologique dans la région. Des pourparlers devaient être menés à cette fin, sous la houlette de Washington, mais l’attaque du groupe palestinien, le Hamas, soutenu par l’Iran, contre Israël, le 7 octobre 2023, et la guerre qui a suivi, ont tout gelé.
“Cette normalisation avec l’Etat hébreu ne se fera néanmoins que dans la perspective de la création d’un Etat palestinien”, estime Bertrand Besancenot, ancien ambassadeur de France à Riyad.
L’Arabie saoudite et l’Iran: un tournant diplomatique
Les relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran, qui ont été marquées par des décennies de rivalité sectaire et géopolitique, connaissent également une évolution notable sous le règne de MBS. En 2023, un accord de réconciliation a été scellé sous l’égide de la Chine. Un moment historique qui a permis aux deux puissances rivales de rétablir leurs relations diplomatiques. “Une telle démarche marque un tournant dans la politique étrangère de l’Arabie saoudite, qui cherche désormais à équilibrer ses relations avec les États-Unis et à se rapprocher de son voisin régional pour réduire les tensions qui ont déstabilisé la région pendant des années”, précise-t-on de source sécuritaire.
“Lors du premier mandat du président américain Donald Trump, MBS a misé sur la politique de pression maximale sur l’Iran pour refluer l’influence de Téhéran dans la région”, souligne Bertrand Besancenot. “Le prince héritier n’a toutefois pas tardé à comprendre que la protection américaine dont son pays a besoin sur le plan sécuritaire, n’était plus inconditionnelle, immédiate et systématique, comme ce fut le cas dans le passé”, poursuit-il.
Cette révélation est notamment motivée par un fait majeur qui s’est produit en septembre 2019, lorsque deux installations pétrolières de Saudi Aramco, le géant pétrolier, ont été attaquées sans que les Etats-Unis -sous Trump- n’interviennent pour défendre les intérêts du royaume.
Pour rappel, les Houthis avaient revendiqué à partir de Beyrouth, l’attaque aérienne contre les installations d'Abqaïq et de Khurais, dans l’est de l’Arabie saoudite. La communauté internationale l’a cependant attribué à l’Iran, suspecté d’avoir utilisé des missiles de croisière pour ce faire. “Aujourd’hui, c’est de transactionnelle que l’on peut qualifier la relation du royaume avec les Etats-Unis”, suggère M. Besancenot. “L’Arabie cherche, de fait, à s’émanciper de leur tutelle, en veillant toutefois à préserver les investissements et la protection militaire américaine”, ajoute-t-il.
Le prince héritier réussira-t-il à naviguer avec soin entre ses objectifs de diversification économique, ses ambitions géopolitiques et la gestion des relations avec les grandes puissances mondiales ?
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