À l’occasion du 1er août, Journée de l’armée libanaise, le président de la République, Joseph Aoun, a prononcé jeudi un discours d’une rare fermeté, appelant à un sursaut national autour de l’institution militaire et à la remise de toutes les armes, sans exception, entre les mains de l’armée. Dans une adresse clairement dirigée à l’ensemble des Libanais — y compris à la communauté chiite et au Hezbollah — le chef de l’État a averti : « Nous sommes à l’heure de vérité. Soit nous choisissons l’État, soit c’est l’effondrement ».
« Nous sommes fatigués des guerres des autres sur notre territoire, des paris risqués et des aventures meurtrières. Il est temps de mettre fin aux ambitions de nos ennemis », a lancé Joseph Aoun, dans une allusion directe aux tensions croissantes entre Israël et le Hezbollah dans le Sud. Refusant toute forme de surenchère ou de provocation politique, le président a appelé à l’unité nationale autour de l’armée libanaise, seule garante de la souveraineté.
Un appel direct à la base populaire du Hezb
Dans une séquence particulièrement marquante, Joseph Aoun s’est adressé à ceux qui, selon lui, ont résisté à l’agression — une référence implicite au Hezbollah et à sa base populaire : « Je vous appelle à ne miser que sur l’État. Sinon, vos sacrifices seront vains, et l’État s’effondrera. » Une manière de tendre la main tout en posant une ligne rouge : la sécurité nationale ne peut être assurée durablement que par une armée unifiée, agissant au nom de tous les Libanais.
Pour un monopole total de la force armée
« Mon souci de l’exclusivité des armes pour l’armée découle de ma volonté de défendre la souveraineté de tout le Liban, de libérer les territoires occupés et de construire un État qui accueille tous ses enfants », a déclaré le président. Dans ce contexte, il a rappelé que les armes ne peuvent plus être laissées aux mains de factions ou de groupes armés, quels qu’ils soient. Le désarmement des milices, y compris du Hezbollah, devient ainsi un enjeu central.
Une armée renforcée et soutenue
Joseph Aoun a également annoncé que l’armée allait bientôt accueillir 4 500 nouveaux soldats, renforçant ainsi sa capacité à assurer la défense du territoire. Il a par ailleurs insisté sur la nécessité d’allouer un milliard de dollars à l’institution militaire — une enveloppe issue de dons internationaux— destinée à améliorer les conditions de vie des soldats, moderniser les équipements et redonner espoir à une armée longtemps négligée.
Vers un cessez-le-feu global et un renforcement de l’autorité de l’État
Sur le plan diplomatique, le chef de l’État a révélé avoir engagé des négociations avec la partie américaine, en coordination avec le président du Parlement, Nabih Berry, et le Premier ministre, Nawaf Salam, pour parvenir à une cessation des hostilités. «La partie américaine nous a présenté un projet de proposition, auquel nous avons apporté des amendements substantiels. Il sera présenté prochainement au Conseil des ministres», a-t-il indiqué.
Cette proposition prévoit notamment la cessation immédiate des agressions israéliennes en mer, sur terre et dans les airs, la fin des assassinats ciblés, le retrait israélien, le retour des prisonniers, l’extension de l’autorité de l’État sur tout le territoire, ainsi que le désarmement de toutes les forces, y compris le Hezbollah. Elle comprend aussi des volets liés à la résolution de la crise des déplacés syriens, à la lutte contre la contrebande et le trafic de drogue, ainsi qu’au soutien de l’agriculture et des industries alternatives.
Réformes judiciaires et lutte contre la corruption
Joseph Aoun a par ailleurs mis l’accent sur la réforme judiciaire, qu’il considère comme un pilier essentiel de la restauration de l’État. «Le gouvernement de Nawaf Salam a donné la priorité au rétablissement de la confiance du public dans la justice, et de la justice en elle-même. Nous avons formé un nouveau Conseil de la magistrature, dont les membres sont reconnus pour leur intégrité. Une nouvelle autorité d’inspection judiciaire est désormais prête à rendre des comptes et je signerai le décret sur les formations judiciaires dès qu’il sera disponible.»
Évoquant la question sensible des déposants, le président a rappelé que «les droits des déposants sont parmi les questions les plus épineuses». Plusieurs projets de loi ont été soumis au Parlement, incluant la levée du secret bancaire et la restructuration du secteur. Le gouvernement travaille également sur un projet de loi visant à identifier le déficit financier, finaliser les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) et relancer l’économie.
«Nous commençons à percevoir un net changement dans le cours de la justice, à commencer par l’ouverture de l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth. Les tabous tombent, les immunités sont levées et les personnes impliquées sont poursuivies et emprisonnées sans protection, si ce n’est celle de la loi», a-t-il déclaré, soulignant que «c’est le début d’un long processus de responsabilisation, dont seuls les juges sont les garants».
Il a enfin insisté sur la nécessité de restructurer l’administration publique, en entamant les nominations diplomatiques et administratives. «Le pouvoir judiciaire a toute latitude pour lutter contre la corruption, garantir la responsabilité, défendre les droits et instaurer l’égalité devant la justice. C’est une voie ascendante et sereine qui exige de faire confiance à la justice et d’échapper aux pressions politiques», a conclu le chef de l’État.
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