Abdellatif Kechiche signe un retour sous le feu des polémiques
French-Tunisian film director Abdellatif Kechiche speaks during his masterclass at the Cinemed festival in Montpellier, southern France, on October 28, 2022. ©Pascal GUYOT / AFP

Six ans après un film scandale qui avait enflammé Cannes, Abdellatif Kechiche présente à Locarno le dernier opus de sa trilogie Mektoub My Love. Absent pour raisons de santé, le cinéaste reste au cœur des débats sur ses méthodes et sa vision du cinéma.

Longtemps acclamé par la critique, le réalisateur franco-tunisien Abdellatif Kechiche fait son retour après une longue traversée du désert et des controverses récurrentes sur sa façon de filmer le sexe et les corps féminins.
Le festival de Locarno (Suisse) accueille samedi en compétition son nouveau film. Et le troisième d'une série qui a mis le feu aux poudres (Mektoub My Love), dans lequel il filme les émois et ébats de jeunes dans les années 1990.
C'est le deuxième volet (Intermezzo) qui a créé la polémique à Cannes en 2019, en raison d'une très longue scène de cunnilingus non simulée. L'actrice principale Ophélie Bau avait monté les marches sans assister à la projection, faisant douter de son consentement pour que les scènes de sexe soient diffusées.
Après une conférence de presse houleuse, le réalisateur, qui faisait alors l'objet d'une plainte pour agression sexuelle (classée sans suite en 2020), a disparu de la circulation. Le film n'est jamais sorti.
Six ans après, le cinéaste, victime d'un AVC mi-mars, ne sera pas présent à Locarno pour présenter Mektoub My Love: Canto Due, a indiqué à l'AFP son attaché de presse historique.
Les acteurs se livreront à une séance de questions/réponses.
Cette projection doit servir de ballon d'essai pour le film, qui n'a à l'heure actuelle pas de date de sortie, mais une bande-annonce mise en ligne cette semaine.

Au plus près

La personnalité complexe du cinéaste a été révélée au grand jour lors de la promotion de La Vie d'Adèle, histoire d'amour entre deux jeunes femmes qui lui valut, ainsi qu'à ses actrices, une Palme d'or en 2013.
Forte d'une carrière déjà bien lancée, Léa Seydoux avait dénoncé des conditions de tournage «horribles», des journées sans fin, des centaines de prises pour une même scène.
Adèle Exarchopoulos, dont c'était le premier grand rôle à 19 ans, avait elle parlé de «dix journées entières à tourner» la très longue et très crue scène de sexe du film.
Blessé, Kechiche mettra cinq ans avant de revenir derrière la caméra avec Mektoub My Love: Canto Uno, qui avait séduit une partie de la critique mais fait tiquer en raison de ses plans au plus près des corps.
Comme à son habitude, le réalisateur, qui a découvert nombre de jeunes acteurs dont Sara Forestier, Hafsia Herzi et Adèle Exarchopoulos, y avait révélé de nouveaux talents, dont Shaïn Boumedine et Ophélie Bau.
En octobre 2022, il était brièvement sorti de son silence au festival Cinemed à Montpellier (sud de la France). Lunettes noires sur le nez, il expliquait qu'il travaillait à la sortie des deux derniers volets de Mektoub My Love, sans les plans jugés gênants pour le premier rôle féminin.
Une intervention chahutée et huée par des manifestants féministes.

D'abord acteur

Originaire de Tunisie, où il est né le 7 décembre 1960, Abdellatif Kechiche arrive à Nice à 6 ans. Passionné de théâtre, il débute comme acteur. Sollicité par le cinéma, il décroche le rôle principal du Thé à la menthe (1985) d'Abdelkrim Bahloul, où il tient le rôle d'un immigré algérien vivant de trafics.
En 1987, il joue un gigolo arrogant dans Les Innocents d'André Téchiné.
Auteur de scénarios, il trouve en Jean-François Lepetit un producteur prêt à financer son premier film La Faute à Voltaire (2000), l'histoire d'un jeune Tunisien (Sami Bouajila) qui débarque à Paris et tombe amoureux d'une jeune femme paumée, jouée par Aure Atika.
Avec L'Esquive en 2004, il convie Marivaux et la tchatche de jeunes de banlieue. Salué par une critique unanime, il repart avec les César du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur scénario.
En 2008, il récidive avec La Graine et le Mulet, chronique d'un ouvrier licencié des chantiers navals de Sète, se lançant dans l'ouverture d'un restaurant. Il décroche les mêmes César et celui du meilleur espoir féminin pour Hafsia Herzi.

Par Aurélie MAYEMBO / AFP

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