
Face aux vagues de chaleur qui s’intensifient, l’aménagement des villes et la conception des bâtiments deviennent cruciaux. Au Liban, l’urbanisme mal adapté et l’isolation déficiente aggravent la surchauffe, tandis que des solutions passives peuvent réduire l’impact et préserver l’énergie.
La chaleur n’est plus seulement une gêne estivale. Avec la multiplication des vagues de chaleur extrême, elle devient un facteur de risque pour la santé, l’économie et le confort de vie. Dans un pays comme le Liban, où l’urbanisation s’est accélérée sans plan d’adaptation climatique, la canicule se transforme souvent en épreuve. Beaucoup d’immeubles sont construits avec des matériaux qui emmagasinent la chaleur, mal isolés, dépourvus d’espaces verts et orientés sans réflexion sur l’ensoleillement. Résultat: les intérieurs se transforment en fours dès le début de l’après-midi, et les nuits ne suffisent plus à refroidir les murs.
Cette situation pèse lourdement sur les habitants. Pour supporter les températures, la plupart se tournent vers les climatiseurs ou les ventilateurs, ce qui augmente une demande électrique déjà instable. Dans un contexte de pénurie d’énergie, chaque degré gagné par la climatisation se paie cher, en coupures, en générateurs bruyants et en factures élevées. Pourtant, de nombreuses études montrent que la conception même du bâti et l’organisation de l’espace urbain peuvent réduire significativement la surchauffe, et ce, sans surconsommation électrique.
Les solutions passives sont au cœur de cette approche. Elles visent à limiter les apports de chaleur et à améliorer le confort thermique en utilisant intelligemment les matériaux, l’orientation et l’environnement immédiat. L’isolation thermique est la première étape: des murs et toits correctement isolés ralentissent la pénétration de la chaleur. Des peintures réfléchissantes ou des toitures claires réduisent l’absorption du rayonnement solaire. Les protections solaires, comme les volets, brise-soleil ou stores extérieurs, empêchent la lumière directe d’entrer, diminuant ainsi l’échauffement intérieur.
Végétaliser pour rafraîchir et protéger
La végétation joue un rôle double. Elle apporte de l’ombre et elle rafraîchit l’air grâce à l’évapotranspiration, ce processus par lequel les plantes relâchent de l’humidité. Dans une rue bordée d’arbres, la température ressentie peut baisser de plusieurs degrés par rapport à une rue minérale exposée au soleil. Les toits et façades végétalisés, encore rares au Liban, offrent une isolation supplémentaire et créent des îlots de fraîcheur en ville. Ces aménagements ne sont pas seulement esthétiques, ils réduisent aussi la chaleur stockée dans le béton et l’asphalte, qui la restituent la nuit.
Adapter l’urbanisme signifie aussi revoir l’orientation des nouvelles constructions pour optimiser la ventilation naturelle. Les courants d’air peuvent être exploités si les bâtiments sont disposés de manière à les canaliser. Dans certaines régions méditerranéennes, les villes anciennes en offrent des exemples remarquables: rues étroites pour limiter l’ensoleillement direct, façades claires, volets en bois, patios ombragés. Autant d’éléments de conception hérités d’un temps où l’on vivait sans climatisation, mais qui répondaient déjà à la nécessité de se protéger de la chaleur.
Au Liban, ces principes sont encore trop peu pris en compte dans la construction neuve, souvent dictée par des impératifs économiques à court terme. Les promoteurs privilégient la surface habitable à la qualité thermique, et la végétation urbaine est régulièrement sacrifiée au profit de parkings ou de nouvelles routes. Or, à long terme, cette absence de stratégie accroît les coûts énergétiques et dégrade la qualité de vie.
Des solutions (vraiment) à portée de main?
Les architectes et urbanistes soulignent que des solutions simples peuvent être mises en œuvre rapidement: plantations le long des façades exposées, installation de pergolas, utilisation de matériaux locaux à forte inertie thermique, récupération d’espaces vacants pour créer des zones d’ombre. Même dans les bâtiments existants, des améliorations sont possibles. Changer la couleur des toits, installer des films solaires sur les vitrages ou créer des auvents peuvent réduire la température intérieure de plusieurs degrés, limitant ainsi le recours à la climatisation.
L’enjeu dépasse la question du confort individuel. Dans un pays où la production électrique est extrêmement précaire et où les générateurs privés représentent une part importante de l’alimentation en énergie, chaque kilowatt-heure économisé compte. Réduire la dépendance à la climatisation signifie moins de carburant brûlé, moins de pollution et un réseau électrique (lorsqu’il fonctionne) moins sous pression.
La lutte contre la surchauffe urbaine n’est pas seulement une affaire de technologie ou d’architecture mais aussi de volonté politique et de sensibilisation. Les municipalités peuvent encourager la végétalisation des espaces publics, imposer des normes d’isolation pour les nouvelles constructions, et protéger les rares zones d’ombre existantes. Pour les habitants, l’adoption de solutions passives est un investissement durable qui améliore le confort et réduit les dépenses énergétiques. Si ces stratégies paraissent évidentes ailleurs, au Liban elles se heurtent à l’inertie, aux intérêts privés et à l’absence de vision urbaine. Et c’est aussi simple – et préoccupant – que cela.
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