Désarmement: le Hezbollah temporise, en attente du plan de l’armée
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Depuis près d’un an, les bouleversements régionaux et locaux ont changé la donne. Ce qui paraissait inconcevable avant septembre 2024 est désormais discutable. Le Hezbollah temporise aujourd’hui sa position à l’égard de la décision gouvernementale de monopoliser les armes aux mains de l’État. Longtemps, la formation pro-iranienne avait dénoncé cette décision comme «non conforme» à l’esprit de Taëf. Aujourd’hui, il appelle au dialogue, au compromis et à l’élaboration d’une stratégie de défense pour aborder ce dossier sensible.

C’est dans ce contexte inconfortable pour un Hezbollah affaibli que Ali Larijani, secrétaire général du Conseil suprême de la sécurité nationale iranienne, a effectué une visite éclair à Beyrouth pour mobiliser son allié local. En provenance de Bagdad à bord d’un avion privé, il a dû contourner l’espace aérien syrien fermé et passer par la Turquie.

À son arrivée, Larijani a été confronté à la fermeté des autorités libanaises: le président Joseph Aoun et le Premier ministre Nawaf Salam ont affirmé la sortie de Beyrouth de la tutelle iranienne. Malgré cela, Larijani a exhorté le Hezbollah à accentuer la pression sur le gouvernement, à la veille de l’arrivée de l’émissaire américain Tom Barrack, envoyant ainsi un message clair à Washington: «Le Liban reste sous influence iranienne et la question des armes du Hezbollah demeure entre nos mains.»

Dans la foulée, le secrétaire général du Hezb, Naïm Kassem, et plusieurs députés, ont réaffirmé que «les armes resteront». Et d’ajouter: ce n’est qu’après le retrait d’Israël du Liban, la cessation des agressions, la libération des prisonniers et le lancement de la reconstruction que le débat sur la stratégie de défense pourra avoir lieu.

Un ancien député ayant participé aux réunions de Taëf rappelle qu’aucune mention de la «résistance» n’y figure: ni dans la Constitution, ni dans les résolutions internationales, ni dans la déclaration ministérielle, ni dans le discours d’investiture du président de la République. Le texte insiste uniquement sur la centralisation des armes sous l’autorité de l’État. Selon des sources souverainistes, aucune condition n’est requise pour la remise des armes, contrairement aux revendications actuelles du Hezbollah, qui réclame aujourd’hui dialogue et stratégie de défense.

Historiquement, lors du retrait israélien de 2000, le Hezbollah avait refusé de discuter de son armement, s’y accrochant comme force de dissuasion, soutenu par l’Iran et la Syrie. Depuis les accords de Taëf en 1989, la remise des armes non légales, qu’elles soient libanaises ou palestiniennes, est régulièrement réclamée. À l’époque, l’ancien secrétaire général, Hassan Nasrallah avait répondu: «Résolvez d’abord la crise du pays pour que l’armée et l’État subsistent, ensuite nous discuterons de la stratégie de défense.»

Aujourd’hui, le tandem Amal-Hezbollah a ajouté de nouvelles conditions, incluant le retrait israélien, la cessation des hostilités, le retour des prisonniers, le lancement de la reconstruction ainsi qu’un arrangement tripartite.

Un ancien ministre rappelle que, sous la présidence de Michel Sleiman, la Commission du dialogue avait préparé la déclaration de Baabda comme prélude à la stratégie nationale, mais le Hezbollah et les forces du 8 Mars avaient refusé d’y participer. Sous la présidence de Michel Aoun, le parti conditionnait sa participation à l’exclusion du débat sur les armes, en refusant que celui-ci se fasse conformément aux résolutions internationales 1559 et 1680, et s’opposait à la création d’une commission de dialogue. Avant les élections de 2022, Aoun avait annoncé qu’il présenterait la stratégie après les élections, ce qui n’a finalement pas eu lieu.

Aujourd’hui, face à un enjeu imminent, le Hezbollah réclame à nouveau dialogue et stratégie. Selon des sources proches des Forces libanaises, cette démarche relève d’une tentative de diluer le débat, étant donné qu’il n’existe aucune condition pour la remise des armes. Les députés du tandem Hezbollah-Amal avaient pourtant soutenu l’élection de Joseph Aoun et participé au gouvernement de Nawaf Salam, pleinement conscients que le président avait fixé la fin de l’année comme délai pour la mise en œuvre de la centralisation des armes sous l’autorité de l’État. Malgré cela, ils ont pris part au gouvernement.

Le tandem Hezbollah-Amal attend désormais le plan de l’armée pour la centralisation des armes, espérant ainsi en retarder l’exécution et améliorer sa position. Il réclame des garanties, la constitution d’une base de données sur les armes et des étapes de remise, ainsi que le renforcement de la présence de l’armée dans les zones chiites frontalières avec la Syrie et au Akkar, avant d’aborder la question de son arsenal via la mise en œuvre d’un dialogue et d’un accord.

Reste à savoir si le gouvernement cèdera aux conditions du Hezbollah ou s’il tiendra la promesse présidentielle: 2025, l’année de la centralisation des armes sous l’autorité de l’État.

 

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