
Jeudi 21 août, le processus de désarmement des camps palestiniens au Liban a enfin commencé.
Cette percée constitue la première étape tangible d’un processus longtemps différé, fruit des accords conclus en mai dernier entre le président Joseph Aoun et son homologue palestinien, Mahmoud Abbas.
Après des décennies de tentatives avortées, cette avancée soulève immédiatement une question cruciale: et maintenant, quelles sont les prochaines étapes?
Une étape limitée mais symbolique
La scène de Bourj el-Barajné est lourde de symboles. Dans un pays où l’État a rarement exercé sa pleine souveraineté sur les camps palestiniens, voir des armes quitter ce territoire quasiment autonome au profit de l’armée libanaise représente un basculement politique.
Mais il ne s’agit pour l’instant que d’une étape limitée. Les armes livrées étaient de taille moyenne: des lance-roquettes antichars de type B7 notamment, mais aucun missile.
Les équipements étaient soigneusement emballés et consignés dans des listes précises, en coordination avec le Fatah et l’Organisation de libération de la Palestine.
Toutefois, un cadre du Fatah a indiqué à Reuters que les armes remises étaient uniquement des armes «illégales» introduites dans le camp 24 heures auparavant, soulignant ainsi le caractère essentiellement symbolique de cette première tranche.
Les factions entre coopération et distance
C’est ce que rappellent d’ailleurs certaines factions palestiniennes elles-mêmes. Présentes lors de la remise, elles ont tenu à préciser que ce désarmement n’affectait pas leur arsenal historique, mais concernait plutôt des armes «entrées illégalement dans les camps ces dernières années».
Dans un communiqué, elles ont réaffirmé que leurs fusils et lance-roquettes demeuraient intacts, car «liés à la cause palestinienne, au droit au retour et à la lutte contre Israël».
Autrement dit, ce qui a été remis relève plus d’un geste politique que d’un véritable démantèlement militaire.
D’ailleurs, selon des médias libanais, Haitham Zaiter, membre du Conseil central palestinien, a confirmé que le Fatah et les forces de sécurité palestiniennes avaient bel et bien livré une partie de leurs armes moyennes et lourdes à Bourj el-Barajné, tout en conservant les armes individuelles.
Il estime qu’il s’agit d’une première étape appelée à être reproduite dans d’autres camps, notamment à Tyr, Saïda et dans le nord.
Toujours selon ces médias, M. Zaiter a toutefois précisé que les armes individuelles ne seraient pas concernées par le processus, tandis que les armes de calibre plus important seraient progressivement remises à l’armée libanaise.
De plus, le président du Comité de dialogue libano-palestinien, Ramez Dimashkieh, a décrit la remise d’armes de Bourj el-Barajné comme «une petite étape par la taille, mais grande par la symbolique».
À ses yeux, cette première livraison traduit la mise en œuvre concrète du discours d’investiture du président Joseph Aoun, du programme ministériel et de l’accord de Taëf. Elle s’inscrit aussi dans la continuité de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui prévoit l’absence de toute arme non étatique au sud du Litani.
M. Dimashkieh affirme que son comité a déjà reçu des listes exhaustives concernant les armes à collecter, et que le processus est appelé à se poursuivre pendant plusieurs semaines pour couvrir progressivement tous les camps palestiniens, de la capitale jusqu’au sud du pays.
La décision palestinienne, assure-t-il, est globale. Elle ne vise pas une faction particulière, mais traduit un engagement collectif.
Il souligne également que les contacts engagés avec le Hamas se déroulent «dans une atmosphère positive», et qu’il existe une réelle chance de voir le mouvement islamiste rejoindre ce qu’il appelle «le train du désarmement».
Le défi de Aïn el-Héloué
Reste que l’avenir du processus dépend de son extension. Si Bourj el-Barajné a pu livrer quelques caisses d’armes dans un climat apaisé, qu’en sera-t-il à Aïn el-Héloué, véritable bastion islamiste où les factions armées conservent un contrôle quasi total?
Le défi du sud du Litani, explicitement mentionné par Ramez Dimashkieh, renvoie aux dispositions de la résolution 1701, mais aussi à l’épineuse question du Hezbollah. Peut-on désarmer les Palestiniens sans toucher à l’arsenal du parti chiite?
Pour le Washington Institute, les deux dossiers sont indissociables. Le Hezbollah a longtemps utilisé certaines factions palestiniennes comme relais contre Israël. Les affaiblir, c’est potentiellement exposer le parti à une perte d’influence qu’il n’est pas forcément prêt à accepter.
Une percée fragile mais porteuse d’espoir
Ainsi, la remise d’armes à Bourj el-Barajné est à la fois une percée et une mise à l’épreuve. Percée, car elle traduit pour la première fois depuis des décennies une coopération effective entre l’État libanais et l’Autorité palestinienne pour réintégrer les camps dans le giron de la légalité nationale.
Mise à l’épreuve, car tout reste à faire. La crédibilité du processus dépendra de sa capacité à se poursuivre au-delà de la capitale, à toucher les bastions islamistes, et à s’articuler avec la question, bien plus vaste, de l’arsenal du Hezbollah.
Le Liban s’engage donc dans un chemin semé d’embûches. Les premières étapes montrent que le volontarisme existe, tant du côté de l’armée libanaise que de l’Autorité palestinienne.
Mais la route est encore longue. Chaque camp désarmé sera une victoire politique, mais aussi un test de la volonté réelle des acteurs régionaux. Car derrière chaque fusil rendu à Bourj el-Barajné, c’est toute l’équation des armes au Liban qui se trouve posée.
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