
Sans cérémonie funéraire aucune, le président du Parlement, Nabih Berry, a enterré la feuille américaine soumise au Liban par l’émissaire Tom Barrack et dont les objectifs ont été approuvés par le gouvernement libanais.
Dans un discours télévisé à l’occasion du 47ᵉ anniversaire de la disparition de l’imam Moussa Sadr et de ses deux compagnons, Nabih Berry s’était dit «prêt», avec le Hezbollah, «à discuter des armes dans le cadre d’un dialogue consensuel», tout en affirmant qu’il n’était pas acceptable, au plan national, de jeter la «boule de feu dans le camp de l’armée». Une position qui signifie, en pratique, un retour au point de départ, celui du dialogue inabouti, d’autant que les dirigeants du Hezbollah répètent quotidiennement le même refrain: «Nous ne remettrons pas les armes.»
Les propos de M. Berry, quelques jours avant le Conseil des ministres, appelé à débattre du plan de l’armée pour centraliser les armes, sonnent donc comme un avertissement contre un éventuel affrontement si le gouvernement insiste pour mettre en œuvre ce plan.
Avant ce discours, le président de la Chambre avait résumé comme suit les résultats de la cinquième visite de l’émissaire américain Tom Barrack au Liban: «Les Américains n’ont pas tenu leurs promesses. Ils ont transmis une exigence israélienne: désarmer le Hezbollah avant toute mesure réciproque israélienne. Rien de nouveau à l’horizon. Les choses vont de mal en pis et déraperont probablement vers une nouvelle escalade. Rien n’est simple et tout ce qui engendre la division est à proscrire.»
Dans l’entourage de M. Berry, on indique que le Liban s’attendait à un geste positif de la part d’Israël, dans le prolongement de la politique du «pas à pas» défendue par Tom Barrack. Mais les propos du sénateur Lindsey Graham, durant sa visite au Liban, selon lesquels «Israël ne se retirera pas du Liban-Sud avant le désarmement du Hezbollah», ont dissipé tout espoir.
En réponse aux critiques de Nabih Berry pour qui Barrack n’a rien apporté de nouveau, des sources proches de la délégation américaine ont laissé filtrer qu’Israël avait accueilli favorablement la décision du gouvernement de monopoliser les armes, et qu’il attendait désormais des mesures concrètes.
Le Conseil des ministres du 5 septembre, consacré au plan de l’armée, sera, à cet égard, crucial. Selon ces sources, l’armée adopte une approche pragmatique: la mise en œuvre se fera en souplesse et sous couvert politique, car l’armée refuse le recours à la force. Il y aura donc d’éventuels ajustements selon les circonstances et les données.
La présidence du Conseil a confirmé vendredi soir la tenue du Conseil des ministres le 5 septembre pour examiner le plan de l’armée. De son côté, le Hezbollah pose ses conditions à la remise des armes: retrait israélien du Liban et des cinq collines, fin des frappes, libération des prisonniers, respect par Israël de l’accord de cessez-le-feu et de l’armistice, sécurisation de la frontière syro-libanaise pour empêcher l’infiltration d’islamistes, et garanties de non-poursuites contre ses combattants que ce soit au Liban ou en Syrie.
Le Hezbollah traverse une phase existentielle qui, selon ses convictions, lui impose de s’accrocher à son arsenal pour contrer toute menace éventuelle. Selon des milieux proches des Forces libanaises, cela est surtout un prétexte pour conserver les armes, du moins provisoirement, dans l’intérêt de l’Iran, qui fait du surplace dans le dossier nucléaire, surtout après la rencontre euro-iranienne et le renforcement des sanctions. L’Irak, de son côté, n’a pas encore tranché le sort des Hachd al-Chaabi, dans l’attente de l’issue du bras de fer irano-américain.
Selon un responsable arabe, comme les armes du Hezbollah relèvent de l’Iran, ce groupe ne prendra aucune décision sans l’aval de Téhéran. Or, l’Iran, affaibli sur les plans international, régional et intérieur, utilise ses relais, à savoir le Hezbollah, le Hachd al-Chaabi et les Houthis, comme cartes de pression.
Un ancien responsable rappelle, dans ce contexte, que le Hezbollah avait «fui» la table du dialogue national à Baabda en 2012, lorsque le président Michel Sleiman a inclus, à l’ordre du jour, la stratégie nationale de défense.
Reste à savoir si l’Iran est prêt à renoncer à cet atout que sont, pour lui, les armes du Hezb, en le «monnayant» dans le cadre des négociations sur le nucléaire avec Washington. Reste à voir également si les États-Unis sont disposés à inclure, dans leurs négociations avec l’Iran, le dossier libanais et celui des armes du Hezbollah. Selon un responsable arabe, il n’y aura ni négociations, ni dialogue sur les armes: les forces armées, et en premier lieu le Hezbollah, doivent se conformer à la décision du gouvernement. Cette dernière est bel et bien prise, et il n’y aura pas de retour en arrière.
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