
Intercepté en pleine nuit alors qu’il tentait de quitter illégalement les eaux libanaises, le Hawk III, un navire chargé de fuel, remet en lumière les zones d’ombre d’un secteur de l’énergie miné par les scandales. Entre suspicions de fuel frelaté, soupçons d’origine russe et jeux d’influence, l’affaire révèle une fois de plus les failles béantes d’un système à bout de souffle.
Au Liban, même un simple navire de fuel devient le centre d’un feuilleton politico-judiciaire. Dans la nuit de vendredi à samedi, la marine libanaise a intercepté le Hawk III, un navire chargé de carburant destiné à Électricité du Liban (EDL), alors qu'il tentait de quitter les eaux territoriales. Derrière cet épisode, se cache une histoire marquée par des contradictions, des suspicions et une grande opacité, illustrant à quel point le secteur de l’électricité reste l’un des symboles les plus emblématiques de la crise profonde que traverse le pays.
Alertée par la salle des opérations conjointes, la marine a lancé une chasse nocturne contre le Hawk III. Face au refus de l’équipage d’obéir à leur ordre, les militaires ont tiré des coups de semonce, avant qu’une unité de commandos maritimes, appuyée par l’aviation, ne mène une opération d’abordage. Au cours de cette opération, 22 personnes ont été arrêtées et trois militaires ont été blessés. Le navire a été escorté de force jusqu’au port de Dbayé.
Le fuel conforme, mais contesté
Depuis fin août, la cargaison du Hawk III est au cœur des débats. Soupçonné d’être frelaté ou d’origine douteuse, le fuel a finalement passé avec succès trois tests indépendants, réalisés à Dubaï, en Grèce et en Italie. Le ministre de l’Énergie, Joe Saddi, s’est appuyé sur ces résultats pour autoriser le déchargement, indispensable pour éviter un énième blackout national qui était prévu le 8 septembre. Mais une ombre demeure: selon plusieurs sources, le fuel proviendrait de Russie, soumise à des sanctions internationales. De son côté, le ministère dément toute illégalité, rappelant que les importations russes restent autorisées si elles respectent le mécanisme de plafonnement des prix.
L’affaire n’est que le dernier épisode d’une longue série de controverses liées toutes à la gestion du secteur de l’énergie. Rappelons, les bateaux-centrales turcs (2013-2020), loués à prix d’or dans des conditions opaques, le scandale du fuel frelaté algérien en 2020, révélant falsification de documents et corruption, et enfin les milliards engloutis depuis des décennies sans jamais assurer plus de quelques heures de courant par jour.
Le Hawk III s’ajoute donc à cette saga dans laquelle se mêlent contrats flous, luttes politiques et soupçons de corruption, pendant que les citoyens sont toujours soumis à un rationnement sévère du courant électrique.
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