Un monument parisien pour honorer les avortées clandestines mortes
Simone Veil ©Wikipédia

Un projet de monument «Aux avortées inconnues» est relancé à Paris, à l’approche des 50 ans de la loi Veil dépénalisant l’avortement. Cette initiative veut rendre hommage aux milliers de femmes mortes à la suite d’avortements clandestins avant 1975.

Vers la fin d'un «trou noir de l'Histoire»: un projet de monument dédié aux milliers de femmes mortes des suites d'un avortement clandestin en France avant 1975 refait surface, cinquante ans après la loi Veil qui a dépénalisé l'IVG.

Baptisé «Aux avortées inconnues», ce projet que ses initiatrices, personnalités et associations féministes, souhaitent voir implanter à Paris, sera officiellement présenté dimanche à l'occasion de la Journée internationale du droit à l'avortement.

«Il s'agit de rendre hommage à toutes ces femmes qui se battaient pour leur liberté et pour vivre leur vie», explique à l'AFP la cinéaste Mariana Otero, fille de la peintre Clotilde Vautier, morte en 1968 à la suite d'un avortement illégal.

«Il n'existe aucun monument de ce type dans le monde, ce serait un signal fort envoyé à toutes les femmes qui sont dans le monde entier en train de se battre pour accéder à l'avortement», ajoute la réalisatrice, qui a raconté l'histoire de sa mère dans un documentaire Histoire d'un secret sorti en 2003.

Dans le sillage du film, l'écrivaine franco-canadienne Nancy Huston salue alors dans une tribune un film «bouleversant» et émet l'idée d'une «Fondation Clotilde-Vautier, une sorte de monument à l'Avortée inconnue (martyre de sa société au même titre que le soldat inconnu)».

Cette idée est reprise par Mariana Otero, rejointe par une dizaine de personnalités parmi lesquelles l'actrice Laure Calamy, l'écrivaine et prix Nobel de littérature Annie Ernaux, ou la présidente du Planning familial Sarah Durocher.

«Tous les hommes morts à la guerre ont eu droit à leur monument, dans chaque ville, chaque village. Et c’est légitime pour se souvenir d’eux et de leurs souffrances (...) Mais qu’en est-il de toutes ces femmes qui ont eu à se battre contre» la «loi inique» de 1920 pénalisant l'avortement?, s'interrogent-elles en mai dernier en lançant une pétition.

Données parcellaires

Pour les initiatrices du projet, «on est face à un tournant mémoriel».

«Les derniers témoins sont de plus en plus âgés et vont disparaître, il y a une certaine urgence à recueillir leur mémoire», souligne l'historienne des féminismes Bibia Pavard.

Car au-delà de l'hommage en lui-même, le projet, qui sera associé à un site internet, se veut également la porte d'entrée à une collecte d'informations sur le profil des victimes et plus largement sur ce «trou noir de l'Histoire».

«Les décès liés à l'avortement étaient déclarés sous d'autres noms, par exemple péritonite ou complications gynécologiques, donc c'est difficile d'avoir les chiffres exacts, mais on estime à plusieurs milliers de décès par an», explique Bibia Pavard. Quant au profil des victimes, il reste encore «parcellaire».

Pour Mariana Otero, «ce monument va permettre que les familles, où il y a eu une mère, une sœur, une grand-mère décédée d'avortements clandestins, se disent : +c'est bon je peux raconter cette histoire+».

La question du lieu où pourrait être érigé ce monument n'a pour l'heure pas été tranchée, mais le jardin du Luxembourg au Sénat, «là où la loi féminicide de 1920», qui a interdit l'avortement, a été votée, serait «symbolique».

Reste à savoir si le projet se concrétisera – et quand. Un vœu allant dans ce sens a été déposé par la majorité municipale de gauche et adopté en Conseil de Paris en juin. Sollicité par l'AFP, le groupe d'opposition de droite a indiqué qu'il s'agissait d'un «sujet consensuel», rappelant «avoir voté pour ce vœu».

Par Marine PENNETIER / AFP

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