
Après avoir flambé à des niveaux records fin 2024, le cours du cacao s’est effondré à son plus bas depuis vingt mois. Une chute brutale qui s’explique autant par les conditions climatiques favorables en Afrique de l’Ouest que par le ralentissement de la demande mondiale. Et si cette correction annonçait un nouveau cycle pour le chocolat?
La frénésie semble retomber sur le marché du cacao. En décembre 2024, la tonne de cacao s’échangeait à près de 12.000 dollars, un record historique, dopé par la peur d’une pénurie mondiale. Mais depuis l’été 2025, la tendance s’est inversée: le cours est tombé sous les 6.000 dollars, son plus bas niveau depuis février 2024, selon les données de Bloomberg.
Ce retournement marque la fin d’un cycle spéculatif qui aura duré près de deux ans. «Les prix avaient atteint un niveau intenable à long terme», explique un analyste cité par le Financial Times, rappelant que le marché s’était emballé à la fois par crainte de mauvaises récoltes et sous l’effet de la ruée des fonds spéculatifs.
Pourquoi les prix avaient flambé?
Entre 2023 et 2024, le cacao avait connu une envolée spectaculaire, multipliant sa valeur par quatre. En cause: une série de facteurs structurels et climatiques.
En Afrique de l’Ouest, région qui fournit plus de 60% du cacao mondial, les récoltes avaient été durement affectées par les maladies des cacaoyers (notamment le swollen shoot) et par des conditions météorologiques extrêmes liées au changement climatique, indique Bloomberg.
La Côte d’Ivoire et le Ghana, premiers producteurs mondiaux, peinaient à maintenir leurs volumes. Face à cette raréfaction, les investisseurs se sont rués sur la matière première, pariant sur une hausse durable. Résultat: une bulle spéculative alimentée par l’enthousiasme des marchés, jusqu’à l’essoufflement.
Pourquoi la tendance s’est inversée?
Depuis la mi-août 2025, plusieurs signaux ont fait retomber la tension. D’abord, les pluies en Afrique de l’Ouest ont été abondantes, réduisant le risque de mauvaise récolte. Les perspectives de production pour la saison 2025-2026 se sont donc améliorées, entraînant une correction immédiate des prix. Ensuite, la demande mondiale a reculé. Bloomberg estime que les prix record de 2024 ont découragé à la fois les industriels et les consommateurs. Certains fabricants de chocolat ont adapté leurs recettes pour réduire la teneur en cacao, tandis que les consommateurs, confrontés à la hausse du coût de la vie, ont diminué leur consommation de produits chocolatés.
Enfin, les fonds spéculatifs ont accéléré la baisse: anticipant le retournement, ils ont massivement revendu leurs contrats à terme, augmentant artificiellement l’offre disponible sur le marché.
Des conséquences différées sur le chocolat
Toutefois, mauvaise nouvelle pour les amateurs de chocolat: malgré la chute des cours, les prix des tablettes et des gâteaux ne baisseront pas immédiatement. Dans la filière cacao, il existe un décalage de plusieurs mois entre l’évolution des marchés et celle des prix à la consommation. Autrement dit, le chocolat restera cher encore un moment.
Selon Bloomberg, la production mondiale pourrait dépasser la consommation d’environ 186.000 tonnes lors de la prochaine saison, soit plus du double de l’excédent de l’an dernier. Mais cela ne ramènera pas les prix au niveau d’avant 2023, lorsque la tonne oscillait entre 2.000 et 3.000 dollars. «La production ouest-africaine reste structurellement fragile», souligne le Financial Times, citant le vieillissement des plantations, le manque d’investissement et la concurrence de l’orpaillage au Ghana. Ce dernier pourrait d’ailleurs perdre sa place de deuxième producteur mondial au profit de l’Équateur, plus dynamique et mieux structuré.
Si la flambée du cacao semble derrière nous, la filière reste vulnérable. Le marché mondial entre dans une phase de rééquilibrage, où les prix pourraient se stabiliser à un niveau plus raisonnable, mais durablement élevé.
Pour les consommateurs, cela signifie un chocolat toujours coûteux, et pour les producteurs, une filière en quête de résilience face aux caprices du climat et des marchés. Alors avant de croquer dans votre carré préféré, souvenez-vous: derrière chaque douceur se cache un marché… un peu amer.
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