Le Venezuela, nouveau champ de bataille des États-Unis : pourquoi l’Iran joue un rôle clé
©Ici Beyrouth

Le Venezuela est devenu l’avant-poste iranien dans l’hémisphère occidental, une menace sécuritaire à seulement 2.200 kilomètres de Miami.

Il n’y a pas eu de déclaration officielle de guerre, pas de vote au Congrès, ni d’appel solennel à libérer un peuple de la tyrannie. Et pourtant, l’un des plus importants déploiements militaires américains dans l’hémisphère occidental depuis la guerre froide se déploie à quelques kilomètres des côtes vénézuéliennes. Washington parle d’une mission de lutte antidrogue. Caracas, elle, y voit une invasion au ralenti. La vérité est plus trouble, plus obscure, et bien plus globale. Les États-Unis se préparent à une bataille qui se joue dans les recoins cachés de l’économie souterraine, contre la tête de pont iranienne en Amérique et les financiers du Hezbollah.

En lançant cette confrontation, Washington l’a présentée comme une campagne contre le trafic de drogue, tout en s’armant d’un subtil tour juridique: requalifier les cartels en organisations terroristes. Si votre ennemi est un terroriste, nul besoin de mandat ni du Congrès ; uniquement de cibles. Désormais, des vedettes sont pulvérisées dans les eaux des Caraïbes, tandis que des drones traquent les convois le long des côtes du Venezuela. Et à chaque bateau détruit, le Pentagone affirme qu’il stoppe le flux de cocaïne. Sauf que les débris racontent parfois une autre histoire : des filets de pêche, des cales vides, et des corps que personne ne réclame.

Si cette mission concernait vraiment la cocaïne, c’est la Colombie qui devrait être dans l’œil du cyclone. Mais c’est bien le Venezuela, détenteur des plus grandes réserves pétrolières du monde et dont le président est la cible de Washington depuis des années, qui fait face à la puissance américaine. Car le pétrole n’est pas la seule raison pour laquelle la crise a shifté des sanctions aux navires de guerre. Le Venezuela n’est plus seulement un État pétrolier en crise; il est devenu l’avant-poste iranien de l’hémisphère occidental.

Des conseillers iraniens aident Caracas à construire des drones et des systèmes de missiles côtiers. Un pont aérien secret transporte du matériel sous sanctions et des technologies militaires de Téhéran à Caracas. Les deux pays contournent les sanctions à travers des échanges pétrole-contre-or. Aux yeux de Washington, ce n’est pas seulement un acte de défiance; c’est une menace sécuritaire à 2.200 kilomètres de Miami.

Renverser le président Nicolás Maduro, et l’Iran perdrait son dernier bastion majeur sur le continent américain. Le maintenir au pouvoir, et un axe hostile mené par Téhéran gagnerait en portée. Entre alors en scène le Hezbollah, ce réseau fantôme. Sa présence en Amérique latine n’a rien d’un cliché hollywoodien de cartel en turbans: elle est plus subtile, davantage financière que militaire, mais d’une redoutable fluidité.

Ce qui attire le Hezbollah au Venezuela, ce n’est pas l’idéologie, mais bien le chaos. La corruption rend les frontières poreuses. De petits ports deviennent des blanchisseries de cash. Les marchés de cryptomonnaies offrent des sorties propres à l’argent sale. Là où la contrebande est facile, la finance illicite l’est encore plus. Le rôle du Hezbollah n’est pas de commander des cargaisons de drogue, mais de faire disparaître l’argent.

Une guerre silencieuse est en cours contre la finance parallèle. La stratégie américaine ne vise plus uniquement à intimider, mais à asphyxier: détruire les bateaux qui alimentent l’économie de l’ombre, geler les avoirs des trafiquants liés au régime, traquer les intermédiaires financiers reliant cartels et Hezbollah, et rendre le Venezuela trop coûteux à entretenir pour l’Iran. En rompant les circuits de la finance illicite, ces alliances s’effondreront. Pas besoin de missiles.

Les États-Unis s’apprêtent-ils pour autant à une guerre ouverte? Pas encore.

Il s’agit d’un changement de régime par coercition, sous couvert de lutte antiterroriste. Une partie d’échecs pétrolière où l’Iran cache sa tour derrière un navire de contrebande. La première escarmouche d’un futur où criminalité, terrorisme et géopolitique se fondent en un seul champ de bataille.

Si l’escalade militaire devait survenir, elle ne commencerait pas par une invasion, mais plutôt par une erreur. Le vrai danger ne réside pas dans un débarquement spectaculaire ni dans un tir de missile vénézuélien, mais dans un banal incident: un patrouilleur vénézuélien s’approchant trop, par inadvertance, d’un destroyer américain. Un tir de sommation, un tir direct, une riposte… et la crise se mue en une guerre que personne ne voulait. Pendant ce temps, les Vénézuéliens, affamés, épuisés, désespérés, se soucient moins de géopolitique que de leur prochain repas. Leur crise est déjà assez catastrophique sans les cuirassés.

Une fois l’étincelle allumée, ce n’est peut-être pas le Moyen-Orient, mais les Caraïbes, qui deviendront la ligne de front du prochain grand conflit américain.

Commentaires
  • Aucun commentaire