Le Liban se retrouve une nouvelle fois au cœur d’une affaire sensible qui le lie à l’après-Assad. Un an après la chute du régime syrien, survenue le 8 décembre 2024, Beyrouth est de nouveau appelée à coopérer avec la justice internationale. L’objectif ? Retrouver plusieurs hauts responsables du système sécuritaire syrien, soupçonnés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité et qui auraient trouvé refuge au Liban dans les jours, voire les mois ayant suivi l’effondrement du pouvoir à Damas.
Selon des informations qu’Ici Beyrouth a pu confirmer auprès de sources judiciaires, la justice française a adressé lundi une commission rogatoire internationale au procureur général près la Cour de cassation, le juge Jamal Hajjar, afin de solliciter la collaboration des autorités libanaises dans la localisation, l’arrestation et la remise à Paris de trois figures du renseignement syrien. Il s’agit du général Jamil Hassan, ancien chef des renseignements de l’armée de l’air syrienne de 2009 à 2019, du général Ali Mamlouk, ancien directeur de la Sécurité nationale, et du général Abdel Salam Mahmoud, responsable de la branche d’enquête au sein du renseignement de l’armée de l’air.
Ainsi sollicité, le juge Hajjar a chargé les services de renseignement des Forces de sécurité intérieure (FSI) de vérifier la présence des trois hommes au Liban et de contrôler leurs éventuelles entrées et sorties du territoire. C’est ce que, du moins, a pu apprendre Ici Beyrouth de source sécuritaire. La commission rogatoire française mentionnerait également plusieurs numéros de téléphone libanais en contact régulier avec les personnes recherchées -un élément que les enquêteurs libanais s’apprêtent à analyser techniquement.
Des officiers déjà dans le viseur de la justice internationale
Les autorités libanaises n’en sont pas à leur première alerte concernant ces trois hommes. En décembre 2024, Beyrouth avait déjà reçu une notice rouge d’Interpol visant Jamil Hassan, recherché par les États-Unis pour crimes de guerre et actes de torture. Quelques mois plus tôt, en mai 2024, la cour d’assises de Paris l’avait condamné par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité de crimes contre l’humanité, dans le dossier de Mazen et Patrick Abdelkader Dabbagh, un père et un fils franco-syriens morts sous la torture dans les geôles syriennes en 2013. Si aucune trace officielle de son entrée au Liban n’a été enregistrée, plusieurs sources affirment que Jamil Hassan pourrait se cacher sur le territoire, sous la protection d’alliés du régime.
Concernant Ali Mamlouk, et selon une source sécuritaire libanaise contactée par Ici Beyrouth, celui-ci aurait quitté Damas dès la chute du régime, traversant le Liban avant de gagner l’Irak. Ce passage aurait, selon cette même source, été facilité par des membres du Hezbollah, en échange d’importantes sommes d’argent.
Ces affirmations n’ont jamais pu être formellement confirmées, mais elles auraient conduit à des enquêtes internes et à la suspension de plusieurs officiers libanais soupçonnés de négligence ou de complicité passive.
Toutefois et face à la montée des interrogations, la Sûreté générale et les Forces de sécurité intérieure avaient procédé au renforcement de leurs dispositifs de contrôle aux principaux points de passage frontaliers, notamment à Masnaa et Jdeidet Yabous, afin d’empêcher toute infiltration d’anciens responsables syriens ou de leurs proches.
Malgré cela, des responsables sécuritaires reconnaissent aujourd’hui que des traversées illégales demeurent possibles, notamment dans les secteurs frontaliers sous influence du Hezbollah, où l’État conserve une marge d’action limitée.
Même si aucune confirmation officielle ne permet, à ce stade, d’affirmer que les trois responsables syriens se trouvent au Liban, l’affaire n’en est pas moins relancée.




Commentaires