Hezbollah: la lettre de trop
Le Hezbollah persiste à rejeter toute remise en cause de son arsenal, au nom de la «résistance» et de la «souveraineté nationale». ©Al-Markazia

Le Hezbollah a publié jeudi une «lettre ouverte» sans précédent, adressée au président Joseph Aoun, au président du Parlement Nabih Berri, au Premier ministre Nawaf Salam, ainsi qu’au peuple libanais. Le texte se présente comme un message politique solennel en défense de la souveraineté et de l’unité du Liban. Pourtant, derrière son langage policé sur le «consensus national» et la «protection de la stabilité», la déclaration révèle la défiance persistante du parti envers l’autorité de l’État et ses contradictions internes profondes.

Cette «lettre ouverte», tactique utilisée pour la première fois, coïncide avec un point d’étape prévu jeudi après-midi par le gouvernement libanais sur l’avancement du plan de l’armée visant à désarmer le Hezbollah.

Israël a intensifié ces derniers jours ses attaques, affirmant vouloir empêcher le mouvement chiite de reconstituer ses capacités militaires. Dimanche, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a accusé le Hezbollah de chercher à se «réarmer», tandis que le ministre de la Défense, Israel Katz, a critiqué le président Joseph Aoun, l’accusant de  «traîner les pieds » concernant le désarmement du groupe.

Le président Aoun a réitéré mardi sa volonté de négocier avec le gouvernement israélien, affirmant qu’Israël n’a pas répondu et «poursuit ses attaques».

Le Hezbollah campe donc sur ses positions et s’érige en gardien autoproclamé de la souveraineté nationale et  rejette toute idée de négociation avec Israël, qu’elle décrit comme «une pente glissante».

Elle dénonce également la volonté du gouvernement d’aborder la question du monopole des armes dans le cadre des discussions autour du cessez-le-feu conclu sous l’égide de l’envoyé américain, Amos Hochstein.

Sous couvert de patriotisme et de résistance, le Hezbollah y réaffirme son refus de toute remise en cause de son arsenal, qu’il présente comme un «droit légitime» et un pilier de la «protection de la souveraineté». Dans cette lettre truffée de références à la «dignité nationale» et à «l’agression sioniste», la milice transforme, encore une fois, le Liban en otage de sa propre idéologie.

Le ton est sans équivoque. «Se laisser entraîner dans les pièges des négociations proposées ne ferait qu’accroître les gains de l’ennemi israélien. Face à cet ennemi brutal, soutenu par le tyran américain, aucune manœuvre ni compromis n’est envisageable».

Autrement dit, le Hezbollah récuse tout dialogue, même indirect, avec Israël, y compris ceux engagés par l’État libanais dans le cadre du mécanisme de cessation des hostilités. 

Le message est donc clair: le Hezbollah ne compte pas se plier aux décisions du gouvernement, ni reconnaître le principe élémentaire d’un monopole étatique de la force. En instrumentalisant la question du cessez-le-feu et en rejetant d’avance tout cadre de négociation, il sape les efforts d’un État déjà affaibli, tout en continuant de confisquer la souveraineté nationale à son profit.

Il faut dire que derrière le vernis rhétorique, celui de la «défense de la patrie», se profile une constante. Celle selon laquelle le Hezbollah se considère comme une entité à part, supérieure aux institutions, libre de décider seule de la guerre et de la paix. En affirmant que «la décision de se défendre ne relève ni d’une décision pour la paix ni d’une décision pour la guerre», la formation pro-iranienne admet, sans détour, qu’il agit en dehors de tout cadre étatique.

Cette posture, au moment même où Beyrouth tente laborieusement de consolider un cessez-le-feu et de rouvrir la voie à une stabilité fragile, sonne comme une provocation. Alors que la communauté internationale presse le Liban d’unifier ses institutions et de reprendre le contrôle de son territoire, le Hezbollah, lui, s’obstine à imposer son propre agenda.

En se drapant dans le manteau de la «résistance», le parti s’accroche à un rôle qui relève désormais moins de la défense nationale que d’un pouvoir parallèle, verrouillant tout progrès politique.

Le message adressé à l’État est limpide: il n’y aura ni désarmement, ni compromis, ni retour à une souveraineté pleine et entière.

Et pendant que le Hezbollah proclame son attachement à la «stabilité du Liban», c’est bien cette stabilité qu’il compromet, en empêchant l’État de parler d’une seule voix et d’exercer son autorité sur tout son territoire.

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