Basket - Mondial 2027 : le Liban tremble, Khayat tranche
Youssef Khayat, « sauveur » du soir, juste après son lay-up décisif qui redonne l’avantage au Liban à 17 secondes du buzzer. ©@fiba.basketball

Mené de dix, revenu de nulle part, bousculé jusqu’à la dernière possession : le Liban a lancé sa campagne de qualifications pour le Mondial 2027 par un succès au bord du précipice face au Qatar (75-74) à Lusail. Un thriller à un point, 16 changements de leader et un héros en guise de conclusion : Youssef Khayat. Pour Ahmad Farran, nommé récemment à la tête de la sélection, c’est une première victoire aussi « moche » que précieuse.

À Doha, le script avait tout pour virer au piège parfait. En face, un Qatar déjà qualifié d’office pour le Mondial 2027 en tant que pays hôte, mais en pleine « résurgence » et bien décidé à envoyer un message au reste de l’Asie. De l’autre côté, un Liban favori sur le papier, 30e au ranking FIBA, nouveau sélectionneur sur le banc, équilibre à trouver et obligation de bien démarrer la fenêtre 1. Sur le parquet du Lusail Multipurpose Hall, l’affiche a tenu toutes ses promesses : une première mi-temps maîtrisée, un dernier quart d’alarme générale, et au bout du compte une victoire à l’arracher qui en dit long sur le caractère de ce groupe.

Un début de match façon rouleau compresseur

Dès l’entre-deux, le Liban impose sa loi. Défense agressive, rebond sécurisé, attaques propres : les coéquipiers de Wael Arakji étouffent les locaux. Le premier quart est à sens unique, 21-9 pour les visiteurs, avec un Qatar cantonné à des tirs compliqués et incapable de trouver son rythme.
Le deuxième quart voit logiquement une réaction des hommes de Hakan Dakir. Plus tranchants vers le cercle, plus inspirés en attaque, les Qatariens inscrivent 17 points contre seulement 12 pour le Liban. À la pause, l’écart se réduit (33-26), mais les hommes du Cèdre donnent encore l’impression de gérer : la mécanique tourne, le plan de match tient, la salle bouillonne mais le tableau d’affichage reste favorable.
Au retour des vestiaires, la partie change d’âme. Brandon Goodwin, meneur US de la sélection qatarienne, commence à prendre feu. Drives agressifs, tirs difficiles convertis, lecture juste du pick-and-roll : Lusail se réveille. Le troisième quart se termine pourtant à égalité (17-17), et le Liban aborde la dernière période avec sept longueurs d’avance (50-43). On croit alors à une fin de match contrôlée. On se trompe.

Le trou noir et le show Goodwin

Début du quatrième quart : le Liban pousse son avantage à +10, comme pour plier définitivement l’affaire. Puis tout bascule. En moins de deux minutes, Qatar aligne un 13-0 express. La défense libanaise craque, l’attaque se grippe, les pertes de balle s’enchaînent. Le public bascule dans le match, Goodwin devient injouable, et les locaux prennent trois points d’avance.
À partir de là, c’est un véritable bras de fer psychologique. FIBA parlera de 16 changements de leader sur l’ensemble de la rencontre : une statistique qui résume parfaitement ce money-time irrespirable. Chaque possession vaut de l’or, chaque lancer-franc ressemble à une balle de match. Le Liban recolle, repasse devant, se fait rejoindre, repart. Qatar répond à chaque tentative de break, porté par un Goodwin incandescent, auteur de 17 points dont une grosse partie après la pause.

Khayat, un lay-up pour l’histoire

Et puis vient cette fameuse action, à 17 secondes du buzzer. Le score est à l’équilibre, le temps s’étire. Le ballon arrive dans les mains de Youssef Khayat. Après une première mi-temps compliquée – « J’ai fait une mauvaise première période, j’ai dû beaucoup m’appuyer sur mes coéquipiers en fin de match », dira-t-il – l’ailier libanais attaque le cercle, se faufile dans la raquette et dépose un lay-up acrobatique qui redonne un point d’avance au Liban. Un simple panier à deux points sur la feuille, un basculement immense dans la tête des deux équipes.
Il reste une ultime possession à défendre. Qatar pose son système pour aller chercher le panier de la gagne, Goodwin et ses partenaires tentent d’arracher la décision, mais le rideau libanais se referme : bonne aide, bonne contestation, pas de tir propre. Le ballon ne rentre pas, la sirène retentit, et le Liban s’en sort 75-74. Un « cliffhanger » de plus entre ces deux équipes, après déjà plusieurs fins folles ces derniers mois.

Arakji en patron, Goodwin en poison

Sur la ligne de statistiques, les leaders ont répondu présent. Côté libanais, Wael Arakji signe un match de patron : 19 points, 7 rebonds, 2 passes, des tirs importants dans les moments chauds et une présence permanente pour calmer le jeu quand tout s’emballe. Autour de lui, la rotation a tenu le choc : Dedric Lawson (9 points, 12 rebonds) a régné au rebond, Ali Haidar (10 points, 4 rebonds) a apporté sa patte dans la peinture, tandis que Khayat (9 points, 6 rebonds), Karim Zeinoun (9 points, 4 rebonds), Gerard Hadidian (8 points) et Sergio El Darwich (7 points, 5 rebonds, 6 passes) ont tous ajouté une brique essentielle au succès final.
En face, Brandon Goodwin a incarné le danger permanent. Si Qatar s’accroche, revient et frôle l’exploit, c’est en grande partie grâce à lui. 17 points, l’essentiel après la pause, une capacité à renverser le momentum quasiment à lui seul. À ses côtés, le meneur Moustafa Fouda résumera la soirée d’une phrase lucide : « Nous avons vraiment bataillé pendant 40 minutes, même si on a commencé lentement. Ça s’est joué sur des petits détails, peut-être un peu de chance à la fin. »

Les chiffres confirment l’intensité

Les stats racontent, elles aussi, un match de haute tension. Le Liban tire mieux (42 % contre 37 %), domine le rebond (45-40), mais laisse Qatar briller dans l’activité sur lignes de passe (17 passes décisives et 16 interceptions côté qatarien, contre 15 et 9 pour le Liban). Signe d’un duel où chaque erreur se payait cash, d’un côté comme de l’autre.

FIBA parlera d’un match « appelé à entrer dans les annales des Asian Qualifiers ». Et difficile de les contredire : un comeback furieux, un finish à un point, un jeune ailier qui prend ses responsabilités dans le clutch, un favori qui vacille mais ne tombe pas.

« Une victoire moche », mais une victoire fondatrice

Au coup de sifflet final, Ahmad Farran ne cherche pas à maquiller la réalité : « Grâce à Dieu pour cette victoire… C’est une victoire moche, mais on la prend n’importe quel jour. C’est un bon début pour notre campagne. C’est ma première victoire en carrière comme coach de la sélection, donc elle compte énormément pour moi. »
Une victoire moche, certes, mais souvent, ce sont celles-là qui forgent les campagnes. Celles où l’équipe ne déroule pas, encaisse des runs, frôle la catastrophe mais trouve malgré tout une façon de s’en sortir. « Lebanon will always find a way to win », conclut FIBA. Le Liban, encore une fois, a prouvé qu’il savait gagner même quand le basket n’est pas parfait.
Qatar, lui, envoie un autre type de message. Déjà qualifié pour 2027, le pays hôte montre qu’il ne se contentera pas d’organiser. « Notre objectif est de placer le basket qatari au plus haut niveau en Asie », annonce le coach Hakan Dakir. Vu la copie rendue face à l’un des gros bras du continent, les autres nations sont prévenues : cette équipe-là ne sera pas un simple figurant à domicile.

Rendez-vous à Zouk Mikaël 

Rendez-vous maintenant à la maison, dimanche 30 dans la bouillante salle Nohad Nawfal à Zouk Mikaël, pour l’acte II face au Qatar. Là, il ne s’agira plus de vivre sur un point en or, mais de transformer cette courte marge en vraie démonstration de force. Car si le Liban veut viser grand d’ici 2027, il devra prouver qu’il sait faire autre chose que gagner à l’arraché : imposer son tempo, son basket… et rappeler à toute l’Asie qu’un Cèdre, quand il prend racine, n’a pas vocation à vaciller.

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