Nawaf Salam est un menteur, ne le croyez pas !
©Ici Beyrouth

Le peuple libanais a observé avec stupéfaction l’enthousiasme débordant du Premier ministre, Nawaf Salam, au moment d’annoncer l’adoption par son gouvernement du projet de la Gap Law, que l’on pourrait justement qualifier de loi organisant la « faillite des déposants ».

Une fois de plus, M. Salam et les ministres ayant voté en faveur de ce texte se sont pliés aux diktats du Fonds monétaire international (FMI), qui conditionnait son adoption avant la fin de l’année, à n’importe quel prix, même si ce prix devait être supporté exclusivement par les déposants.

Le texte adopté par le gouvernement est en totale contradiction avec le discours tenu par M. Salam ainsi qu’avec les promesses répétées du ministre des Finances, Yassin Jaber, et du ministre de l’Économie, Amer Bsat. Loin de constituer une solution équilibrée, ce projet de loi ouvre la voie à une véritable hécatombe financière et bancaire, dont les déposants feront les frais.

M. Salam a affirmé que 85 % des déposants récupéreraient l’intégralité de leurs fonds. Avant de l’applaudir, qu’il explique clairement d’où proviendront ces fonds. Selon le projet de loi, 85 % des déposants ont des comptes inférieurs à 100 000 dollars, et le coût de la couverture de ces dépôts atteint 22 milliards de dollars. M. Salam a-t-il sécurisé ces fonds qu’il promet de restituer sur une période de quatre ans ? Bien sûr que non.

La loi « Salam, Souhaid, Bsat » fait supporter aux banques l’essentiel de cette charge, sans qu’aucune évaluation exhaustive de la liquidité réellement disponible n’ai été menée, ni qu’aucun test de résistance et de stress n’ait été effectué pour vérifier la capacité de la BDL et du secteur bancaire à absorber un tel choc.

Or, la liquidité nette disponible dans l’ensemble du secteur bancaire ne dépasse pas 6,5 milliards de dollars, et ce même dans l’hypothèse extrême de la vente de l’ensemble des actifs et filiales à l’étranger. Dans le même temps, les engagements dépassent largement les 22 milliards de dollars. La BDL, de son côté, dispose d’environ 12 milliards de dollars de réserves liquides. Toutefois, 11,3 milliards de ces montants correspondent à des réserves obligatoires, qui sont en réalité des dépôts des banques. Cela soulève une question centrale : comment ces fonds sont-ils comptabilisés et quel rôle réel jouent-ils dans le mécanisme de remboursement promis ?

Il convient ici de rappeler un point juridique fondamental inscrit dans l’article 13 du Code de la monnaie et du crédit. Les placements des banques auprès de la BDL sont considérés comme des opérations commerciales distinctes et indépendantes. Il s’agit d’engagements de la banque centrale envers les banques commerciales, qui ne peuvent en aucun cas être intégrés dans une équation de restructuration de la dette publique.

D’où viendra donc l’argent ? La réponse est limpide : Nawaf Salam est un menteur, ne le croyez pas.

Les promesses de M. Salam relatives au remboursement de 85 % des dépôts sur une période de quatre ans sont mensongères. Le gouverneur de la BDL, Karim Souhaid, a confirmé que le calendrier proposé pour le remboursement de la partie liquide des dépôts est ambitieux et pourrait, si nécessaire, être révisé, ce qui signifie que la période de quatre ans pour rembourser 100 000 dollars pourrait aisément s’étendre à 5, 6, 10 ans, voire davantage.

M. Souhaid a même précisé que le remboursement des dépôts constitue un droit légal inaliénable, et non un choix politique ou une mesure discrétionnaire. Cependant, l’exercice de ce droit nécessite un plan de remboursement crédible, reposant sur la disponibilité des actifs, l’existence d’une liquidité réelle et un calendrier de remboursement techniquement réalisable. En l’absence de liquidité, comment les dépôts seront-ils remboursés ? Nawaf Salam est un menteur, ne le croyez pas.

M. Salam a également affirmé que les obligations qui seront remises aux déposants dont les avoirs dépassent 100 000 dollars ne sont pas de simples promesses sur papier, mais qu’elles seraient garanties par 50 milliards de dollars provenant des actifs de la BDL. Selon le projet de loi, les montants excédant ce seuil seraient convertis en instruments financiers à long terme, sur des maturités de 10 à 20 ans, et garantis par des actifs de la BDL. M. Salam a déclaré : « Nous ne vendons pas l’or et nous ne le mettons pas en gage. Pour éviter tout abus, nous avons prévu dans le projet de loi une protection de l’or. »

Dès lors, une question s’impose : d’où proviendront concrètement les garanties dont vous parlez, monsieur le Premier ministre ? Le projet de loi prévoit l’émission par la BDL de certificats financiers représentant le solde des dépôts moyens, importants et très importants, garantis par les revenus des actifs détenus par la BDL, ainsi que par les produits de la liquidation éventuelle de ces actifs. Cela inclut les revenus des marchandises et des métaux précieux, les réserves d’or, le portefeuille immobilier, les participations dans diverses sociétés, les revenus des créances souveraines et privées dues à la BDL, ainsi que les soldes de trésorerie et les réserves disponibles.

Mais le Premier ministre a omis de préciser que ces obligations sont négociables et qu’il est extrêmement difficile d’en déterminer la valeur. Elles ne bénéficient d’aucune garantie et reposent uniquement sur les revenus de la BDL. Par conséquent, le remboursement effectif des droits des déposants reste, au mieux, hautement incertain.

Le projet prévoit enfin que ces obligations soient garanties par les soldes de trésorerie et les réserves disponibles. Or, ces réserves, estimées aujourd’hui à environ 12 milliards de dollars, incluent près de 11,4 milliards de dollars de réserves obligatoires que la BDL entend utiliser pour couvrir sa part du plan — des fonds qui correspondent en réalité aux dépôts des banques, donc aux économies des déposants. Ainsi, ces mêmes dépôts serviraient à financer le remboursement des premiers 100 000 dollars par déposant.

Aucune réduction de la valeur des placements des banques commerciales auprès de la BDL, ni aucun effacement partiel de ces créances, ne saurait être qualifiée de mesure technique anodine. Il s’agit bel et bien d’une confiscation indirecte de l’épargne. Et, une fois l’opération achevée, il ne restera rien de ces fonds.

Salam, grisé par souffle de victoire aussi fragile qu’illusoire après le vote de son gouvernement en faveur de la loi dite de la « gap financière », semble ne pas avoir pris la peine d’en examiner attentivement les dispositions. Le chef du gouvernement affirme qu’il est faux de parler de « quitus général ». Pourtant, la réalité juridique est toute autre : le projet de loi n’impose nullement à l’État, de manière claire et explicite, le remboursement de ses dettes envers la Banque du Liban, estimées à environ 16,5 milliards de dollars hors intérêts, et près de 21 milliards intérêts compris.

Pire encore, le texte proposé est dépourvu de tout caractère contraignant, étant donné qu’il conditionne le remboursement au principe de « soutenabilité de la dette publique », sans échéancier précis ni mécanisme opérationnel clairement défini. Dès lors, comment un projet de loi censé combler la faille financière peut-il faire abstraction de l’application de l’article 113 du Code de la monnaie et du crédit, lequel stipule sans équivoque que les pertes de la Banque du Liban doivent être couvertes par le Trésor public ? La réponse est limpide : Nawaf Salam ment. Ne le croyez pas.

Le projet de loi du gouvernement Salam vise, en réalité, à effacer 35 milliards de dollars appartenant aux déposants, sous le prétexte fallacieux de réduire l’ampleur de la faille financière. Comment peut-on adopter un texte qui criminalise une large frange de déposants ayant pourtant respecté les circulaires de la Banque du Liban ? Ces derniers ont converti leurs avoirs de la livre au dollar avec l’aval explicite de la Banque centrale, pour un montant total avoisinant les 15 milliards de dollars. La loi pénalise ainsi toute personne ayant converti plus de 100 000 dollars, y compris lorsqu’il s’agit d’indemnités de fin de service. Quelle faute le déposant a-t-il commise ? Aucune. Il s’est contenté d’appliquer les décisions officielles. Peut-on encore parler, dans ces conditions, de justice sociale ? La réponse est claire : Nawaf Salam ment. Ne le croyez pas.

Le texte de loi est explicite : la hiérarchie de répartition des pertes commence par les banques, via l’effacement de leurs fonds propres et de leurs capitaux. Autrement dit, aucune banque libanaise ne pourra survivre à un tel traitement. Il faudra donc dire adieu à ces établissements, et avec eux, aux dépôts des épargnants. Plus absurde encore, la loi exige ensuite des banques qu’elles procèdent à leur recapitalisation. Avec quels moyens ? De quel délire législatif s’agit-il ? Qui viendra injecter de nouveaux capitaux dans un secteur dont la loi elle-même a détruit les fonds existants, au nom d’une faille financière dont les banques ne portent qu’une part limitée de responsabilité ? Là encore, la réponse s’impose : Nawaf Salam ment. Ne le croyez pas.

Pardon, monsieur le président du Conseil, mais la loi que vous encensez réduit des décennies de responsabilités étatiques — gaspillage, corruption, subventions anarchiques, stabilisation artificielle du taux de change, milliards engloutis dans l’électricité, défaut de paiement — à un unique article de sept lignes. On y reconnaît « en principe » l’existence d’une dette de l’État envers la Banque du Liban, tout en la subordonnant au respect de la soutenabilité de la dette publique. En clair, le gouvernement se réserve le droit de déterminer l’existence de cette dette même et son montant, à un niveau minimal. Celle-ci serait ensuite convertie en obligation de long terme, assortie d’un taux d’intérêt négocié entre l’État et la Banque centrale. Dans les faits, ce titre n’aura aucune valeur réelle, pas plus que les intérêts qui y seront associés : de simples écritures comptables sans effet tangible.

Non, monsieur le Premier ministre, personne ne cherche à semer la confusion parmi les déposants. Personne, sinon vous, ne tente de jeter de la poudre aux yeux. Votre seul objectif est d’affirmer devant le Fonds monétaire international : « Oui, nous avons exécuté vos ordres », quel qu’en soit le prix — fût-ce l’argent des déposants.

 

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