L’Accord sur la délimitation des frontières maritimes entre le Liban et Israël est historique par l’ampleur des concessions concédées par le Liban qui, en termes de droit international, portent sur plusieurs points, dont deux attirent particulièrement l’attention par leur gravité. En reconnaissant la « ligne des bouées ». Le Liban accepte de facto, fut-ce temporairement, que le point de départ terrestre du tracé de sa frontière maritime avec Israël soit déplacé au nord du cap de Naqoura, reconnaissant de manière tacite qu’une partie de ses eaux territoriales demeure sous occupation. Ceci fait tomber, ipso facto, l’argument du Hezbollah en faveur de la résistance à Israël.
L’Accord sur la délimitation de la frontière maritime entre le Liban et Israël est célébré comme un événement « historique » par les deux parties concernées, ainsi que par l’administration américaine qui a joué le rôle de médiateur. La lecture des termes de l’Accord indique, en revanche, que ce qui peut être qualifié d’historique consiste surtout en l’ampleur des concessions qui ont été faites, sans contre- partie suffisante, par le Liban au détriment de ses propres intérêts, économiques notamment. Il s’agit plutôt d’un accord déséquilibré, en défaveur du pays du Cèdre. Plusieurs points (non exhaustifs) peuvent être cités à titre d’exemples.
Selon une optique relative au Droit de la mer.
En abandonnant la ligne maritime 29 pour la seule ligne 23, le Liban n’obtient que la majeure partie d’un gisement potentiel d'hydrocarbures « de viabilité commerciale actuellement inconnue » (gisement de Cana) et renonce définitivement (Section 1.E ; Section 3.C de l’Accord) à un gisement (Karish) prêt à l’exploitation commerciale, dont la contenance est estimée entre 2 à 3 trillions de pieds cubes.
Par ailleurs, dans sa Section 2.E, l’Accord donne pratiquement un droit de veto à Israël en amont de l’exploitation éventuelle du gisement de Cana par le Liban. Israël et l'opérateur du bloc 9 doivent signer un accord financier avant la décision finale d'investissement de l'opérateur du bloc 9.
Tracé des frontières entre le Liban et l'Etat hébreu
La Section 2.C de l’Accord prive le Liban (ainsi qu’Israël) de son droit de choisir des sociétés nationales (libanaises en l’occurrence) pour l’exploration et l’exploitation du gisement potentiel, tout en soumettant ce droit à la nécessité de se conformer aux intérêts américains (sociétés non soumises à des sanctions internationales).
Selon l’optique du Droit des conflits armés
Il s’agit du jus in bello ou droit qui réglemente la manière dont la guerre est conduite, qui nous intéresse particulièrement dans ce qui suit.
En effet, aux termes de la Section 1.B du dit accord, «Jusqu'à ce que cette zone soit délimitée, les Parties conviennent que le statu quo près du rivage, y compris tout le long et tel que défini par l’actuelle ligne des bouées, demeure le même, nonobstant les positions juridiques divergentes des parties dans cette zone qui demeure qui demeure non délimitée».
Certes, il est important de noter qu’en ajournant la question de la délimitation de cette zone, le Liban n’accepte aucune annexion par Israël d’une partie de ses eaux territoriales que l’État hébreu occupe actuellement. D’ailleurs, il est opportun de rappeler que toute annexion d’un territoire occupé est contraire au droit international, notamment à la Charte de l’ONU (art. 2 (4)), ainsi qu’aux normes impératives du droit international (jus cogens) et aux obligations découlant du droit international humanitaire.
Les lignes frontalières de la négociation
Il n’en demeure pas moins que l’article sus- mentionné, relatif à la ligne des bouées, comporte principalement deux concessions assez dangereuses faites de la part du Liban («a» et «b» ci-après). Elles demeurent intrinsèquement liées l’une à l’autre, la deuxième découlant de la première.
a) «Mise en veille» de l’uti possidetis
En acceptant d’ajourner, aux termes de la Section 1.B de l’Accord, la question de la délimitation de la zone y relative, le Liban accepte ainsi de facto, temporairement, la ligne des bouées comme ligne frontalière maritime, et ce au lieu du point B1 comme point de départ terrestre du tracé de ladite frontalière. Ce point B1, situé plus au Sud de la ligne des bouées, est mentionné dans «L'échange de notes comportant un accord entre les gouvernements britanniques et français concernant le tracé de la frontière syro-palestinienne entre la Méditerranée et El-Hammé, dit Accord Paulet- Newcombe, du 7 Mars 1923.
Accord Paulet-Newcombe délimitant la frontière entre le Liban et la Palestine
L’Accord Paulet- Newcombe est un élément essentiel de l’uti possidetis juris dans cette région du monde. Son tracé fut établi au temps du mandat français au Liban et en Syrie, ainsi que du mandat britannique en Palestine et en Irak, par le lieutenant-colonel français N. Paulet et le lieutenant-colonel Britannique S.F. Newcombe, D’ailleurs, l’Accord d’armistice libano- israélien du 23 Mars 1949 se base expressément sur l’Accord Paulet- Newcombe.
Concernant le principe de l’uti possidetis juris, la Cour internationale de justice (CIJ) considère, dans son arrêt du 22 Déc. 1986 portant sur l’Affaire du différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), que «sous son aspect essentiel, ce principe vise, avant tout, à assurer le respect des limites territoriales au moment de l'accession à l'indépendance» (Rec. p. 566). Dans la conception initiale du principe, «ces limites territoriales pouvaient n'être que des délimitations entre divisions administratives ou colonies, relevant toutes de la même souveraineté. Dans cette hypothèse, l'application du principe de l'uti possidetis emportait la transformation de limites administratives en frontières internationales proprement dites» (Rec. p. 566); «Son but évident est d’éviter que l’indépendance et la stabilité des nouveaux États ne soient mis en danger» (Rec. p. 565). D’ailleurs, selon les professeurs Daillier, Forteau et Pellet, «Solution favorable au statu quo ante, ce principe vise à «geler» les contentieux territoriaux et à contribuer à la limitation des tensions» .
Mais dans le même arrêt, la CIJ donne à l’uti possidetis une conception plus large, et ce en l’assimilant au principe de l’intangibilité des frontières. «En tant que principe érigeant en frontières internationales d'anciennes délimitations administratives établies pendant l'époque coloniale, l'uti possidetis est donc un principe d'ordre général nécessairement lié à la décolonisation où qu'elle se produise. Les limites territoriales dont il s'agit d'assurer le respect peuvent également résulter de frontières internationales ayant formé séparation entre la colonie d'un État et la colonie d'un autre État, ou entre le territoire d'une colonie et celui d'un État indépendant ou d'un État soumis à protectorat mais ayant conservé sa personnalité internationale. Or l'obligation de respecter les frontières internationales préexistantes en cas de succession d’États découle sans aucun doute d'une règle générale de droit international, qu'elle trouve ou non son expression dans la formule uti possidetis» (Rec. p. 566).
Il s’en suit, aux termes de la Section 1.B du récent Accord sur la délimitation de la frontière maritime entre le Liban et Israël, qu’en renonçant de facto, fut-ce temporairement, au point B1 retenu par l’Accord Paulet- Newcombe, le Liban renonce également, de facto, par ce nouvel Accord, tout aussi temporairement, à l’uti possidetis juris comme principe de délimitation de ses propres frontières.
Ceci n’est pas sans poser de sérieux problèmes dans l’avenir, notamment en ce qui concerne le tracé des frontières terrestres entre le Liban et Israël qui chercherait à accaparer une zone stratégique par le déplacement du point B1 vers le nord. Ainsi, au lieu que la zone adjacente à Ras Naqoura par le sud - connue sous le nom de zone de Rosh Hanikra - soit sous le regard de l'armée libanaise, c’est alors toute la côte s'étendant de Naqoura à Tyr, voire au-delà, qui se retrouverait placée sous le regard direct de l'armée israélienne.
Fontière libano-israélienne au cap de Naqoura
b) «Mise en veille» du droit de lutter contre l’occupation
Il s’agit d’un point qui découle du premier, mais qui est plus d’actualité. Il concerne plus le présent et non seulement l’avenir et pourrait être plus grave encore. En acceptant temporairement le statu quo (ligne des bouées) unilatéralement imposé, en violation de l’uti possidetis (ligne B1 de l’Accord Paulet- Newcombe) par Israël depuis son retrait en 2000, le Liban accepte ainsi tacitement de renoncer, fut-ce temporairement, à son droit de lutter contre l’occupation israélienne d’une partie de ses eaux territoriales, notamment dans la zone d’environ 3 km2 située entre la ligne des bouées au nord et la ligne partant du point B1 au Sud. Ainsi, le concept de résistance, pierre anguolaire du Hezbollah perd sa raison d'être.
L’article 4 A.2) de la troisième Convention de Genève, relative au traitement des prisonniers de guerre, du 12 Août 1949 (ratifiée par le Liban et Israël) reconnait le droit aux mouvements de résistance de lutter contre l’occupation militaire étrangère de leur territoire. Il en est de même de l’article 1.4 du premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux du 8 Juin 1977, ratifié par le Liban et non par Israël pour des raisons évidentes ; mais nombre de ses dispositions font désormais partie du droit international impératif- jus cogens.
Or, l’engagement de la part du Liban, aux termes de la Section 1.B du récent Accord libano- israélien, à ce que «le statu quo près du rivage, y compris tout le long et tel que défini par l’actuelle ligne de bouées, demeure le même» et ce «jusqu'à ce que cette zone soit délimitée», sous- entend que tout acte de lutte contre l’occupation militaire de cette zone constituera une violation de ce récent Accord. Ainsi, le Liban abandonne pratiquement l'argument de la résistance contre l’occupation israélienne de cette zone.
Miliciens du Hezbollah connu sous le nom de "Résistance"
D’un point de vue politique, ceci n’est pas sans révéler le vide et l’hypocrisie du discours du Hezbollah, groupe armé non- étatique, sous contrôle d’une puissance étrangère, par lequel l’hégémonie iranienne s’exerce sur le Liban, et sans l’approbation duquel le récent Accord n’aurait pas vu le jour. En acceptant ce nouvel Accord, le Hezbollah vient de déconstruire son propre discours par lequel il s’arroge un droit exclusif de «résistance contre l’occupation israélienne», discours qui constitue sa raison d’être principale depuis sa création en 1983.
Avec cet Accord conclu, du côté libanais, par des alliés politiques dont il tire les ficelles, le Hezbollah a peut- être gagné une reconnaissance tacite de Washington, mais, même pour lui, cet accord est faustien. Le Hezbollah, à l’image du Dr Faust, vient de vendre, fut-ce partiellement et temporairement, même si jamais il ne le reconnaîtra, l'âme de sa «résistance» à un énigmatique Méphistophélès.
Lorsqu’on sait qu’Israël est l’État qui exerce l’occupation militaire la plus durable de l’histoire contemporaine, on sait qu’avec l’État hébreu, rien n’est plus permanent que le temporaire.
Sagi SINNO
Juriste spécialisé en droit international
Doctorant à l’Université Paris-Panthéon-Assas
Email : [email protected]
L’Accord sur la délimitation de la frontière maritime entre le Liban et Israël est célébré comme un événement « historique » par les deux parties concernées, ainsi que par l’administration américaine qui a joué le rôle de médiateur. La lecture des termes de l’Accord indique, en revanche, que ce qui peut être qualifié d’historique consiste surtout en l’ampleur des concessions qui ont été faites, sans contre- partie suffisante, par le Liban au détriment de ses propres intérêts, économiques notamment. Il s’agit plutôt d’un accord déséquilibré, en défaveur du pays du Cèdre. Plusieurs points (non exhaustifs) peuvent être cités à titre d’exemples.
Selon une optique relative au Droit de la mer.
En abandonnant la ligne maritime 29 pour la seule ligne 23, le Liban n’obtient que la majeure partie d’un gisement potentiel d'hydrocarbures « de viabilité commerciale actuellement inconnue » (gisement de Cana) et renonce définitivement (Section 1.E ; Section 3.C de l’Accord) à un gisement (Karish) prêt à l’exploitation commerciale, dont la contenance est estimée entre 2 à 3 trillions de pieds cubes.
Par ailleurs, dans sa Section 2.E, l’Accord donne pratiquement un droit de veto à Israël en amont de l’exploitation éventuelle du gisement de Cana par le Liban. Israël et l'opérateur du bloc 9 doivent signer un accord financier avant la décision finale d'investissement de l'opérateur du bloc 9.
Tracé des frontières entre le Liban et l'Etat hébreu
La Section 2.C de l’Accord prive le Liban (ainsi qu’Israël) de son droit de choisir des sociétés nationales (libanaises en l’occurrence) pour l’exploration et l’exploitation du gisement potentiel, tout en soumettant ce droit à la nécessité de se conformer aux intérêts américains (sociétés non soumises à des sanctions internationales).
Selon l’optique du Droit des conflits armés
Il s’agit du jus in bello ou droit qui réglemente la manière dont la guerre est conduite, qui nous intéresse particulièrement dans ce qui suit.
En effet, aux termes de la Section 1.B du dit accord, «Jusqu'à ce que cette zone soit délimitée, les Parties conviennent que le statu quo près du rivage, y compris tout le long et tel que défini par l’actuelle ligne des bouées, demeure le même, nonobstant les positions juridiques divergentes des parties dans cette zone qui demeure qui demeure non délimitée».
Certes, il est important de noter qu’en ajournant la question de la délimitation de cette zone, le Liban n’accepte aucune annexion par Israël d’une partie de ses eaux territoriales que l’État hébreu occupe actuellement. D’ailleurs, il est opportun de rappeler que toute annexion d’un territoire occupé est contraire au droit international, notamment à la Charte de l’ONU (art. 2 (4)), ainsi qu’aux normes impératives du droit international (jus cogens) et aux obligations découlant du droit international humanitaire.
Les lignes frontalières de la négociation
Il n’en demeure pas moins que l’article sus- mentionné, relatif à la ligne des bouées, comporte principalement deux concessions assez dangereuses faites de la part du Liban («a» et «b» ci-après). Elles demeurent intrinsèquement liées l’une à l’autre, la deuxième découlant de la première.
a) «Mise en veille» de l’uti possidetis
En acceptant d’ajourner, aux termes de la Section 1.B de l’Accord, la question de la délimitation de la zone y relative, le Liban accepte ainsi de facto, temporairement, la ligne des bouées comme ligne frontalière maritime, et ce au lieu du point B1 comme point de départ terrestre du tracé de ladite frontalière. Ce point B1, situé plus au Sud de la ligne des bouées, est mentionné dans «L'échange de notes comportant un accord entre les gouvernements britanniques et français concernant le tracé de la frontière syro-palestinienne entre la Méditerranée et El-Hammé, dit Accord Paulet- Newcombe, du 7 Mars 1923.
Accord Paulet-Newcombe délimitant la frontière entre le Liban et la Palestine
L’Accord Paulet- Newcombe est un élément essentiel de l’uti possidetis juris dans cette région du monde. Son tracé fut établi au temps du mandat français au Liban et en Syrie, ainsi que du mandat britannique en Palestine et en Irak, par le lieutenant-colonel français N. Paulet et le lieutenant-colonel Britannique S.F. Newcombe, D’ailleurs, l’Accord d’armistice libano- israélien du 23 Mars 1949 se base expressément sur l’Accord Paulet- Newcombe.
Concernant le principe de l’uti possidetis juris, la Cour internationale de justice (CIJ) considère, dans son arrêt du 22 Déc. 1986 portant sur l’Affaire du différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), que «sous son aspect essentiel, ce principe vise, avant tout, à assurer le respect des limites territoriales au moment de l'accession à l'indépendance» (Rec. p. 566). Dans la conception initiale du principe, «ces limites territoriales pouvaient n'être que des délimitations entre divisions administratives ou colonies, relevant toutes de la même souveraineté. Dans cette hypothèse, l'application du principe de l'uti possidetis emportait la transformation de limites administratives en frontières internationales proprement dites» (Rec. p. 566); «Son but évident est d’éviter que l’indépendance et la stabilité des nouveaux États ne soient mis en danger» (Rec. p. 565). D’ailleurs, selon les professeurs Daillier, Forteau et Pellet, «Solution favorable au statu quo ante, ce principe vise à «geler» les contentieux territoriaux et à contribuer à la limitation des tensions» .
Mais dans le même arrêt, la CIJ donne à l’uti possidetis une conception plus large, et ce en l’assimilant au principe de l’intangibilité des frontières. «En tant que principe érigeant en frontières internationales d'anciennes délimitations administratives établies pendant l'époque coloniale, l'uti possidetis est donc un principe d'ordre général nécessairement lié à la décolonisation où qu'elle se produise. Les limites territoriales dont il s'agit d'assurer le respect peuvent également résulter de frontières internationales ayant formé séparation entre la colonie d'un État et la colonie d'un autre État, ou entre le territoire d'une colonie et celui d'un État indépendant ou d'un État soumis à protectorat mais ayant conservé sa personnalité internationale. Or l'obligation de respecter les frontières internationales préexistantes en cas de succession d’États découle sans aucun doute d'une règle générale de droit international, qu'elle trouve ou non son expression dans la formule uti possidetis» (Rec. p. 566).
Il s’en suit, aux termes de la Section 1.B du récent Accord sur la délimitation de la frontière maritime entre le Liban et Israël, qu’en renonçant de facto, fut-ce temporairement, au point B1 retenu par l’Accord Paulet- Newcombe, le Liban renonce également, de facto, par ce nouvel Accord, tout aussi temporairement, à l’uti possidetis juris comme principe de délimitation de ses propres frontières.
Ceci n’est pas sans poser de sérieux problèmes dans l’avenir, notamment en ce qui concerne le tracé des frontières terrestres entre le Liban et Israël qui chercherait à accaparer une zone stratégique par le déplacement du point B1 vers le nord. Ainsi, au lieu que la zone adjacente à Ras Naqoura par le sud - connue sous le nom de zone de Rosh Hanikra - soit sous le regard de l'armée libanaise, c’est alors toute la côte s'étendant de Naqoura à Tyr, voire au-delà, qui se retrouverait placée sous le regard direct de l'armée israélienne.
Fontière libano-israélienne au cap de Naqoura
b) «Mise en veille» du droit de lutter contre l’occupation
Il s’agit d’un point qui découle du premier, mais qui est plus d’actualité. Il concerne plus le présent et non seulement l’avenir et pourrait être plus grave encore. En acceptant temporairement le statu quo (ligne des bouées) unilatéralement imposé, en violation de l’uti possidetis (ligne B1 de l’Accord Paulet- Newcombe) par Israël depuis son retrait en 2000, le Liban accepte ainsi tacitement de renoncer, fut-ce temporairement, à son droit de lutter contre l’occupation israélienne d’une partie de ses eaux territoriales, notamment dans la zone d’environ 3 km2 située entre la ligne des bouées au nord et la ligne partant du point B1 au Sud. Ainsi, le concept de résistance, pierre anguolaire du Hezbollah perd sa raison d'être.
L’article 4 A.2) de la troisième Convention de Genève, relative au traitement des prisonniers de guerre, du 12 Août 1949 (ratifiée par le Liban et Israël) reconnait le droit aux mouvements de résistance de lutter contre l’occupation militaire étrangère de leur territoire. Il en est de même de l’article 1.4 du premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux du 8 Juin 1977, ratifié par le Liban et non par Israël pour des raisons évidentes ; mais nombre de ses dispositions font désormais partie du droit international impératif- jus cogens.
Or, l’engagement de la part du Liban, aux termes de la Section 1.B du récent Accord libano- israélien, à ce que «le statu quo près du rivage, y compris tout le long et tel que défini par l’actuelle ligne de bouées, demeure le même» et ce «jusqu'à ce que cette zone soit délimitée», sous- entend que tout acte de lutte contre l’occupation militaire de cette zone constituera une violation de ce récent Accord. Ainsi, le Liban abandonne pratiquement l'argument de la résistance contre l’occupation israélienne de cette zone.
Miliciens du Hezbollah connu sous le nom de "Résistance"
D’un point de vue politique, ceci n’est pas sans révéler le vide et l’hypocrisie du discours du Hezbollah, groupe armé non- étatique, sous contrôle d’une puissance étrangère, par lequel l’hégémonie iranienne s’exerce sur le Liban, et sans l’approbation duquel le récent Accord n’aurait pas vu le jour. En acceptant ce nouvel Accord, le Hezbollah vient de déconstruire son propre discours par lequel il s’arroge un droit exclusif de «résistance contre l’occupation israélienne», discours qui constitue sa raison d’être principale depuis sa création en 1983.
Avec cet Accord conclu, du côté libanais, par des alliés politiques dont il tire les ficelles, le Hezbollah a peut- être gagné une reconnaissance tacite de Washington, mais, même pour lui, cet accord est faustien. Le Hezbollah, à l’image du Dr Faust, vient de vendre, fut-ce partiellement et temporairement, même si jamais il ne le reconnaîtra, l'âme de sa «résistance» à un énigmatique Méphistophélès.
Lorsqu’on sait qu’Israël est l’État qui exerce l’occupation militaire la plus durable de l’histoire contemporaine, on sait qu’avec l’État hébreu, rien n’est plus permanent que le temporaire.
Sagi SINNO
Juriste spécialisé en droit international
Doctorant à l’Université Paris-Panthéon-Assas
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