Nada Skaff, rencontre avec une femme singulière et plurielle
Née à Beyrouth, Nada Skaff est désormais enracinée à Naples depuis 1998. Elle a rencontré dans sa ville d’origine l’homme qui lui a fait découvrir un autre pays doté d’une culture magnifique : l’Italie. Ayant plus d’une corde à son arc, cette femme plurielle s’est adonnée à la poésie, la bijouterie et la littérature. Un événement poétique très réussi s’est tenu il y a quelques jours à Torre del Greco, sur les pentes du Vésuve. Retour sur le parcours de la femme et de l’artiste.

Évoquant son itinéraire, Nada Skaff estime que « nous suivons une ligne de vie ponctuée de rencontres importantes, d’événements joyeux ou douloureux. L’enjeu est de faire jaillir et rejaillir un peu de lumière autour de soi. C’est un peu la devise de ma vie. » Et d’ajouter : « Dans mon pays, j’avais conclu des études de microbiologie et j’avais collaboré pendant quatre ans à l’hebdomadaire « La Revue du Liban ». Cette première expérience dans le journalisme m’avait conquise. Après la naissance de mes deux enfants en Italie, j’ai opté pour un parcours littéraire, entamant ainsi des études de langue et littérature françaises. Ma passion pour les lettres m’a poussée à conclure mes études tambour battant. Au bout de quelques années, je suis devenue enseignante de langue française qualifiée dans les établissements scolaires italiens. »

En parallèle à ces études, elle avait commencé à dessiner et à réaliser des bijoux qu’elle exposait aussi bien en Italie qu’au Liban. C’est ainsi qu’est née sa ligne, « Mansara ».
« Ma passion pour les gemmes et la joaillerie aidant, vivant dans la capitale mondiale du corail et des camées en Italie, à Torre del Greco, j’ai réussi à établir des contacts avec les artisans locaux et à créer des pièces et des lignes prônant l’originalité et l’unicité. » explique-t-elle.

Mais une autre passion l’habitait depuis l’enfance, peut-être même à son insu : celle de la rime et de la poésie. Nada Skaff a emprunté ce chemin pour la première fois en 2013 avec un premier recueil : « Fleur de sel » publié aux éditions Dar An Nahar. Demeurée pour quelques années l’auteure d’un seul recueil, l’inspiration et l’envie de poursuivre la taraudaient. La période Covid fit le reste. L’isolement imposé se transforma en période de gestation : un premier recueil italien parut en 2020 aux éditions MR Editori, « Il punto di rugiada » (« le point de rosée »).

Un second recueil français suivit en 2021, « NUSA », (acronyme de « Nageur d’un seul amour ») pour lequel elle remporta le prix « Stephen et Yolaine Blanchard » de la ville de Dijon.



Parlez-nous de la tenue de cet événement.

L’événement organisé sur la proposition de l’Inner Wheel (club entièrement féminin créé depuis 1924 par des épouses de rotariens et comptant des membres dans plus de 100 pays) a suivi un autre événement important : celui de la présentation de mes recueils à l’Institut culturel français de Naples, en juin 2022. Nous avions décidé, avec les dames de l’Inner Wheel, de créer un événement soutenant une association du Liban. Mon choix s’est porté sur la LAS (Lebanese Autism Society) dont je connais la fondatrice, Arwa El Amin, femme d’un courage et d’une générosité exemplaires. J’ai ainsi invité en tant que modérateur, l’ex-ambassadeur d’Italie au Yémen et en Arabie Saoudite, auteur également connu, Mario Boffo. Il s’agissait de présenter mon recueil italien dans ma ville d’adoption et d’annoncer la parution prochaine d’un deuxième recueil en langue italienne. L’ère Covid a empêché de parler d’art et de poésie pendant une longue et douloureuse période. Il s’agit à présent de se battre pour remonter la pente et sortir de cette léthargie.

Où s’est tenu cet événement et en présence de qui ?


L’événement s’est tenu à l’hôtel Marad de Torre del Greco, en présence d’une soixantaine de personnes, incluant un grand nombre de membres de l’Inner Wheel sur invitation de leur présidente, Lucia Lopez, quelques poètes de ma connaissance, ainsi que des amis et des collègues. Il y avait en outre, Giovanna Ragusa, femme de trempe à la tête de MR Editori, l’ex-ambassadeur Mario Boffo invité en tant que modérateur de l’événement, l’acteur de théâtre et ami Antonello Aprea qui a déclamé mes poèmes.

Quel effet cela vous-fait-il d’avoir un public italien désormais acquis et conquis ?

Une joie incommensurable et, admettons-le, beaucoup de fierté ainsi que le sentiment d’appartenir désormais aussi à l’Italie. Mes racines sont profondément libanaises et je renouvelle inlassablement mon pacte avec mon pays et mon identité orientale. Mais la cime croît désormais ici. J’ai reconstruit ma vie en repartant de la base : la naissance de mes deux enfants, mon expérience de mère, mes études universitaires.

L’Italie du sud est si accueillante, si ensoleillée. Les Italiens méridionaux, ayant eux-mêmes un fort caractère identitaire, ont beaucoup moins de préjugés que beaucoup d’Européens. Naples est une ville riche d’une histoire millénaire. Elle ne craint pas l’autre. Mes lecteurs italiens me rendent au centuple ce que j’éprouve pour ma seconde ville et pour mon identité qui ne cesse de s’enrichir. Je leur dois toutes les nouvelles facettes qui se sont ajoutées à mon être de femme, de mère, de poète.

Quel était, pour vous, le moment que vous qualifierez d’émotionnel ?

Au cours de la présentation, c’était l’émotion perçue en écoutant la voix d’Antonello Aprea déclamant mes poèmes, ou la profonde gratitude éprouvée lors des questions du public. Une dame a fait quelques réflexions qui m’ont permis notamment d’éclaircir certains points obscurs de mon poème « Comme des pâtres ». Le moment chargé d’émotion est en général celui de l’écriture de tout poème, naisse-t-il d’une immense joie, d’une fracture ou d’une indicible douleur. Le poème écrit est lui-même cicatrice de l’être. Et je ne pourrais exprimer ma gratitude pour un tel don. La poésie est l’audace, le courage de se mettre à nu. Et ce courage est chargé d’humilité et d’humanité puisqu’il révèle l’humain en nous en le révélant aussi à nous-mêmes. L’illumination première nous appartient, et c’est cette émotion là que je trouve merveilleuse.

Quels sont vos futurs projets littéraires/poétiques ?

Celui de pousser plus avant mes études littéraires en rendant hommage aux poètes de mon pays, si cela est toutefois possible. Il n’y a pas d’âge à la réalisation de ses propres rêves, j’en suis désormais convaincue.
Et dans un futur prochain, c’est la publication de mon deuxième recueil italien, prévue pour le début de l’année 2023.
Le 18 novembre, la première d’une symphonie écrite par Nicolas Chaanine, dirigée par le chef d’orchestre franco-américain Jean-Pierre Schmitt avec Javier Oviedo au saxophone, aura lieu à New York. Cette nouvelle m’enorgueillit car la symphonie est entièrement inspirée de mon poème italien « Transumanti » qui décrit les poètes comme des pâtres dépassant les frontières et les divisions entre les peuples. Je n’ignorais pas que le poète fut un messager de paix, mais je n’imaginais pas que mon poème puisse engendrer une forme d’art si élevée à mes yeux.

Pour le reste, je souhaiterais ne plus jamais quitter la planète « Poésie ». Avoir à jamais un regard et une perception de poète pour les choses et les êtres me suffirait.
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