Femmes en politique: un combat qui s’annonce long…
©Le cabinet actuel de Nagib Mikati compte une seule femme sur les 24 ministres. ©Dalati et Nohra
Le Liban se trouve au bas de l’échelle en termes de représentativité féminine au Parlement. Il occupe la 183e place sur les 187 pays dans le monde.

Premier pays arabe à avoir amendé en 1953 une loi autorisant la femme à voter et à se présenter aux élections, le Femmes en politiquese trouve aujourd’hui à la traîne derrière le Soudan, l’Égypte, la Tunisie, l’Irak et le Maroc. Dans ces pays, et autres nations arabes, le taux de représentation des femmes au Parlement oscille entre 30 et 45%. Au Liban, seules six femmes ont pu faire leur entrée à l’hémicycle, lors des législatives de 2018.

En termes de représentativité féminine au sein de la Chambre, le pays du Cèdre arrive ainsi au bas de l’échelle, occupant la 183e place sur les 187 pays dans le monde, selon les chiffres de la Fédération des Parlements arabes. Il est en quinzième position au palmarès des dix-sept pays arabes. Selon les mêmes chiffres, les Émirats arabes unis viennent en tête de liste, avec une Chambre à moitié formée de femmes ; ils sont suivis du Soudan (38,5%), de l’Égypte (37,4%), de l’Irak (36,4%) et de la Tunisie (36,3%). L’Arabie saoudite, considérée naguère comme un pays ultraconservateur, est tournée vers le progrès, 20% des élus étant des femmes.

Depuis une dizaine d’années, plusieurs ONG, qui militent pour une meilleure participation de la femme à la vie politique, œuvrent en faveur d’un quota féminin. Fifty Fifty en fait partie. Une proposition de loi de cette ONG avait en effet été soumise à la Chambre par Inaya Ezzeddine, députée du groupe parlementaire de Nabih Berry, lors de sa session du 7 octobre. Les députés avaient alors refusé de plancher sur la question du quota féminin, ce qui a poussé la députée à se retirer de la séance. Ce document, adopté par la Coalition civile pour l’adoption du quota féminin, comme l’explique Joëlle Abou Farhat, cofondatrice de Fifty Fifty, prévoit 26 sièges réservés aux femmes lors des prochaines élections, répartis équitablement entre chrétiennes et musulmanes. *"La politique en elle-même ne constitue pas notre objectif, mais la présence de la femme en politique. Nous travaillons dans un souci d’égalité entre toutes les femmes du Liban"*, explique à Ici Beyrouth, Mme Abou Farhat.
Le document présenté par Fifty Fifty a été suivi par d’autres, soumis par différentes parties. Ainsi, la Commission nationale de la femme libanaise a proposé une mouture de loi consacrant 24 sièges du Parlement aux femmes. Une proposition de loi présentée par le groupe parlementaire berryste prévoit vingt sièges sur les 128 aux femmes, alors que le Parti socialiste progressiste (PSP) propose que le tiers des places sur les listes électorales soient réservés aux femmes. De son côté, le Courant patriotique libre propose de consacrer 16 sièges parlementaires aux femmes. Si elle est adoptée, cette proposition de loi n’entrera toutefois en vigueur qu’en 2026.

"Le quota n’a toujours pas été approuvé à ce jour*, déplore Joëlle Abou Farhat. *Mais à force de matraquage, nous avons noté une légère avancée. La preuve, le PSP a décidé de consacrer aux femmes le tiers des sièges dans les commissions élues ou désignées au sein de son parti".


Depuis neuf ans, Fifty Fifty milite pour imposer la parité. "S’il faut attendre l’évolution des mentalités, les femmes attendront cent ans encore. Notre but, c’est d’assurer aux femmes des sièges à l’hémicycle et pas seulement des noms sur les listes électorales. Notre but ultime n’est pas de nous contenter de 50% de participation féminine sur les listes électorales, mais, à plus long terme, que les élues occupent la moitié des sièges au Parlement", avance Mme Abou Farhat.



Augmenter la participation des femmes aux législatives

Comment expliquer la rapide rétrogradation de la participation féminine à la vie politique depuis le gouvernement de Saad Hariri, qui comptait une femme à la tête d’un ministère régalien, celui de l’Intérieur, à celui de l’actuel gouvernement de Nagib Mikati, qui compte une seule femme, en passant par celui de Hassane Diab, dont le Cabinet était composé de six femmes?
"Le gouvernement Diab a agi en connaissance de cause*, explique la cofondatrice de Fifty Fifty. *Étant appelé à mener des discussions et des débats avec la communauté internationale, il se devait de suivre les règles internationales qui obligent les gouvernements à réserver le tiers des portefeuilles aux femmes. De son côté Nagib Mikati a fait fi de cette règle. N’oublions pas sa réplique le jour de la fête de l’Indépendance, lorsqu’il avait déclaré que si une femme avait respecté avant son divorce son contrat de mariage, elle n’aurait pas divorcé. Cela en dit long sur ses prises de positions sexistes."

En principe, les commissions parlementaires de l’Administration et de la Justice, de la Mère et de l’Enfant et des Finances devraient se pencher sur l’un des documents susmentionnés consacrés au quota féminin. Si aucun d’entre eux n’est adopté par la Chambre, Fifty Fifty ne baissera pas les bras. Un plan B est déjà élaboré. *"Il s’agit d’un pacte interne d’honneur auquel devraient adhérer tous les groupements et tous les partis qui présenteront des listes électorales. Il consiste à prévoir 50% de participation féminine au scrutin de 2022 et d’appuyer l’arrivée d’au moins une femme grâce au vote préférentiel"*, souligne enfin Joëlle Abou Farhat.
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