En Guyane, l’Opéra de Paris sort de ses murs
Au Conservatoire de Cayenne, sept garçons exécutent des « dégagés » en tendant la jambe sous la houlette d’un danseur étoile, une initiative inédite de l’Opéra de Paris en Guyane, département français d’Amérique du Sud à plus de 7.000 km de la métropole.

Moins nombreux que les élèves filles dans la salle d’à côté, ils sont ravis et surpris par le rythme du cours par rapport à leur classe habituelle de danse. « C’est plus physique et plus rapide », assure Claude Tibere, 16 ans, qui sort essoufflé de la classe. Depuis le 23 novembre, des danseurs de l’Opéra et des chanteurs lyriques de son Académie participent à « L’Opéra en Guyane », un projet d’ateliers lancé un mois plus tôt.

Une initiative censée favoriser les talents sur ce territoire et, à long terme, la diversité au sein de la vénérable institution. Pour le moment, l’heure est à la joie de danser. « On cherche déjà à leur transmettre le plaisir d’essayer des choses, à leur montrer des choses un peu grisantes qu’ils peuvent atteindre », assure le danseur étoile Stéphane Bullion qui vient de faire ses adieux à la scène de l’Opéra.

Samedi, des masterclass étaient dispensés à des élèves venus de différentes écoles de danse guyanaises. Dans une salle ouverte sur l’extérieur, l’ex-première danseuse Muriel Zusperreguy encourage une quinzaine de jeunes filles à exécuter des exercices à la barre qui se succèdent au son d’un piano enregistré.

Ses conseils sont parfois couverts par les piaillements des kikiwis, des oiseaux amazoniens. À l’entrée, dans une ambiance détendue, quelques parents immortalisent le cours sur leurs téléphones. Pour la danseuse, il n’est pas question de se placer dans une optique de détection de talents pour l’instant.

« Regarder les élèves de cette manière nous enfermerait dans une position pas très saine, pas très positive », dit-elle. À plus de 7.000 kilomètres de Paris, même les jeunes qui étudient la musique et la danse voient l’Opéra comme une structure floue.


Emi Sana, Cayennaise de 12 ans, sort tout sourire du cours. Impressionnée au départ, elle reconnaît que l’Opéra reste une institution assez méconnue, même si son évocation suscite la curiosité.

« J’avais regardé des vidéos (des danseurs de l’Opéra), mais je ne les avais jamais vus danser en vrai », dit-elle. Trois jours avant, elle avait assisté à un spectacle donné par les danseurs de l’Opéra devant une salle comble.
« On n’a pas toujours la chance d’avoir des spectacles ni des référents en danse classique ici », observe Frédérique Edwige, qui enseigne le ballet au Conservatoire de Guyane.

Elle explique que « l’Opéra est quelque chose de très loin pour (les élèves) ; on fait tout un travail pour qu’ils comprennent ce que c’est ». Le projet, financé par la société Meridiam à hauteur de 300.000 euros à l’année pour au moins trois ans, est le premier du genre à être lancé en outre-mer par l’institution tricentenaire. Il a vocation à se développer dans d’autres territoires ultra-marins.

En février 2021, un rapport commandé par l’Opéra avait indiqué que la diversité était « une grande absente à l’Opéra national de Paris à tous les étages ». « On sent bien que c’est important de sortir de nos murs, d’ouvrir nos canaux de recrutement, sinon on a toujours les mêmes profils et on s’appauvrit », explique à Cayenne Myriam Mazouzi, directrice de l’Académie de l’Opéra. « On se doit de représenter la société française ; on reçoit des chorégraphes du monde entier, ils recherchent des profils variés, différents et complémentaires », précise-t-elle.

AFP
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