Entre l'Iran et l'Europe, les tensions s'accumulent
Alors que l'Union européenne réfléchit à la possibilité d'inscrire les Gardiens de la révolution iranienne sur sa liste des organisations terroristes, l'Iran a menacé l'UE de représailles, agitant le spectre de "sanctions" diplomatiques ou de la fermeture du détroit d'Ormuz. Une véritable escalade qui ne semble pas avoir d'issue, d'autant que l'opinion publique européenne est hostile à une normalisation avec Téhéran. 

Jusqu'où? Les relations ne cessent de se dégrader entre l'Iran et les Européens alors que les sujets de tension s'accumulent et que, dans le même temps, les États-Unis, le traditionnel "Grand Satan", se montrent plus discrets face à Téhéran.

De son côté, le Royaume-Uni a annoncé lundi de nouvelles sanctions contre des responsables iraniens, dont le procureur général adjoint, en riposte à la répression et l'exécution de l'Irano-britannique Alireza Akbari "à des fins politiques".

Ces nouvelles sanctions (gels des avoirs et interdiction de séjour à l'encontre de cinq personnes et deux entités), portent à 50 les sanctions prises en réponse aux "violations des droits humains" perpétrées par Téhéran depuis la mort de Mahsa Amini, selon la diplomatie britannique.

- Pourquoi l'Iran hausse-t-il le ton?

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Dimanche, de hauts responsables iraniens ont accusé les Européens de mener "une guerre hybride contre la nation iranienne", c'est à dire sur les plans psychologique, médiatique et économique.

Téhéran est particulièrement irrité par les vives critiques venues d'Europe depuis le début du mouvement de contestation provoqué par la mort en détention de Mahsa Amini, en septembre. "Certains pays européens, dont l'Allemagne, ont choisi la voie de la provocation pour enflammer les protestations" afin de "susciter l'instabilité" en Iran, a de nouveau dénoncé lundi le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Nasser Kanani.

La veille, le chef de la diplomatie Hossein Amir-Abdollahian avait dressé un parallèle avec la relative modération des États-Unis en soulignant que les Américains avaient "réalisé plus tôt que les trois pays européens (Allemagne, France et Grande-Bretagne) que ces récentes émeutes en Iran n'aboutiraient à rien".

- Comment réagissent les Européens?

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Malgré le recul des manifestations ces dernières semaines, les Européens entendent maintenir la pression. L'UE a ainsi ajouté lundi 37 personnes ou entités iraniennes impliquées dans la répression des manifestations sur la liste de leurs sanctions pour violation des droits humains.

Parallèlement, plusieurs pays européens se mobilisent pour obtenir la libération de leurs ressortissants détenus en Iran. Un dossier très sensible en particulier en France, qui a sept ressortissants en prison, et en Belgique, très remontée par la condamnation du travailleur humanitaire Olivier Vandecasteele à un total de 40 ans de prison. Les deux pays ont dénoncé lundi la "politique de la prise d'otage" de Téhéran.

"Aujourd'hui, la question de l'Iran est devenue centrale dans l'opinion publique occidentale, de sorte qu'il est devenu difficile pour les gouvernements de normaliser leurs relations avec Téhéran", explique Fayaz Zahed, expert iranien en relations internationales.

Ce dernier insiste sur l'impact du changement de ton adopté par Berlin, traditionnel pilier du dialogue avec Téhéran mais qui, depuis le départ de la chancelière Angela Merkel, "adopte des positions dures et radicales contre l'Iran".

Les experts mettent également en avant les vives critiques occidentales sur la fourniture par l'Iran de drones à la Russie dans le cadre de la guerre en Ukraine.

- La crise peut-elle s'aggraver?


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Oui si l'UE suivait l'appel que lui ont lancé jeudi les eurodéputés pour inscrire les Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de la République islamique, sur la liste des "organisations terroristes" de l'UE.

Mais une telle décision apparaît très incertaine parce qu'elle divise les milieux diplomatiques et qu'elle nécessite, au préalable, "une décision de justice", selon le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.

"Vous ne pouvez pas dire: Je te considère comme un terroriste parce que je ne t'aime pas. Cela doit être fait lorsqu'un tribunal d'un État membre émet une déclaration juridique, une condamnation concrète", a-t-il martelé en marge d'une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE. En attendant, l'UE a choisi pour l'heure d'inscrire des responsables des Gardiens de la Révolution sur la liste des personnes sanctionnées par l'UE pour violation des droits de l'homme, a-t-elle expliqué.

Par ailleurs, les ministres des Affaires étrangères de l'Union ont ajouté lundi 37 personnes ou entités iraniennes impliquées dans la répression des manifestations sur la liste de leurs sanctions pour violation des droits humains.

De leur côté, les autorités iraniennes ont prévenu qu'elles répondraient "avec fermeté" à une telle sanction. Et mettraient "des entités des armées des pays européens" présentes au Moyen-Orient, "sur la liste terroriste" du pays, comme elles l'avaient fait avec les États-Unis lorsque l'ex-président Donald Trump avait puni les Gardiens en 2019.

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Parmi les autres options évoquées par la presse iranienne, figurent la sortie de l'Iran du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et des mesures de restriction de la navigation dans le détroit d'Ormuz par où passent de nombreux pétroliers.

"Nous ne resterons certainement pas silencieux non plus. La fermeture du détroit d'Ormuz est à l'ordre du jour du Parlement", a souligné Mohammad Hassan Asfari, vice-président de la Commission des affaires intérieures et des conseils au Parlement.

"Si les Européens veulent traiter nos forces armées de cette manière [comme des terroristes], nous mettrons également d'autres options sur la table, y compris la restriction du trafic des navires de commerce européens dans le détroit d'Ormuz », a ajouté Asfari. "Il vaut mieux que les Européens annulent leur décision avant qu'il ne soit trop tard."

Pour l'analyste politique iranien Abbas Aslani, l'UE n'ira pas aussi loin car "cela risque d'ouvrir une autre crise, en particulier dans le domaine de l'énergie, en pleine guerre en Ukraine".

- Quel impact sur les négociations sur le nucléaire?

C'est le dossier le plus important stratégiquement, mais il est actuellement dans une impasse dont se rendent respectivement responsables Iraniens et Occidentaux.

Aucun signe de reprise des négociations, interrompues depuis l'été dernier, n'est en vue même si, dans les discours, les différentes parties se disent prêtes à les relancer.

Pour l'expert Fayaz Zahed, "il y a des signes en Iran qui laissent penser que le gouvernement pourrait réagir à la crise actuelle en faisant quelques concessions", ce qui pourrait encourager les Européens à "faire preuve de retenue".

Sami Erchoff avec AFP
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