Dans une série d’articles, Melhem Chaoul, sociologue, évoque les projets de fédéralisme et de décentralisation élargie au Liban. Dans un premier article, il a passé en revue les origines du concept de fédéralisme pour ensuite aborder le cas particulier du Liban. Dans ce dernier article, il se penche sur les principales propositions de décentralisation.
L’accord de Taëf prévoit une série de dispositions relatives au « développement équilibré » entre les régions. Il formule notamment le principe « d’un développement social, économique et culturel régional équilibré faisant pendant à l’unité de l’État et à la stabilité du système ». Il y est question aussi de mettre en place, au niveau du caza (kada’), un conseil élu, présidé par le caîmacam, visant à assurer une forme de participation des forces locales, et cela « dans le cadre d’un plan unifié de développement général pour tout le pays ». Le Pacte ne reconnaît aucun rôle aux municipalités dans le processus de développement local.
1. Le projet Baroud
Le projet du ministre de l’intérieur Ziyad Baroud est un document officiel, un projet de loi sur la décentralisation, adopté en 2014 et annoncé au cours d’une cérémonie officielle au Palais présidentiel, en présence du président Michel Sleiman.
Voici les principales dispositions du projet :
- L’entité de base de l’établissement de la gouvernance décentralisée est le caza (kada’) dirigé par un conseil élu.
- Le Conseil de Caza jouit d’une indépendance administrative et financière.
- Les postes de muhafez et de caïmacam sont supprimés.
- Le Conseil de la gouvernance locale (Conseil de caza) est divisé en deux instances : une assemblée générale et un comité exécutif qui élit lui-même son président.
- Le Conseil de caza dispose de prérogatives exécutoires dans les domaines suivants : planification du développement du caza, infrastructures et ressources hydrauliques et énergétiques (électricité), protection de la nature (parcs publics) et développement du tourisme, projets culturels, etc.
- La création d’une caisse indépendante pour les fonds de la gouvernance locale financée par les ressources de l’autorité locale et les subventions du Centre. La part des cazas sera déterminée selon des paramètres scientifiquement déterminés, tels que la surface du caza, le nombre de ses habitants, le niveau de son développement et de ses ressources et sa capacité à percevoir les impôts.
Le projet de loi Baroud prévoit aussi des dispositions de surveillance et de contrôle et des cas de censure des décisions et projets du Conseil de caza de la part de l’autorité centrale. De même, le projet propose une approche spécifique de la gouvernance de la capitale Beyrouth, à la fois espace du pouvoir central et sujet de gouvernance locale.
2. Penser l’extension du projet Baroud
L’enseignement pré-universitaire et supérieur
Ce secteur est totalement absent du projet Baroud qui mériterait pourtant d’occuper une place de choix dans tout projet de décentralisation, à savoir l’enseignement pré-universitaire et supérieur.
Le Conseil de gouvernement local devra prendre en charge le dossier de l’enseignement à l’intérieur de son espace de compétence, et cela :
- sur le plan de l’acceptation ou du refus de mettre en place de nouveaux établissements académiques et de la réalisation d’études de faisabilité en la matière, en fonction des besoins de l’entité locale.
- sur le plan du recrutement du personnel enseignant et de l’évaluation de ses compétences
- sur le plan de la mise en place, pour l’enseignement supérieur, d’infrastructures de qualité (campus, logements, cantines, etc.)
- Sur le plan des ressources, avec le pouvoir de lever des fonds pour l’enseignement sans avoir à en référer à une autorité externe au pouvoir local
La décentralisation de l’Université Libanaise
C’est certainement le chantier le plus urgent et le plus crucial, au vu des besoins académiques de plus en plus nombreux à l’heure actuelle. Elle devra s’effectuer par la création de cinq universités publiques complètement indépendante l’une de l’autre sur un plan administratif, académique et financier.
Les finances :
Le Conseil de gouvernement local aura le droit de lever des impôts locaux ou d’en dispenser certains individus ou entreprises contribuables, selon ses plans de développement, avec la possibilité d’en notifier ultérieurement le Centre.
Il faudra aussi abandonner l’idée d’une Caisse centrale des ressources financières. La part du Centre lui sera versée et celle du gouvernement local sera versée dans les caisses de celui-ci.
La sécurité
- Le gouvernement local pourra recruter des forces de police et de sécurité ayant un droit d’intervention uniquement dans l’espace local.
- Ces unités relèveront du gouvernement local et ne seront soumises à aucune autre autorité extérieure.
L’énergie
Le gouvernement local devra exercer sa compétence en matière d’énergie et de production énergétique en autorisant des acteurs locaux à produire et à distribuer l’énergie électrique dans l’espace du gouvernement local.
La propriété foncière
Le gouvernement local pourra disposer du pouvoir de légiférer en matière de lois sur la propriété foncière applicables aux non-Libanais sur son territoire.
Introduction de nouvelles pratiques de participation politique
S’il est confirmé de ce qui précède que les compétences relevant du Centre restent intouchables, il n’en demeure pas moins qu’elles peuvent être sujettes à des recours à l’approbation populaire sous forme de consultations référendaires ou de vote, et cela par entité de gouvernance locale. Cela suppose l’introduction, dans les pratiques politiques libanaises, de la consultation par référendum sur les grandes questions litigeuses, celles relevant de la politique étrangère, de la défense nationale et des grandes décisions économiques et monétaires.
Conclusion
La tâche la plus importante et la plus déterminante est l’éducation et l’apprentissage visant à former des ressources et des compétences humaines en matière d’esprit et de culture « décentralisés ». Il est temps de mettre fin à une certaine culture politique jacobine et homogénéisant, relique des 18ème et 19ème siècle. Il est temps aussi d’abandonner les idées préconçues qui supposent que toute gestion ou administration hors d’une certaine centralité relève de la trahison, de la partition ou de l’isolationnisme. Cette forme de gouvernance permet effectivement et de manière pragmatique de réaliser la transparence, le questionnement et la reddition de compte des responsables et peut aussi constituer un jalon important dans la lutte contre la corruption
L’accord de Taëf prévoit une série de dispositions relatives au « développement équilibré » entre les régions. Il formule notamment le principe « d’un développement social, économique et culturel régional équilibré faisant pendant à l’unité de l’État et à la stabilité du système ». Il y est question aussi de mettre en place, au niveau du caza (kada’), un conseil élu, présidé par le caîmacam, visant à assurer une forme de participation des forces locales, et cela « dans le cadre d’un plan unifié de développement général pour tout le pays ». Le Pacte ne reconnaît aucun rôle aux municipalités dans le processus de développement local.
1. Le projet Baroud
Le projet du ministre de l’intérieur Ziyad Baroud est un document officiel, un projet de loi sur la décentralisation, adopté en 2014 et annoncé au cours d’une cérémonie officielle au Palais présidentiel, en présence du président Michel Sleiman.
Voici les principales dispositions du projet :
- L’entité de base de l’établissement de la gouvernance décentralisée est le caza (kada’) dirigé par un conseil élu.
- Le Conseil de Caza jouit d’une indépendance administrative et financière.
- Les postes de muhafez et de caïmacam sont supprimés.
- Le Conseil de la gouvernance locale (Conseil de caza) est divisé en deux instances : une assemblée générale et un comité exécutif qui élit lui-même son président.
- Le Conseil de caza dispose de prérogatives exécutoires dans les domaines suivants : planification du développement du caza, infrastructures et ressources hydrauliques et énergétiques (électricité), protection de la nature (parcs publics) et développement du tourisme, projets culturels, etc.
- La création d’une caisse indépendante pour les fonds de la gouvernance locale financée par les ressources de l’autorité locale et les subventions du Centre. La part des cazas sera déterminée selon des paramètres scientifiquement déterminés, tels que la surface du caza, le nombre de ses habitants, le niveau de son développement et de ses ressources et sa capacité à percevoir les impôts.
Le projet de loi Baroud prévoit aussi des dispositions de surveillance et de contrôle et des cas de censure des décisions et projets du Conseil de caza de la part de l’autorité centrale. De même, le projet propose une approche spécifique de la gouvernance de la capitale Beyrouth, à la fois espace du pouvoir central et sujet de gouvernance locale.
2. Penser l’extension du projet Baroud
L’enseignement pré-universitaire et supérieur
Ce secteur est totalement absent du projet Baroud qui mériterait pourtant d’occuper une place de choix dans tout projet de décentralisation, à savoir l’enseignement pré-universitaire et supérieur.
Le Conseil de gouvernement local devra prendre en charge le dossier de l’enseignement à l’intérieur de son espace de compétence, et cela :
- sur le plan de l’acceptation ou du refus de mettre en place de nouveaux établissements académiques et de la réalisation d’études de faisabilité en la matière, en fonction des besoins de l’entité locale.
- sur le plan du recrutement du personnel enseignant et de l’évaluation de ses compétences
- sur le plan de la mise en place, pour l’enseignement supérieur, d’infrastructures de qualité (campus, logements, cantines, etc.)
- Sur le plan des ressources, avec le pouvoir de lever des fonds pour l’enseignement sans avoir à en référer à une autorité externe au pouvoir local
La décentralisation de l’Université Libanaise
C’est certainement le chantier le plus urgent et le plus crucial, au vu des besoins académiques de plus en plus nombreux à l’heure actuelle. Elle devra s’effectuer par la création de cinq universités publiques complètement indépendante l’une de l’autre sur un plan administratif, académique et financier.
Les finances :
Le Conseil de gouvernement local aura le droit de lever des impôts locaux ou d’en dispenser certains individus ou entreprises contribuables, selon ses plans de développement, avec la possibilité d’en notifier ultérieurement le Centre.
Il faudra aussi abandonner l’idée d’une Caisse centrale des ressources financières. La part du Centre lui sera versée et celle du gouvernement local sera versée dans les caisses de celui-ci.
La sécurité
- Le gouvernement local pourra recruter des forces de police et de sécurité ayant un droit d’intervention uniquement dans l’espace local.
- Ces unités relèveront du gouvernement local et ne seront soumises à aucune autre autorité extérieure.
L’énergie
Le gouvernement local devra exercer sa compétence en matière d’énergie et de production énergétique en autorisant des acteurs locaux à produire et à distribuer l’énergie électrique dans l’espace du gouvernement local.
La propriété foncière
Le gouvernement local pourra disposer du pouvoir de légiférer en matière de lois sur la propriété foncière applicables aux non-Libanais sur son territoire.
Introduction de nouvelles pratiques de participation politique
S’il est confirmé de ce qui précède que les compétences relevant du Centre restent intouchables, il n’en demeure pas moins qu’elles peuvent être sujettes à des recours à l’approbation populaire sous forme de consultations référendaires ou de vote, et cela par entité de gouvernance locale. Cela suppose l’introduction, dans les pratiques politiques libanaises, de la consultation par référendum sur les grandes questions litigeuses, celles relevant de la politique étrangère, de la défense nationale et des grandes décisions économiques et monétaires.
Conclusion
La tâche la plus importante et la plus déterminante est l’éducation et l’apprentissage visant à former des ressources et des compétences humaines en matière d’esprit et de culture « décentralisés ». Il est temps de mettre fin à une certaine culture politique jacobine et homogénéisant, relique des 18ème et 19ème siècle. Il est temps aussi d’abandonner les idées préconçues qui supposent que toute gestion ou administration hors d’une certaine centralité relève de la trahison, de la partition ou de l’isolationnisme. Cette forme de gouvernance permet effectivement et de manière pragmatique de réaliser la transparence, le questionnement et la reddition de compte des responsables et peut aussi constituer un jalon important dans la lutte contre la corruption
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