Présidentielle: une initiative française ratée auprès de Geagea
Dans une tentative de contourner l’opposition saoudienne ferme à l’élection du chef des Marada, Sleiman Frangié, à la présidence de la République, la France s’est tournée vers le chef des Forces libanaises (FL), Samir Geagea, dans l'espoir de  persuader celui-ci d'accepter la candidature de M. Frangié. Paris espérait qu’une éventuelle adhésion du chef des FL à son initiative inciterait Riyad à changer de position, comme cela avait été le cas en 2016 avec l’élection du fondateur du CPL, Michel Aoun, à la tête de l’État.

Les Français se sont toutefois heurtés au refus catégorique de M. Geagea, ce dernier arguant que Sleiman Frangié ne sera pas en mesure de relever les nombreux défis auxquels le Liban est confronté. Il a ainsi expliqué à ses interlocuteurs que le chef des Marada, du fait de son alliance indéfectible avec le Hezbollah, ne sera pas en mesure de débloquer les aides financières des pays du Golfe en faveur du Liban, alors que celles-ci sont fondamentales pour soutenir tout programme de redressement économique. M. Geagea a ajouté que Sleiman Frangié sera également incapable d’imposer la fermeture des voies de passages illégales entre le Liban et la Syrie, et donc de mettre fin aux activités de contrebande, qui s’étendent aussi aux points de passage légaux comme le port de Beyrouth et l'aéroport. Il ne sera pas non plus en mesure de s'opposer à l'ingérence du Hezbollah dans les affaires internes des pays arabes, ni d'y mettre fin, a-t-il ajouté, le Liban officiel n’ayant pas son mot à dire à ce sujet. A plus forte raison lorsque les personnalités aux commandes du pays sont des alliées de la formation pro-iranienne, comme cela avait été le cas avec M. Aoun. De manière générale, aucun responsable libanais allié du Hezbollah n'est disposé à contester les activités de celui-ci.

Pour se montrer convaincants, les Français ont promis d’œuvrer, si Sleiman Frangié est appelé à être élu, afin d’assurer un équilibre au niveau du pouvoir, en s’engageant à obtenir la nomination d’un Premier ministre qui ne gravite pas dans l’orbite du camp du 8 Mars, sans pour autant nommer expressément Nawaf Salam, dont le nom avait été récemment évoqué dans les médias, ni aucun autre. Mais M. Geagea a campé sur sa position et informé la France que le Liban ne se remettrait pas de la crise et ne retrouverait pas sa stabilité avec ces rafistolages. En d’autres termes, l’accession de Sleiman Frangié à la tête de l’État ne ferait que prolonger la crise dans laquelle le pays est enfoncé, ainsi que les problèmes structurels qui l’ont aggravée.

Pour lui, une sortie de crise passe indiscutablement par l’élection d’un président qui ne représente pas l'axe de la «Moumanaa» (Iran-Syrie-Hezbollah) et la formation d'un gouvernement qui ne sera pas non plus lié à cet axe.

L’idée de cette proposition française repose sur la conviction, développée par Paris, selon laquelle la présidentielle ne sera pas débloquée tant que le Hezbollah n’a pas réussi à obtenir un consensus autour de l’élection de Sleiman Frangié. Elle serait également motivée par une volonté de compenser M. Frangié qui avait manqué le train présidentiel de 2016 au profit de Michel Aoun.


Face à l’argumentation du chef des FL, la France a essayé de le persuader que le leader des Marada ne représentait pas une menace politique pour lui. Au contraire, a avancé l’émissaire français, son élection pourrait représenter un avantage, comme cela avait été le cas avec le parti Kataeb qui avait soutenu le président Fouad Chéhab en 1958.

Mais Samir Geagea est resté de marbre, ce qui a eu pour effet de barrer la voie à l’initiative française.

Quoi qu’il en soit, d’aucuns se demandent comment la France a pu élaborer une proposition qui va à l’encontre des orientations des pays qui ont participé à la réunion de Paris, le 6 février 2022.

En effet, les Américains ne sont pas du même avis que la France concernant l’arrivée au pouvoir d’un partisan du Hezbollah, même s’ils ne se prononcent pas en faveur d’un présidentiable ou d'un autre. Pour leur part, l'Arabie saoudite, le Qatar et l'Égypte ont manifesté leur soutien à la candidature du commandant en chef de l'armée, le général Joseph Aoun, à la présidence de la République. Le Qatar a même été chargé de convaincre l’Iran de soutenir le général Aoun, démarche qui n'a toutefois pas abouti.
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