Ogero, une mine d’or laissée pour compte
L’effondrement du service internet était prévisible dans un pays où les deniers publics partent à vau l’eau. Tout comme EDL, Ogero vend à perte ses services.

L'internet, moteur de croissance des économies numériques et source de revenus incommensurables pour les États, est négligé au Liban. L’hypothèse d’un Liban totalement coupé du cyberespace n’a pas mobilisé outre mesure les responsables, au grand dam d’une population saignée à blanc. Pourtant, Ogero, le fournisseur public de téléphonie et d'internet, est tout simplement une mine d’or pour le Trésor public, laissée pour compte.

À l’origine de la crise dans le secteur des télécoms, la fronde des employés de Ogero, la société d’État fondée en 1972, qui fournit l’infrastructure dorsale nationale de télécommunications et qui distribue la capacité d’internet dans tout le pays. Les salariés réclament des réajustements de leurs rémunérations et de leurs allocations sociales versées en livres libanaises dans un pays où la monnaie nationale a perdu plus de 95% de sa valeur. Une revendication reconnue comme étant légitime, sans plus, par le ministre sortant des Télécoms, Johnny Corm, qui est d’ailleurs le ministre de tutelle de Ogero.

Déséquilibre budgétaire

Le fournisseur public de téléphonie et d'internet peine à couvrir les frais opérationnels et de maintenance de ses centraux téléphoniques et d’internet haut débit. Son autosuffisance financière est battue en brèche. Son budget est entaché d’un déséquilibre entre les revenus et les postes de dépenses. La raison est simple: comme EDL, Ogero vend à perte ses services, dans l’indifférence totale des gestionnaires de l’entité et du ministre de tutelle. Pourtant, l’équation n’est pas compliquée. 


Ogero fournit la capacité internet via les fournisseurs de services de données (DSP) et les fournisseurs de services Internet (ISP). Il agit lui-même comme un fournisseur d’accès internet (FAI). Il fournit ses services à perte, à la surprise des moins avertis.  

À titre d’exemple, Ogero vend les 80 gigaoctets (gigabytes) aux opérateurs de la téléphonie mobile, alfa et touch au prix de 0,5 dollar, soit à près de 60 000 LL, alors que celles-ci revendent chaque 10 gigaoctets à environ 11 dollars. Rien que des pertes sèches pour la société d’État et des bénéfices significatifs pour les sociétés privées. Cela dit, les pertes de Ogero sont sérieusement alourdies par le prix de location du E1 international, une technologie de télécommunication pour le transport, par répartition dans le temps de la voix, de la vidéo et des données, aux ISP.

Selon le décret n° 9458 du 24 juin 2022, les fournisseurs de services Internet louent le E1 international pour la somme modique de 475 000 LL, un prix inférieur au prix de revient du ministère des Télécoms et Ogero, qui le paie en dollars «frais». Quant aux ISP, ils le revendent aux abonnés au prix de 80 dollars « frais » par mois. Le directeur général de Ogero, Imad Kreidieh, fait remarquer qu’en juin 2022, personne ne pouvait imaginer un dollar à plus de 100 000 LL. Il n'en demeure pas moins que ces écarts ne sont pas normaux.

Des rectifications des tarifications sont à même d’assurer des revenus sensibles à Ogero sans pour autant occasionner des charges supplémentaires aux abonnés. Toutefois, un réajustement de la tarification nécessite une réunion du gouvernement.
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