Ryad et Téhéran veulent assurer la stabilité au MO
En visite à Pékin, les chefs de la diplomatie d'Iran et d'Arabie saoudite ont convenu de collaborer à "la sécurité, la stabilité et la prospérité" au Moyen-Orient. Ce double engagement de principe a été pris au terme d'une réunion qu'ont tenue jeudi 6 avril les ministres saoudien et iranien des Affaires étrangères dans la capitale chinoise. 

C'est une réunion hors du commun qu'ont tenue jeudi à Pékin les chefs de la diplomatie saoudienne et iranienne, Fayçal ben Farhane et Hossein Amir-Abdollahian, dans le sillage de l'accord bilatéral de réconciliation qui avait été annoncé le 10 mars dernier à Pékin sous l'égide de la Chine. Au terme de leur entretien, les deux ministres ont publié un communiqué conjoint dans lequel ils affirment leur volonté de collaborer en vue de rétablir "la sécurité, la stabilité et la prospérité" au Moyen-Orient.

En bon médiateur, Pékin a également affirmé vouloir œuvrer à ces objectifs dans la région. La télévision d'État chinoise CCTV a salué dans ce cadre "la première rencontre officielle entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays en plus de sept ans", une avancée obtenue "sous la médiation active de la Chine".

Dans leur communiqué commun, Hossein Amir-Abdollahian et Fayçal ben Farhane ont assuré que "les deux parties ont convenu de poursuivre la mise en œuvre de l'accord de Pékin et son application d'une manière qui accroisse la confiance mutuelle ainsi que les champs de coopération et qui aide à créer la sécurité, la stabilité et la prospérité dans la région".

La rencontre des deux ministres à Pékin coïncide avec la venue du président français Emmanuel Macron et de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Les deux responsables européens souhaitent faire entendre la voix de l'Europe auprès du président chinois Xi Jinping, proche allié de Moscou qu'ils ne désespèrent pas de voir jouer un rôle pour la paix en Ukraine.

Hossein Amir-Abdollahian, ministre iranien des Affaires étrangères et ses homologues saoudien le Prince Faisal bin Farhan, et chinois Qin Gang, à Pérkin.

L'Arabie saoudite sunnite, premier exportateur mondial de pétrole, et l'Iran chiite, en désaccord avec les pays occidentaux sur ses activités nucléaires, avaient surpris le monde en annonçant le 10 mars vouloir rétablir leurs relations diplomatiques dans les deux mois, à l'issue de pourparlers menés secrètement en Chine.

Selon le ministère iranien des Affaires étrangères, les deux ministres ont évoqué la réouverture mutuelle des ambassades et des consulats. Ce rapprochement devrait permettre aux deux pays de mettre en œuvre des accords de coopération économique et de sécurité signés il y a plus de 20 ans.

Il devrait être formellement célébré à l'occasion d'une visite du président iranien, Ebrahim Raïssi, à Ryad, à l'invitation du roi Salmane d'Arabie saoudite, un déplacement prévu après le ramadan, fin avril.

Une médiation réussie

Ce climat de détente pourrait avoir des répercussions sur plusieurs conflits régionaux, notamment en Syrie et au Yémen, où les deux pays soutiennent des camps opposés.


L'accord à Pékin en mars marque l'engagement croissant de la Chine au Moyen-Orient, alors qu'elle restait jusque-là perçue comme réticente à s'impliquer dans les dossiers épineux de la région, ce qui lui a valu des remerciements de la part de l'Iran et l'Arabie saoudite.

Emmanuel Macron a fait valoir que "le rapprochement entre l'Arabie saoudite et l'Iran est à saluer". "Je vous félicite de cette avancée tout à fait importante", a-t-il réagi.

Poignée de main entre les ministres des Affaires étrangères iranien et saoudien qui symbolise le rapprochement entre les deux pays

Les États-Unis avaient pour leur part "salué" l'annonce du 10 mars, tout en soulignant qu'il restait "à voir si l'Iran remplirait ses obligations". "La Chine étant un solide soutien de l'Iran, l'Arabie saoudite devrait être rassurée sur le fait que l'Iran respectera l'accord", juge Joel Rubin, un ancien sous-secrétaire d'État adjoint américain.

La rencontre de jeudi "suggère que le processus n'a pas dérapé depuis l'annonce faite par Pékin le mois dernier", estime Ali Vaez, spécialiste de l'Iran au sein de l'organisation International Crisis Group. "Mais il est encore trop tôt pour savoir s'il s'agit d'une détente tactique ou d'une étape vers un rapprochement stratégique."

Un rapprochement qui redistribue les cartes
Pour certains experts, cet accord pourrait remettre en question la domination traditionnelle au Moyen-Orient de Washington, ennemi juré de l'Iran.

Allié des États-Unis et autre adversaire de l'Iran, Israël observe avec inquiétude ce rapprochement irano-saoudien qui pourrait affecter les Accords d'Abraham, le processus de normalisation avec certains pays arabes.

En parallèle des négociations avec Ryad, Téhéran cherche à renouer les liens avec d'autres capitales qui, pour soutenir l'Arabie saoudite, avaient réduit leurs liens diplomatiques depuis 2016.

Ces derniers mois, les Émirats et le Koweït ont ainsi repris leurs relations diplomatiques avec l'Iran. Le processus est engagé avec Bahreïn, et l'Égypte pourrait suivre. Mardi, Téhéran a nommé un ambassadeur à Abou Dhabi après près de huit années d'absence. Les Émirats avaient annoncé en août l'envoi d'un ambassadeur à Téhéran avec la volonté affichée de "renforcer les relations".

Maureen Décor, avec AFP
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