Plus envie de rire Samy Khayat
Dans les moments où les vagues montaient très haut et où la tempête soufflait très fort, dans un Liban en proie aux pires tourmentes, il restait quand même quelques constantes auxquelles on s’accrochait bien fort. Samy Khayat était toujours là. Jamais loin dans le paysage anarchique des guerres qui s’enchaînaient. Avec son humour bon enfant et ses jeux de mots attendrissants, Samy nous faisait rire. Né dans une famille très engagée dans les œuvres sociales avec un père Albert, à la tête de la Société Saint-Vincent de Paul et celle de la Société Protectrice des Animaux - que Samy dirigera par la suite-, entouré de deux frères dotés eux aussi d’un humour à toute épreuve, Samy a commencé très tôt sa carrière théâtrale. Comme une vraie évidence.



De celles auxquelles rien ne pourrait s’opposer. Dès le début des années 60, il se lance sur les planches dans un Liban qui découvrait amusé l’art de la satire et de l’ironie. On pouvait se moquer de tout alors on allait voir ! Comme de bien entendu, les mœurs politiques occupant toute la scène, il fallait alors bien en face un miroir grossissant. Le théâtre populaire avait trouvé sa place avec des spectateurs ravis et complices. Entre Chouchou et les Dix Heures, Samy Khayat fonde sa troupe et s’insère à merveille dans la case « je me moque, gentiment, mais je me moque ». Eh oui ! un siphon, fond, fond, Les marrants shows, et en 1971, son spectacle Salam… use qui détonne. Il sera one-man-show bien sûr, mais donnera sa place à chacun des membres de sa troupe talentueuse qui le suivra longtemps entouré de André Bekhazi, Nayla Béchara, Leila Haddad et Hovig Khochafian, Samy a déjà son public. Aussi fidèle qu’il le sera lui-même avec des spectacles qui s’enchaineront bon an mal an, en dépit de tout, sous les bombes et malgré tout comme une mission de dernière heure : faire rire les petits et les grands. En 1972, Chambre des Futés, en 1974 Gaz Gazna et enfin Fia Mafia en 1975 comme des titres qui résonnent encore aujourd’hui avec tellement de justesse qu’on serait tenté de croire qu’ils étaient prémonitoires.




Car Samy Khayat aura réussi dans un parcours ininterrompu et sans fautes à drainer toutes sortes de public, toutes sortes de catégories d’âge, maniant les jeux de mots et les parodies, les imitations et les chansons, les calembours et les gags. Chansonnier, acteur, parolier, metteur en scène, mais surtout récepteur des problèmes de l’heure sans oublier les travers de notre bonne vieille société libanaise, Samy nous faisait rire tout le temps, de nous-mêmes bien sûr, de ce bon Liban qu’il pinçait avec une tendresse infinie, mais aussi de ceux assis sur leurs fauteuils de velours avec la ferme intention d’y rester toujours. Infatigable et surtout tellement présent que c’en était presque rassurant, Samy ne s’est jamais arrêté. Marié à Nayla Béchara, père de deux enfants, on pourrait presque dire qu’il s’était fixé comme mission de se tenir aux côtés du peuple libanais, quelles que soient les circonstances, juste pour lui tenir les mains et bien sûr le chatouiller jusqu’à ce qu’il oublie ses peines. Dès janvier 1977, il présentera Pax Ba’a avec Fouad Aouad, Pierre Chamassian, Camille Saadé, Dolly Saadé, Nayla Khayat et Elie Wehbé et mettra un point d’honneur à ne jamais rester loin d’un public soumis aux pires horreurs d’une guerre sans fin. On se souviendra de Super-choir, de Yes for Elias, de Abou-Clips, de Baabda Boum de Finito qui, entre deux rounds, remplissaient les salles. La paix revenue, on continue bien sûr avec une énergie qui ne tarit jamais. Balavision, Clip Sandwich, Star Epidemy, Min Deryen… Hoppalissa, on est déjà à soixante spectacles et on a juste envie de les citer tous tant chacun évoque une période de notre vie à nous aussi. Inimitable et infatigable, Samy Khayat sera toujours Samy Khayat, un mot dans la manche, un spectacle dans le chapeau, des yeux malicieux et certainement encore tellement de cordes à son arc. Des cours de théâtre, des one-man-shows, un livre, pourquoi pas ? Connais-moi toi-même, et d’autres livres qui vont suivre, la Médaille de l’ordre français des Arts et des Lettres en 2020 et, jusqu’à la fin cette envie si attendrissante de rire et de faire rire dans un quotidien de plus en plus sombre. Mais on ne finira pas avec cette triste nouvelle. Tu nous as fait rire pratiquement toute notre vie alors on va te dire merci. Et pour une fois avec toi le dernier mot sera pour nous. Merci.

 
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